De la misère en correctionnelle

Hier après-midi, la Feuille de chou était au Palais de justice de Strasbourg, salle 101, croyant pouvoir assister au procès du jeune majeur interpellé le 6 juin lors de la manifestation de l’Intersyndicale et gardé à vue 48h.

Disons de suite que j’ai pu assister de 14 à 16h à deux procès et demi, celui du jeune s’étant déroulé dans la seconde partie de l’après-midi, alors que j’avais quitté les lieux.

Agé de 19 ans, il a été condamné à 1 an de prison dont 6 mois de sursis, mais les juges n’ont pas décerné de mandat de dépôt, ce qui fait qu’il a été libéré depuis le tribunal.

Il aurait lancé deux canettes, vides, vers les policiers pour aider la jeune fille mineure brutalement interpellée devant le TNS, et, auparavant aurait lancé un artifice, qui aurait blessé, selon leurs déclarations 3 policiers…

Le premier procès était contre un Syrien dont le discernement a été jugé altéré par le psychiatre qui l’a examiné en GAV, pas assez cependant pour qu’il soit interné d’office.

Il a été vu par des promeneurs allumant plusieurs feux en forêt de Niederbronn. Interrogé avec humanité par le président du tribunal M. Schneider, il a dit, en arabe traduit par une traductrice assermentée, qu’il vagabondait, faisait la manche et se nourrissait dans les poubelles. Il parle peu aux gens (bien sûr il ne sait pas le français), serait venu à pied en France, fait du portage sur les marchés. Il semblé découvrir l’OQTF qui le concerne. Il attendra en prison le jugement après procès remis à l’audience du 12 juillet.

Autre procès misérable, un Tunisien et un Algérien inculpés pour vol de vélo et peut-être trottinette, et aussi pour coups et blessures sur un homme noir dans un tram. La victime était présente, la joue gauche barrée d’un gros pansement.

Affaire plutôt embrouillée malgré les questions du président pour comprendre le déroulé des faits. L’un des prévenus était du genre taiseux, l’autre répondait plus longuement aux questions.Le Tunisien avait une interdiction du territoire français de 10 ans, non respectée, donc. Connu sous diverses identités, sans qu’on sache la véritable.

Le second travaille en CDD, gagne bien sa vie. Tous deux disent qu’ils avaient bu, mais ils avaient environ 0,5 g par litre. Le président leur suggère un moment de ne pas boire s’ils ne supportent pas. L’un d’eux a heurté, d’abord involontairement, la victime, puis celle-ci a été agressée à la gorge et au visage par une main tenant une canette, d’où les blessures au visage. La victime a tiré la sonnette d’alarme et ils ont été arrêtés.

Le procureur qu’on entendait à peine, car il parlait bas loin du micro, a élevé fortement la voix un moment pour parler d’actes abjects.
Ils ont écopé l’un de deux ans ferme, l’autre de 15 mois avec une partie avec sursis probatoire.

Troisième procès auquel j’ai assisté en partie seulement, les faits évoqués étaient insupportables, et étant pris par autre chose après 16h.

Un homme qui vit avec une jeune femme, petite, fragile d’apparence et qui, selon la voisine la battrait quotidiennement. La victime est présente. C’est elle qui a appelé la police et s’est plainte des coups reçus dans l’appartement, le sang étant visible des policiers intervenus.

Sauf que, par la suite, ni à la police ni à la justice elle ne maintient ses accusations, déclarant aimer son homme. Peu au courant des usages dans les tribunaux, elle interrompait le président, qui lui garantissait qu’elle serait appelée à la barre ensuite. Les interruptions se poursuivant, comme celles de l’homme dans la cage vitrée, le président lui demande de se lever pour faire quelques pas. On voit qu’elle a du mal à marcher droit, probablement alcoolisée.

Elle fait quelques déclarations timides à la barre, toujours disculpant l’homme.
La fin de ce procès ne m’est pas connue; mais on peut faire l’hypothèse que le prévenu a été condamné pour violence.

Ce n’est pas la première fois que j’assiste à des procès en correctionnelle, indépendamment de celui fait à la-feuille-de-chou.pour diffamation, procès gagné contre la Ville de Strasbourg, car la Feuille avait dénoncé la situation intolérable de Roms dans des campements de fortune. Le procès a été gagné, non sur le fond, comme souvent lors de procès de presse, mais sur la forme. Voir la Feuille de chou pour le compte-rendu intégral.

Mais le moins qu’on puisse dire est que les personnes concernées par ces procès font très souvent partie du bas de la société, eu égard à leur situation, à leur culture, méconnaissant les us de l’appareil judiciaire et se défendant maladroitement, avec, qui plus est des avocats commis d’office, qui n’ont pas eu le temps de connaitre leurs dossiers.

Rien à voir avec le procès de Sarkozy qui traîne autant ni ceux des “grands” de ce monde, membres de la classe dominante. Il en va de même pour les personnes condamnées où les pauvres sont surreprésentés ainsi que les étrangers, ce qui augmente les commentaires et prises de position, hélas xénophobes.

Dans un moment où le ministre de l’intérieur s’apprête à présenter une contre-réforme concernant les migrants et les étrangers, soyons attentifs aux dangers de cet état de fait, alors que tant de ministres sont soit inculpés soit soupçonnés de délits autrement important que ceux de la correctionnelle de ce jour.