N’oublions pas ceux oubliés il y a 77 ans !
C’était un matin de printemps à 6 heures, juste avant Pessah, le 19 avril 1943.
Le premier soulèvement urbain en Europe nazifiée éclate. Il est juif. Il est à Varsovie.
N’oublions pas qu’en dehors de Varsovie, près de 500 ghettos, appelés cyniquement “judische Wohnbezirke” (quartiers résidentiels juifs), couvrent l’Europe centrale et orientale : plus de 400 dans les frontières polonaises d’avant-guerre, une vingtaine dans les Pays Baltes, un en Bohême (Theresienstadt), des dizaines en Ukraine, Biélorussie, Hongrie, dans les Balkans…
N’oublions pas que les Juifs de Varsovie ne sont pas les seuls à se révolter. Les autres soulèvements, peu connus ou oubliés et pourtant importants, éclatent dans les ghettos à Luck – Loutsk (déjà le 16 décembre 1942), Czestochowa (le 25 juin 1943), Sosnowiec/ Bedzin (le 1er août 1943), et Bialystok (le 16 août 1943).
Chant du ghetto de Bialystok par Lloica
N’oublions pas que le peuple juif était seul et abandonné. Le même jour, exactement le 19 avril 1943, à 7 000 km du ghetto de Varsovie, sous la pression de l’opinion publique britannique (églises, associations, presse), ouvre “la Conférence internationale des Bermudes” qui doit décider l’aide à apporter aux Juifs de l’Europe. On y parle “d’identifier le problème et de trouver des solutions” *.
Cette conférence américano-britannique se tient dans les plus luxueux hôtels de Hamilton en Bermudes jusqu’au 29 avril 1943, pendant les terribles combats du soulèvement de Varsovie. Le gouvernement américain y bloque toute la participation et même l’observation de la Conférence par les organisations juives quelconques. A la Conférence, les Britanniques refusent d’admettre les réfugiés juifs en Palestine et les Américains d’ouvrir les quotas d’ immigrants aux USA aux Juifs.
En conclusion de la Conférence, le chef de la délégation américaine Harold W. Dodd déclare “qu’apporter une aide aux Juifs en Europe peut être stupide et criminel car elle va perturber les opérations militaires en cours” *. Les Britanniques, quant à eux, refusent de condamner l’Allemagne pour leurs crimes et de leur demander de libérer les derniers Juifs allemands.
Le ghetto de Varsovie agonise dans le silence et dans l’indifférence.
Apres la chute de l’insurrection, le membre du Conseil national polonais en exil à Londres, Szmul Zygielbojm qui représente la social-démocratie juive BUND se suicide (le 12 ou 13 mai 1943). Il nous laisse ces mots:
“La responsabilité du crime d’extermination de toute la nation juive de Pologne incombe en premier lieu aux assassins, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et les gouvernements des états alliés qui n’ont, jusqu’à aujourd’hui, entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime. (…) Par ma mort, je voudrais, protester contre la passivité d’un monde qui assiste à l’extermination du peuple juif et l’admet.” **
* Bermuda Conference to consider the refugee problem, April 19-28, 1943 and the implementation of certain of conference recommendations. Foreign relations of the United States diplomatic papers, General, United States Department of State 1943, p. 134-249.
** Traduction du polonais de la lettre de Szmul Mordechaj Zygielbojm par Valiske, page 1.
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