Le prochain cercle de silence de Strasbourg aura lieu lundi 28 février 2011, à 18 heures, Place Kléber, afin de protester contre la criminalisation des personnes démunies de papiers. Malheureusement, de mois en mois, nous ne manquons pas de matière à nous indigner car depuis 2006 les drames humains provoqués par la politique du « chiffre » des expulsions n’auront fait que se multiplier, n’auront fait que s’aggraver… Notre propos n’est pas une posture idéologique lointaine. Les situations absurdes, indignes, souvent tragiques, que nous rapportons concernent des personnes vivant là dans notre cité, jute à côté de nous… Qu’est ce qui donc nous rassemble chaque mois en silence autour d’une lampe tempête et qui transcende nos diversités culturelles, sociales, politiques, religieuses, générationnelles ? Quelque chose de très bête, de basique, d’élémentaire, qui est la nécessité, un moment, de se lever pour dire non lorsque notre propre humanité est mise en péril. Pour emprunter l’expression à notre psychanalyste du terroir, Charlotte Herfray : Non, il y a des choses qu’on ne fait pas ! Non il y a des choses qu’on ne fait pas si on veut encore se reconnaître comme un Mensch. Non, on ne renvoie pas des demandeurs d’asile dans le pays où ils sont en danger de mort Non, on n’arrache pas un père ou une mère à ses enfants Non, on n’enferme pas des enfants dans une prison et le fait que cette prison s’appelle « Centre de Rétention » ne change rien pour eux Non, on ne renvoie pas une personne gravement malade dans son pays d’origine où elle n’aura pas accès aux soins Non, on ne brise pas la vie de quelqu’un qui l’a construite ici depuis une décennie, en travaillant, en payant ses impôts, en y fondant tout son cercle familial et social Non, on ne renvoie pas une grand-mère dont toute la famille est en France et qui veut juste finir sa vie auprès des siens… Non, on n’arrête pas ces mêmes personnes à proximité des Restaurants du cœur, des abris de nuit, de Médecins du monde, de la maison Casalis où travaillent Casas et la Cimade… là où vont les plus pauvres et les plus vulnérables d’entre nous pour juste avoir à manger, avoir un lit pour la nuit, être soigné, espérer régulariser leur situation administrative. Non, il y a des choses qu’on ne fait pas, et rien de ce qu’on pourra nous raconter de la réal politique n’y changera rien. Il ne s’agit malheureusement pas de mots, non, il s’agit de faits. Tout cela se fait quotidiennement et partout, à Strasbourg comme dans toutes les villes de France, et plus alarmant encore, dans toute l’Europe qui est sur le même versant sécuritaire. Tout cela se fait, à force bien banalement, et nous refusons la banalité du mal. Albert Camus nous disait qu’une société se juge à l’état de ses prisons. Elles ne sont pas belles comme vous le savez et nombre de personnes sans papiers contribuent d’ailleurs à les surpeupler alors qu’elles n’ont jamais fait de mal à personne… Ces hommes, ces femmes, ces enfants sans défense et pourchassés par la police sont des éclaireurs de ce que le monde, le nôtre, est en train de devenir. Personne n’a vraiment envie de se reconnaître en leur miroir Et quand on pourra le faire il sera déjà bien tard. En informant, informant sans relâche, nous espérons redonner un visage, une histoire, une réalité à ces personnes qui disparaissent derrière l’entreprise de déshumanisation de la politique du « chiffre », qui disparaissent derrière le fantasme de l’autre, cet étranger, envahissant et menaçant… et ça marche depuis la nuit des temps. Nous avons la conviction que si les citoyens prennent conscience de ce qu’on inflige réellement à ces personnes étrangères qui ont le malheur, car c’est un malheur, de vivre en étant démunies de papiers, ils diront non également. Au minimum, qu’on ne puisse pas dire que l’on ne savait pas, qu’on ne savait pas ce qui se déroule, là, devant nos yeux, nos yeux si souvent grands fermés… Jamais nous n’avons pas eu autant besoin de Menschen qu’en ce moment.* PS : Nous vous invitons à avoir une pensée pour Artak, venu d’Arménie il y a cinq ans pour mourir à 31 ans, anonymement, sans sépulture, sur une terre restée obstinément étrangère… Disparu depuis plusieurs mois, ses ossements viennent d’être retrouvés à Strasbourg. Artak, ceux qui ont croisé ton chemin n’oublient pas combien la vie aura une galère pour toi. Hadjokhoutyun Artak ! * Extrait du discours tenu à l’occasion de la remise du prix 2010 du Club de la presse au cercle de silence de Strasbourg le 26 janvier dernier Merci de nous signaler si vous ne désirez plus recevoir nos informations.

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