Quatre-vingts ans après, la ville de Marseille, dans le sud de la France, organise dimanche des commémorations exceptionnelles autour des rafles de 1943 et des destructions des vieux quartiers pendant la Seconde Guerre mondiale, qualifiées par le maire de la deuxième ville de France de « crime contre l’humanité ».
« Ce qui s’est passé il y a 80 ans est une tragédie dont nous devons garder la trace. Pourtant, pendant trop longtemps elle a été oubliée, effacée presque de notre mémoire collective », a déclaré le maire Benoît Payan (union de la gauche) lors d’une cérémonie commémorant ces rafles, déportations et destructions commises par le régime français de Vichy sur ordre des nazis.
« Il aura fallu 80 ans pour qu’un maire et des ministres reconnaissent ensemble cette opération (Sultan) qui porte un nom, un crime contre l’humanité », a-t-il ajouté avec émotion, en présence du ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin dont la présence est vécue comme une forme de reconnaissance nationale face à ces évènements longtemps restés dans l’ombre de l’Histoire.
« C’est à la demande personnelle du président de la République que les membres du gouvernement viennent ici réparer cette lacune et signent ici sa portée nationale », a expliqué ce dernier ,reconnaissant que ces « rafles de Marseille et la destruction des vieux quartiers est bien trop peu relatée dans les livres d’histoire ».
Entre les 22 et 24 janvier 1943, une série de rafles, parmi les plus vastes avec celle du Vel’ d’Hiv’ six mois plus tôt à Paris, est conduite dans les vieux quartiers de Marseille, sur décision des nazis qui occupent la France et avec la collaboration active du régime français de Vichy.
Près de 800 juifs, notamment du quartier de l’Opéra, sont envoyés dans les camps d’extermination. Puis une deuxième rafle vise « la petite Naples », le coeur historique de Marseille, derrière le Vieux-Port. Ce quartier populaire est vidé de force de ses habitants, pour beaucoup des immigrés italiens.
Considérés par les nazis comme « une porcherie » et un nid de résistance, ces quartiers seront ensuite dynamités et rayés de la carte. Au total, 20.000 personnes sont touchées, 15.000 internées à Fréjus (sud de la France) et 1.642 déportées.
« Ce moment je l’ai attendu toute ma vie, pendant 80 ans. Il a fallu une plainte pour crime contre l’humanité en 2019 par Me Pascal Luongo » pour que ces drames « ressurgissent de l’oubli », a témoigné Antoine Mignemi, un des derniers survivants de cet épisode, président du collectif Saint-Jean 24 janvier 1943, devant une foule nourrie de Marseillais réunis sous un soleil glacial.
L’enquête, ouverte par un pôle spécialisé à Paris, est toujours en cours mais pourrait être classée faute d’auteur présumé vivant identifié, selon Me Luongo.
Le président français, Jacques Chirac, avait été le premier en 1995 à reconnaître la responsabilité de la France dans les rafles et déportations de Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Agence France-Presse