parYariv Oppenheimer

secrétaire général de Shalom Arshav

[Même si la flottille de Gaza est irritante et provocatrice, un Etat
souverain ne peut traiter tout acte de protestation comme un acte terroriste
qui doit se terminer en un bain de sang]

Pour Israël, cette nuit a marqué un nouveau fond dans la manière dont il
choisit d¹affronter les opposants à sa politique intérieure et étrangère. Un
pays qui ne laisse pas ses citoyens protester, manifester et demander
justice, un pays occupé à inventer des tests de loyauté pour ses citoyens et
à faire passer des lois pour limiter la liberté d¹expression échoue encore
une fois au véritable test en stoppant une flotte civile de protestation au
prix d¹une dizaine de vies humaines.

La flottille qui a quitté la Turquie, il y a quelques jours a réussi à
provoquer même ma colère. Des centaines de militants pro-Hamas ont défié
Israël, ouvertement et honteusement. Pas un mot contre le gouvernement du
Hamas ; pas un mot sur Gila Salit, pas un mot sur le désir de paix. Mais,
même si la flottille de Gaza est irritante et provocatrice, un Etat
souverain ne peut traiter tout acte de protestation comme un acte terroriste
qui doit se terminer en un bain de sang. Au lieu de se servir de cette
flotte pour générer un débat interne sur l¹efficacité de la politique de
siège de Gaza et de ses implications morales et politiques pour Israël, tous
les porte-parole du gouvernement ont choisi de s¹intéresser en priorité à la
poignée de militants sur les bateaux et à les affubler du titre de “menaces
pour la sécurité d¹Israël”. De là à un massacre inutile, le chemin était
court.

Ce n¹est pas de la faute des soldats ni des officiers, ni de celle des chefs
de Tsahal. C¹est toute la société israélienne qui est responsable des
résultats macabres de l¹assaut. La radicalisation de la société israélienne
a porté ses fruits. Le message envoyé aux soldats et aux policiers est en
train de se cristalliser : quand des Arabes sont impliqués, le doigt sur la
détente est léger. La détermination aborde le bateau, la sensibilité reste à
l¹eau.

Mais n¹ayez crainte, la machine de propagande israélienne s¹est mise en
branle, et au bout de quelques heures seulement, chaque Israélien racontera
comment des hélicoptères du Hamas se sont emparés d¹un bateau plein
d¹immigrants illégaux juifs et tiré dans tous les sens. Avec l¹aide de nos
mécanismes de refoulement et les encouragements des porte-parole de l¹armée,
nous nous dissocierons encore une fois de la réalité et du monde qui nous
entoure, et fabriquerons notre propre scénario qui racontera que, comme
toujours, nous sommes les victimes et le monde entier est contre nous.
L¹issue de l¹assaut de cette nuit sera-t-elle un commission d¹enquête ?
Aucune chance.

Israël justifie son image de brute violente

Le prix de l¹assaut sera payé en premier lieu par les familles des victimes.
Viennent ensuite les Israéliens qui veulent la paix et souhaitent de tout
leur c¦ur mettre fin au conflit, arrêter l¹engrenage des violences et vivre
dans un pays moins fou. Nous, la majorité silencieuse, regardons avec
désespoir Israël justifier par ses actes l¹image de brute violente qu¹il a
acquise ces dernières années et donner à nos pires ennemis des raisons de se
réjouir.

S¹il y a des vainqueurs de cet assaut, ils se trouvent à Téhéran, dans les
bunkers de Beyrouth et au QG du Hamas à Gaza. Le Hamas a réussi avec l¹aide
active du gouvernement israélien à bénéficier de la reconnaissance
internationale, du soutien du monde arabe, et à être perçu comme un héros de
la résistance à Israël.

Les ennemis de la paix et les extrémistes de deux côtés peuvent des raisons
de s¹attaquer mutuellement et d¹approfondir la haine et l¹hostilité entre
Arabes et Juifs, en Israël et en-dehors. Encore une fois, les modérés des
deux bords sont réduits au silence, et la voix de la raison est noyée par
celles qui incitent à la haine.Sans une voix forte de l¹opinion israélienne
patriote qui appellera ses dirigeants à choisir un autre chemin, nous allons
nous retrouver dans un pays décadent sur le plan moral et politique, coulant
lentement dans l¹abîme.