C’est ce sujet, très médiatisé depuis quelques années, à l’occasion de procès retentissants, que le professeur Israël Nisand a traité dans le petit amphithéâtre de la Faculté de médecine pas tout à fait plein lors d’une conférence Gutenberg, organisée par les DNA.

Il s’en occupe depuis fort longtemps et son but est ici de faire comprendre à l’opinion publique, mais aussi aux médecins, aux personnels soignants, aux magistrats de quoi il retourne pour éviter au mieux ces drames.

Une statistique autrichienne annonce qu’il y aurait un cas de déni sur 500 grossesses. Le professeur Nisand estime que ce chiffre est sous-estimé et qu’il serait plus près de un sur 250. Ce sont seulement les cas les plus médiatisés, du fait du nombre de victimes ou de la répétition des mêmes faits qui sont connus.

Mais dans le secteur hospitalier, c’est bien plus fréquent, même si les médecins eux-mêmes et les personnels sont encore surpris. Ainsi de ce chirurgien sur le point d’opérer une patiente pour un kyste ovaire et qui découvre une grossesse avancée.

Le déni de grossesse est un processus psychique inconscient qui fait que la femme ignore qu’elle est enceinte. Dans de nombreux cas, la grossesse est méconnue du fait qu’elle est le produit d’un viol ou de violences que la femme victime gomme de son esprit. Et le psychisme commandant au corps, ces cas restent inaperçus du conjoint ou de l’entourage, les femmes ne présentant pas de signes extérieurs visibles de leur état. Le fœtus se place en position verticale et le ventre reste plat. Ou bien les femmes sont en surpoids ce qui masque la grossesse.

Dans 25 % des accouchement, souvent solitaires, l’enfant meurt dans le quart d’heure qui suit la naissance. Non pas victime d’un meurtre comme on le croit trop souvent, mais du fait des conditions de la naissance et des tractions effectuées de manière non adéquate qui font qu’au lieu qu’une fois la tête passée, c’est une épaule, après l’autre qui est dégagée, il y a blocage du fait que les deux épaules ne peuvent passer en même temps.

Le professeur a cité plusieurs cas d’accouchement solitaire, suivis par l’élimination de l’enfant, dans une poubelle, un vide-ordure ou sa conservation dans un congélateur, ce qui peut-être distingué.

Lé déni de grossesse choque la société car il va à l’encontre d’une idée reçue selon laquelle les femmes auraient un instinct maternel.

En réalité, comme l’a montré Elisabeth Badinter, dans son ouvrage L’amour en plus, cet instinct n’existe pas.

C’est une invention que Nisand attribue à Jean-Jacques Rousseau. L’humain n’est pas un animal. Il ne fait pas son nid comme un oiseau. Il est une production de la culture. Dans le monde entier et depuis des époques fort reculées, (et aujourd’hui encore),on procédait, de la Rome antique à l’Inde du 21e siècle, sans état d’âme, à l’élimination des enfants à la naissance. Ou bien les femmes de condition sociale supérieure abandonnaient les enfants à des nourrices à la campagne pour ne plus s’en préoccuper.

L’enfant doit être adopté par sa mère. Et ce processus ne peut se faire que par la parole et le symbolique. C’est la raison pour laquelle, dans le déni de grossesse, les femmes ne peuvent, au moment de l’accouchement, comme avant, percevoir l’enfant que comme une tumeur, un corps étranger, un alien.

Il y a donc une grande nécessité d’informer sur ces questions, non seulement les femmes, les premières concernées, mais aussi le corps social tout entier, médecins, infirmières, magistrats, journalistes, etc.

Et c’est que le professeur Nisand a fait avec art.

lu dans les DNA

« Ces femmes ne sont pas des monstres »

« Il y a 3 ou 4 ans, cette conférence n’aurait certainement pas pu avoir lieu, l’opinion n’était pas prête » relève le professeur Israël Nisand, face au public venu nombreux lundi soir à l’amphithéâtre de la faculté de médecine de Strasbourg pour l’entendre dissiper les nombreuses zones d’ombre autour du déni de grossesse.
Le déni de grossesse, explique le gynécologue-obstétricien à l’assistance composée pour partie d’étudiants en médecine, concerne une grossesse sur 250… Sans rentrer dans le détail de son livre qui sortira en mars, Israël Nisand revient sur les nombreuses causes psychiques qui expliquent comment une femme peut ne pas être consciente d’être enceinte, malgré les symptômes physiques. Certaines grossesses peuvent se terminer en IVG tardives.
Au 3e trimestre, l’accouchement en solitaire fait porter des risques mortels à l’enfant (25% des cas) et à la mère. Lorsque ces cas sont pris en charge à temps, pédopsychiatre et psychologue doivent entourer le bébé et la mère « pour que cette femme sente qu’elle n’est pas un monstre mais quelqu’un qui a besoin d’aide ».
Pourquoi le corps médical et les magistrats ont longtemps préféré stigmatiser ces mères au lieu de les comprendre, le professeur Nisand l’explique en rappelant l’image sacralisée de la mère idéale et la fable de l’instinct maternel. Loin du réel des salles d’accouchement mais si rassurantes, pour chacun et en particulier pour les hommes. « Professeur Nisand, êtes-vous féministe ? » lui demande le journaliste des DNA Christian Bach. « Oui ! D’ailleurs, il y a autant de femmes que d’hommes féministes. Ma mère a eu 5 garçons et elle nous a transmis cela. Dans la vie, on avance tous mais certains dans des wagons de première classe et d’autres de deuxième classe. Les femmes sont en deuxième classe… »

M. B-G