Allocution de Madame Halsema, maire d’Amsterdam au sommet de Francfort des maires contre l’antisémitisme
Chers collègues,
Chaque habitant d’Amsterdam a le droit à la liberté et à la sécurité. À Amsterdam nous sommes obligés de faire tout ce que nous pouvons pour protéger notre communauté juive. Nous louons et protégeons la part précieuse qu’elle a dans notre histoire, notre culture et notre littérature collectives.
C’est triste mais il nous faut encore être vigilants. Non seulement pour les Juifs mais aussi pour les Musulmans et d’autres minorités. À Amsterdam nous investissons dans la protection des synagogues, des mosquées et d’autres édifices religieux. La protection ne suffit pas pour autant. Les mots comptent aussi. En tant que maire d’Amsterdam, j’ai la responsabilité de combattre à la source le racisme structurel et la discrimination institutionnelle. Cette année sera inauguré à Amsterdam un monument construit par Libeskind, qui portera les noms des 102 220 victimes de l’holocauste. Comme l’a très justement dit l’écrivain néerlandais Arnon Grunberg lors de notre journée nationale de la commémoration, « il ne s’agit pas d’abolir le passé mais de souligner que le passé n’est pas encore passé ».
Nous ne devrions pas oublier comment l’holocauste a commencé : une plaisanterie, des fake news, dans les salles de classe, au travail, dans la rue. Nous devrions être vigilants sur ces premiers pas. N’oubliez pas qu’avant Auschwitz il y a eu des élections, des directives administratives, des contributions volontaires et d’autres involontaires, dont la plupart n’avaient jamais été dans un camp de concentration ni tué qui que ce soit. Il est important de noter qu’après la guerre les Allemands n’ont pas été les seuls à dire qu’ils ne savaient rien de tout cela, qu’ils ne faisaient qu’obéir à des ordres. Les assistants de la police néerlandaise, les employés des chemins de fer néerlandais et même les fonctionnaires de la ville d’Amsterdam prétendaient la même chose. Nous ne pouvons pas nous permettre de vivre sans raisonnablement craindre que parmi nous, que même nous, nous pourrions prendre la suite de ceux qui les ont assistés. Il est tout aussi important que nous ayons de l’espoir et tirions des encouragements d’actes de bravoure comme la grève de février 1941 à Amsterdam. Cette grève, en pleine occupation nazie par le peuple d’Amsterdam est considérée comme la seule protestation de masse en Europe contre les rafles de Juifs par les nazis.
Cette grève est l’une des raisons pour lesquelles Amsterdam a lancé une campagne contre le racisme et la discrimination. Avec cette campagne, nous déclarons que nous sommes tous responsables. Tous les Amstellodamiens devraient être solidaires les uns des autres : dites quelque chose, intervenez ! Ne pas être spectateur en silence. Les mots comptent. Nous avons commandé des études sur l’effet du racisme, de l’antisémitisme, de la discrimination envers les Musulmans, et contre les personnes LGBTQI+ sur le bien-être des personnes concernées. Pour la période à venir, ces études constituent la base de discussions larges dans la ville sur l’expérience de la discrimination, de l’antisémitisme et du racisme.
Les mots comptent. L’antisémitisme et la critique de l’État d’Israël ne sont pas la même chose. On a le droit de critiquer la politique des Pays Bas ; les gens devraient aussi avoir le droit de critiquer la politique de l’État d’Israël. Mais dire que la critique d’un acte de l’État d’Israël est de la haine des Juifs c’est tromper les gens qui ont fait l’expérience de l’horreur de la vraie discrimination ; chercher un bénéfice politique en disant qu’une enquête juridique de la Cour Pénale Internationale sur un acteur étatique à Gaza est de l’antisémitisme c’est gravement sous-évaluer le sens de l’antisémitisme et les sombres conséquences de l’antisémitisme aujourd’hui et dans le cours de l’histoire.
Comme l’a récemment déclaré Angela Merkel : « le langage est ce qui précède l’action ». En tant que dirigeants, nous avons une responsabilité supplémentaire qui est de monter l’exemple, de nous assurer que le mot ne devienne pas poison ».
Merci