Liban

Un accueil populaire enthousiaste tout au long de la route de l’aéroport
Par Scarlett HADDAD | jeudi, octobre 14, 2010, l’orient le jour

Sous le vrombissement vigilant de l’hélicoptère qui survole le trajet de l’aéroport au palais de Baabda, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad s’est retrouvé dans les quartiers qu’il affectionne, ceux des gens pauvres, où les stigmates de la guerre sont encore visibles. En dépit des consignes de sécurité très strictes, il a laissé éclater sa passion des foules (que ses détracteurs appellent son populisme) pour saluer les gens sortis en masse dans la rue pour l’accueillir et il leur a demandé de le bénir. « Faites des vœux pour moi », leur a-t-il lancé à partir du toit ouvrant de sa grande voiture blindée (de marque américaine). Le trajet a pris ainsi plus d’une heure et le président iranien a tenu à passer devant le camp palestinien de Bourj Brajneh pour saluer les habitants des camps et leur témoigner ainsi sa sympathie.

Briseur de protocole, homme d’État hors normes, Ahmadinejad a multiplié au cours du premier jour de sa visite au Liban les messages et les symboles. Arrivé à l’aéroport vers 9 heures du matin, et accueilli par le président de la Chambre Nabih Berry (conformément aux règles en vigueur dans son pays, car lorsque le président Michel Sleiman s’était rendu à Téhéran en novembre 2008, il ne l’avait pas accueilli à l’aéroport), ainsi que par des représentants de tous les blocs parlementaires, il a réservé une accolade très chaleureuse aux pères de Imad Moghniyé et de Abbas Moussawi. Mais il a aussi salué d’une manière appuyée le ministre des Affaires sociales, le Kataëb Sélim Sayegh.
Toujours soucieux d’accorder une place privilégiée aux familles des martyrs et aux couches populaires défavorisées, Ahmadinejad a donné des sueurs froides à son service de sécurité (un mélange de membres de la garde présidentielle libanaise et de gardiens de la révolution iranienne, les premiers reconnaissables à leurs cravates et les autres sans) en insistant à s’arrêter tous les quelques mètres au cours du trajet pour serrer les mains tendues. Son cortège a d’ailleurs été recouvert de pétales de roses et de riz sur fond de chants enthousiastes. Il est vrai que depuis une semaine, le Hezbollah et Amal ont mené une véritable campagne pour mobiliser les gens et les inviter à descendre dans la rue pour accueillir le président de la République islamique d’Iran. Alors que les informations officielles annonçaient jusqu’à la dernière minute que le président iranien se rendrait à Baabda par hélicoptère, le Hezbollah, lui, savait qu’il n’en serait rien et c’est en connaissance de cause qu’il avait poussé les gens à se déployer le long de la route de l’aéroport. Le spectacle était d’ailleurs totalement différent de celui de la visite du prédécesseur d’Ahmadinejad, Mohammad Khatami, en 2003, qui avait été accueilli avec une certaine froideur de la part du Hezbollah. Il faut dire aussi que les circonstances actuelles sont bien différentes de celles de 2003. Ahmadinejad a donc poursuivi son chemin au pas de tortue sous des banderoles sur lesquelles est inscrite la formule suivante : « Mahmoud du peuple », accompagné par les cris enthousiastes de la foule.
Auparavant, il avait fait une courte escale au pavillon des VIP de l’aéroport où Nabih Berry lui avait déclaré : « Votre visite était déjà importante. Mais elle l’est devenue encore plus à cause de nos ennemis. Depuis que votre venue au Liban a été annoncée, vous avez occupé le monde entier… » Et le président iranien a répondu : « Parfois, les agissements de l’ennemi peuvent se transformer en source de bien, si Dieu le veut », ajoutant que « les ennemis sont toujours affolés lorsqu’ils voient des amis heureux ensemble ». Ahmadinejad a encore exprimé sa fierté d’être au Liban, « parmi ses frères », mais il n’a pas voulu trop parler. Visiblement, les discours protocolaires ont été écourtés, tant il avait hâte d’être en contact avec la foule. La foule qui lui a bien rendu son « amour », en multipliant sur son passage les explosions de joie et même en faisant éclater quelques feux d’artifice. Le premier contact d’Ahmadinejad avec le sol libanais a donc été à la hauteur de son attente. Il faut simplement signaler que selon des sources sécuritaires, l’armée libanaise a arrêté un travailleur syrien, A. O, qui était en train de filmer le convoi présidentiel de façon suspecte. Il est vrai que le service de sécurité libano-iranien est aux aguets avec toutes les menaces et les tensions qui ont entouré cette visite. Toutefois, le premier bain de foule a eu lieu sans incident et devant le portail du palais de Baabda, les premiers soulagés étaient les gardes de sécurité.