“Tu dois changer ta vie.” ?

Sloterdijk à Strasbourg

Le public a patienté sagement sans même applaudir ni protester comme au concert quand l’artiste est en retard.

Le responsable du Centre culturel franco-allemand de Karlsruhe, Walter, tenait le micro, sans en abuser. Le directer du ZKM de la même ville était assis avec un “maître” sur le canapé noir à droite de la tribune, vu de la salle. Enfin, il est arrivé, le philosophe voisin, retardé par des bouchons sur l’Auto-Bahn allemande…

Il s’est assis de toute sa massive carrure, moustache en avant, lunettes sur le bord du nez, cheveux filasse blonds mi-long, et il nous a regardés. Silence. Des deux côtés. Puis, comme il était attendu, “piégé“, ainsi qu’il l’a dit, il a parlé, lentement, en excellent français. Avec humour, se moquant gentiment des Franzözich, de leur “révolution”, de leurs gouvernants. La salle riait d’être la cible. Rare auto-dérision.

Sloterdijk 1

Il ne commenta pas son gros livre, mais développa sur le titre en forme d’impératif catégorique, la même chose, selon ses dires, que le “Indignez-vous” de Stéphane Hessel, qui occupait l’estrade quelques jours avant.

Sloterdijk 2

Mais enfin, “Tu dois changer ta vie“? Vraiment? Et d’abord, qui parle, qui me parle? A la deuxième personne du singulier! Cette injonction vient-elle du dehors, hétéronome, ou du dedans?

On pense à des “religions”, mais la seule fois que Sloterdijk emploie le terme, c’est pour le rejeter, justement.


On n’a pas (encore) lu le livre. On a capté qu’il était question de notre monde. ici et là-bas, où se passent de gros changements. Il ne l’a pas dit explicitement, mais on ne peut pas ne pas penser aux peuples qui, du Yémen au Maroc, essaient de “changer leur vie”, au pluriel plus qu’au singulier de la deuxième personne. Ou le cadre politique de leur vie. Et nous? Suffit-il qu’IL DEGAGE?

Il n’y a plus de “maîtres”, selon le philosophe. Cétait reposant, en un sens, les maîtres, ou intimidant-terrorisant, -Lacan est mort!-malgré ce qu’en disait déjà Kant, qui nous enjoignait de nous passer de maître. Pour devenir notre propre maître. Y sommes nous parvenus, tous, quelques uns, personne? Y-a-t–il, ou pas, encore, des maîtres? En faut-il? Y a-t-il une demande de maîtres? Quelle est la cote du maître à la bourse des valeurs? Vaste question, comme dirait l’autre! Un certain regain “religieux” bricolé n’en serait-il pas le signe?

L’homme assis à côté du directeur du ZKM (on ne connait pas son nom ni sa “fonction”) n’hésita pas à se dire “maître”. Et nul ne broncha, enfin de manière audible.

On se souvint de Kant, encore lui, qui disait que l’homme avait besoin d’éducateurs, mais que les éducateurs eux-mêmes devaient être éduqués. sévèrement, parfois, à chaque niveau… L’immaturité de l’homme, la néoténie.

Il fut question de Rainer Maria Rilke, de Rodin, de torse antique qui nous regarde. On pensa à Merleau-Ponty chez qui cette idée se trouve aussi.

On comprit moins l’éloge de l’entrainement sportif par lequel Sloterdijk termina sa méditation devant nous. Il nous lut aussi quelques passages du livre, avant de dédicacer et de s’en retourner rive gauche du “Vater Rhein”, assuré que les embouteillages avaient cessé à cette heure.

Sloterdijk

Sloterdijk
22 févr. 2011

Strasbourg librairie Kléber “Tu dois changer ta vie“…
Du son suivra…
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2 Commentaires

  1. Schlomo Schlomo
    27 février 2011    

    oui, mais il était question de se sentir vu par des choses inertes!
    on trouve ça chez Merleau-Ponty aussi; et chez Jean-Luc Nancy: le tableau me regarde!

  2. Aline Aline
    27 février 2011    

    qu’est-ce qui fait que ça me regarde : la question du regard de l’autre qui suscite le regard intérieur; d’où vient que soudain je vois d’être vu ? au point de me sentir… concerné par la nécessité de changer
    c’est, à mon humble “point” de vue (!) cela que nous pose avant tout sous les yeux Rilke

    es geht mich an : ça vient à moi et ça m’allume !

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