Malgré les protestations, Utopia maintient son boycott d’un film israélien
LEMONDE.FR avec AFP | 10.06.10 | 19h51

rtistes, professionnels du 7e Art et jusqu’au ministre de la culture ont mis la pression sur Utopia, jeudi 10 juin, pour que le réseau de cinémas d’art et d’essai lève sa décision de déprogrammer un film israélien pour protester contre la politique de l’Etat d’Israël. Mais les responsables ont maintenu leur décision.

“Je tiens à vous faire part de mon incompréhension et de ma désapprobation à l’égard de cette décision”, a déclaré Frédéric Mitterrand dans une lettre adressée à Anne-Marie Faucon, cofondatrice d’Utopia. “Ma déception est d’autant plus grande que j’ai toujours eu le sentiment que le réseau Utopia était ouvert à toute la diversité du cinéma et participait, à sa façon, à ce débat démocratique”, a poursuivi le ministre. Cette déprogrammation est “d’autant plus navrante et incompréhensible que le nouveau cinéma israélien a toujours posé un regard lucide et critique sur le conflit israélo-palestinien et n’a jamais éludé ce débat”, affirme-t-il.Utopia a retiré de la programmation de deux de ses six salles en France le film A 5 heures de Paris de l’Israélien Léon Prudovsky – attendu le 23 juin sur quelque 80 écrans – pour manifester son indignation après le raid meurtrier de l’armée israélienne contre une flottille d’aide humanitaire à Gaza.

UTOPIA MAINTIENT SON BOYCOTT

Jeudi les responsables du circuit de salles n’envisageaient pas de faire machine arrière, mais se disaient surpris par l’ampleur des protestations suscitées par sa décision, en France comme à l’étranger, émanant du monde du cinéma ou d’organisations antiracistes telles que SOS Racisme ou la Licra. “Nous sommes soufflés, nous recevons même des coups de fil d’Angleterre et des Etats-Unis. Visiblement, ce qui a scandalisé, c’est que l’on s’en prenne à Israël”, a déclaré Michel Malacarnet, l’un des responsables d’Utopia. “Nous ne changerons absolument pas notre position. Il nous semble que face à l’indigence de la réaction des Etats, il faut que les citoyens prennent position”, a-t-il poursuivi.

Dans sa réponse au ministre, Utopia estime que son “geste symbolique et limité dans le temps n’a rien d’une censure” et “ne nuit pas” au film, que le réseau diffusera en juillet, à une date non définie. Des débats avec des réalisateurs israéliens seront organisés, auxquels Utopia va inviter Léon Prudovsky, précise encore le circuit. Cette “déprogrammation ponctuelle”s’inscrit “dans la droite ligne des appels à un boycott plus ou moins radical lancés par Jane Fonda, Ken Loach, certains groupes de rock et des écrivains dont Henning Mankell”, dit Utopia.

Jeudi, sept organisations du 7e Art représentant producteurs, distributeurs, éditeurs de films mais aussi auteurs, réalisateurs et scénaristes ont demandé à Utopia de “revenir sur son boycott et de maintenir la diffusion du film”. Toutes dénoncent “une forme de prise d’otage de la culture”. De son côté, l’ARP, qui représente des auteurs, des réalisateurs et des producteurs, estime qu’en “voulant dénoncer la politique d’un pays, Utopia se contente de faire un raccourci des plus regrettables et des plus dangereux”.