Si Jean-Paul Sartre vivait encore, il n’aurait pas écrit L’être et le néant, mais L’être et le Guéant!
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Immigration : les analyses de Guéant, à la trappe
Plusieurs déclarations du ministre de l’Intérieur sont revues et corrigées par les organismes compétents
Quand Claude Guéant, le ministre français de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration s’en prend aux immigrés, les chiffres et les arguments avancés sont souvent matière à caution. Au point que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) soit sorti de sa réserve sous la pression des syndicats. Le dimanche 22 mai dernier, sur les ondes de la radio Europe 1, l’ancien secrétaire de l’Elysée affirmait que « les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés ». Un communiqué de l’Insee publié ce lundi rétablit la vérité statistique. Ainsi, rappelle l’institut, « la proportion d’enfants d’immigrés parmi les élèves sortis sans qualification de l’enseignement secondaire peut être estimée à environ 16 % pour les enfants de familles immigrées. Si on y ajoute les enfants de familles « mixtes », cette proportion passe à environ 22 % ». Ces chiffres sont issus d’une étude datant de 2005.
Les immigrés s’intègrent et la France a besoin « de maçons, de serveurs de restaurants » non européens
Dans son intervention sur Europe 1, Claude Guéant affirmait également que « contrairement à une légende, il est inexact que nous ayons besoin de talents, de compétences [issus de l’immigration, ndlr]. Il y a de l’ordre de 2 000 personnes qui viennent à ce titre. Mais on n’a pas besoin de maçons, de serveurs de restaurants. Il y a en France de la ressource parmi les Français. » Pourtant dans les six accords de gestion concertée des flux migratoires signés entre la France et des pays non européens sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la liste élargie des métiers en tension – ces secteurs où la France a besoin de faire appel à la main d’œuvre étrangère –, fait toujours mention des BTP et de la restauration. Au Congo et au Gabon, sont exclusivement concernés le BTP. Le Bénin, le Burkina Faso, la Tunisie et Maurice, eux, peuvent se porter pourvoyeurs de main d’œuvre dans les deux secteurs.
Une des nombreuses autres affirmations erronées du ministre Guéant sur l’immigration concerne l’intégration. A la mi-avril, le ministre de l’Intérieur déclarait sur les antennes de TF1 que « l’intégration est en panne ». Motif évoqué : « 24% des étrangers non européens qui se trouvent en France sont des demandeurs d’emploi. C’est presque trois plus que le taux (de chômage) national ». Information démentie en partie par un article des Cahiers français de l’intégration signé par Benoît Normand, secrétaire général du Haut conseil à l’intégration (HCI), organisme chargé par la primature française de toutes les questions relatives à l’intégration. Le document réaffirme que ce type d’affirmations reposent « pour l’essentiel, sur la réalité d’un taux de chômage plus élevé des immigrés au regard de celui de l’ensemble de la population (…). Cependant, comme tout lieu commun, celui-ci est en bonne partie faux et a pour inconvénient majeur de stigmatiser, tout à la fois, les immigrés soupçonnés de ne pas vouloir s’intégrer, et le pays d’accueil accusé de discriminer une immigration familiale qui a, en outre, vocation à travailler ». Dans cet article, on apprend ainsi que le taux de chômage des immigrés non européens serait a priori le double et non pas le triple du taux de chômage national ; 7,3% pour les non-immigrés contre 15,2% pour les immigrés, selon les chiffres fournis par l’Insee (Enquêtes emploi du 1er au 4e trimestre, 2007).
Par ailleurs, pour le président du Haut conseil à l’intégration (HCI), Patrick Gaubert, « l’intégration à la française, ça marche ». « Si l’on considère des indicateurs tangibles comme le niveau de diplôme des générations suivantes, la mobilité sociale ou les mariages mixtes, la majorité s’intègre », peut-on lire dans les colonnes du Figaro. Une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Politiques (CEVIPOF) sur le Rapport au politique des Français issus de l’immigration maghrébine, africaine et turque, rapportée par les Cahiers français de l’intégration, indique que « ces derniers ne sont pas, dans leur très grande majorité, dans une logique communautaire de revendication particulière et, bien au contraire, qu’ils adoptent des comportements politiques conformes à leurs catégories socioprofessionnelles ».
A quelques mois des élections présidentielles de 2012, la volonté du pouvoir sortant d’attirer les électeurs d’extrême-droite, en mettant notamment en avant les questions relatives à la l’immigration, rime avec contre-vérités.
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