Le prochain Cercle de Silence de Strasbourg
aura lieu jeudi 30 juin de 18h à 19h place Kléber,
pour protester silencieusement
contre la criminalisation des étrangers démunis de titre de séjour
Les mauvaises nouvelles pleuvent en ce moment.
Au plan national, une première conséquence des facilités données par la loi Besson arrive : le ministre de l’intérieur projette d’augmenter la quantité annuelle d’expulsions exigée des préfectures.
Un web documentaire sur cette « machine à expulser » a été récemment publié par Canal Plus.
Au plan local, nous répercutons ce mois-ci trois faits récents et graves, relatifs aux demandeurs d’asile.
1°) Le premier est extrêmement grave. Depuis quelque temps, la préfecture du Bas-Rhin rationne l’accès à ses locaux aux étrangers venant d’arriver en France et se signalant comme demandeurs d’asile. Depuis un peu plus d’un mois, elle y a ajouté l’absurde absolu : l’arrestation, à ses abords immédiats, des étrangers refoulés, au motif qu’ils ne se sont pas signalés immédiatement en préfecture, comme la loi le requiert. Leur demande d’asile est alors traitée en urgence, comme « abusive », et l’expulsion les attend sous trois semaines. Voilà un épisode de la vie d’une préfecture ordinaire, en France, en 2011.
Cette nouvelle a été relatée par oral au cercle du 30 mai. Le texte, un peu plus détaillé, a été placé ici sur notre site.
Alertées par des participants du cercle, les DNA ont enquêté et publié un article (pdf) un peu plus large à ce sujet jeudi 16 juin.
2°) Le deuxième est la mise à la rue de nombreux demandeurs d’asile. Ils étaient plus de cinquante il y a quelques jours. Ces familles attendent le jugement de leur cas par la Cour Nationale du Droit d’Asile. Cela comprend la préparation attentive de leur dossier et dure plusieurs mois. Cette mise à la rue est pour eux un enfer organisé. Diverses associations, dont ce n’est pas la tâche statutaire, s’épuisent à trouver des solutions. Vous trouverez ici un petit reportage photo.
3°) Le troisième est l’expulsion violente de Larissa, Tchétchène demandeuse d’asile, et d’une partie de ses enfants. La brutalité de cette expulsion a coupé sans recours une famille en deux.
— Nous donnons ci-dessous quelques détails sur 2°) et 3°). —
2°) La préfecture place en « procédure prioritaire » beaucoup de demandes de statut de réfugié. Cette procédure aboutit plus rarement et surtout, permet l’expulsion avant le jugement de la Cour Nationale du Droit d’Asile, et élimine au bout de quelques semaines l’obligation de logement des demandeurs.
Le premier motif de « procédure prioritaire » est la provenance des étrangers : une liste de pays « sûrs »(1), établie par l’OFPRA, la permet automatiquement. Mais l’administration y place aussi toute demande qu’elle estime « abusive », et en fait un usage très large [voir par ex. notre 1°) …]. Des centaines de demandes ainsi classées « abusives » ont abouti positivement, rien que dans le Bas-Rhin. Il s’agit de personnes gravement en danger dans leur pays.
Une circulaire ministérielle du 24 mai dernier enjoint aux préfectures de ne loger les demandeurs d’asile que quand la loi y contraint absolument. Le résultat est actuellement plus de cinquante personnes sans logement, dont une famille avec un enfant handicapé. Il ne s’agit pas d’un problème financier : quand elle y est contrainte, la préfecture utilise des hôtels, solution ponctuelle plus chère que le logement à plus long terme dans d’autres structures des quelques dizaines de personnes concernées.
En ce moment où la Turquie accueille de nombreux Syriens, où la Tunisie et ses 10 millions d’habitants accueille et soigne plus de 50 000 Libyens, la préfecture du Bas-Rhin utilise tous les moyens pour plonger 50 demandeurs d’asile dans l’enfer de la rue et de la précarité.
3°) Larissa(2) est tchétchène. Avec son mari et ses sept enfants, elle a dû tout quitter là-bas. Elle et sa famille sont arrivés ensemble en France, où ils ont demandé l’asile. Malheureusement, le premier pays de l’espace Schengen qu’ils ont traversé pour cela est la Pologne, où leurs empreintes digitales ont été relevées. La France a alors la possibilité(3) de refuser leur demande d’asile et de les refouler en Pologne, pour qu’ils demandent l’asile là-bas. C’est ce qu’elle a fait. Les procédures d’asile aboutissent rarement en Pologne, et pour d’autres raisons, Larissa ne veut pas y retourner.
Un matin, elle sortait de l’hôtel où elle logeait, pour conduire six de ses enfants à l’école. La Police aux Frontières l’a arrêtée et conduite le plus vite possible en voiture prendre un avion à l’aéroport de Lyon-Satolas. Larissa n’est pas passée par un Centre de Rétention, n’a donc eu accès à aucun recours ni assistance juridique. Son mari a été informé de l’arrestation, mais pas du fait que l’expulsion était en cours d’exécution.
Expliquant qu’elle ne voulait pas être séparée de son mari et de son septième enfant, elle a résisté à l’embarquement, ainsi que son enfant aîné. La police l’a frappée et ligotée pour l’embarquer. Les autorités polonaises, qui n’avaient jusqu’ici consenti à aucun refoulement de portions de familles, a cette fois autorisé ce transfert.
La famille de Larissa avait réussi à atteindre la France au complet. C’est nous qui l’avons déchirée, traitant Larissa comme une criminelle. Nous investissons d’importants moyens financiers et humains dans cette machinerie.
L’équipe de coordination du cercle de silence de Strasbourg
(1) Nous vous laissons contempler cette liste : Albanie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Kosovo, Mali (sauf pour les femmes), Macédoine, Île Maurice, Mongolie, Sénégal, Serbie, Tanzanie, Ukraine.
(2) Le nom a été changé.
(3) Cette possibilité est ouverte par le « règlement Dublin II », règlement de l’Union Européenne adopté en 2003.
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