Quelques notes après ma visite des 25 et 30 octobre 2009

(Témoignage de Colette Georges, adhérente à l’UJFP, en mission civile « Agrexco »).

Nous connaissons tous le problème de Sheikh Jarrah, ce quartier où, depuis le 15 mars 2009, des familles palestiniennes sont en butte à des menaces d’expulsion puis à la violence de la mise à la rue, malgré la présence d’internationaux et d’associations israéliennes qui sont pour la justice, et malgré les condamnations de la Communauté internationale. Nous nous y rendrons le 25 puis le 30 octobre pour participer à une manifestation en présence de Luisa Morgantini, députée européenne…

Si l’on regarde une carte, on s’aperçoit que Sheikh Jarrah est très « mal » placé : en limite extrême de Jérusalem Est, au nord de la « Old City », au contact de Jérusalem Ouest, c’est-à-dire d’Israël avec, de plus, le quartier Est, dans son dos, truffé de colonies anciennes construites en direction du mont Scopus.

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On voit bien qu’il est en extrême danger devant l’appétit de conquête habituel des Israéliens : étendre le territoire et pousser dehors les Arabes qui y habitent, et, en même temps, établir une continuité territoriale entre Jérusalem Ouest israélienne et les colonies, et faire ainsi cesser leur relatif « isolement ». C’est la même technique de « grignotage pour raccordement » qui est en action ici, à Jérusalem, comme entre les colonies de Cisjordanie, ainsi que nous le montrera Mikado sur le terrain.

Les tentatives d’annexion durent en fait depuis 40 ans, menées par les autorités israéliennes ou par des organisations de colons qui prennent la relève et qui usent de tous les subterfuges juridiques, aidés par la justice israélienne qui ne reconnaît jamais le droit des Palestiniens, souvent des réfugiés de 1948. Et ces tentatives concernent en fait tout le quartier de Sheik Jarrah, dont quatre endroits sont sous la menace : Shepherd Hotel, Karm el Mufti, Kubaniyat im Haroun et Karm Al Ja’oun qui est soumis aux expulsions actuelles.

Karm Al Ja’oun : la bataille juridique est engagée depuis…1972 ! Une association juive sépharade, et américaine bien sûr, mène la lutte juridique et, forte de ses ancêtres réfugiés dans l’Empire Ottoman après leur expulsion d’Espagne en 1492, produit une attestation ottomane de …1870 qui justifierait sa PROPRIETE sur les lieux. Bien que l’avocat des expulsables ait prouvé qu’il s’agissait non d’un titre de PROPRIETE mais d’un titre de LOCATION, la cour israélienne a donné droit à l’association juive, selon les parodies de justice habituelles (qui permettent de dire qu’Israël est une démocratie !). Elle a d’ailleurs confirmé ce jugement en rejetant le recours le 9 août, après l’expulsion du 2 août. Une transaction financière a été tentée par les Israéliens pour un prix dérisoire. Cette transaction a été refusée : les Palestiniens expriment clairement qu’ils ONT ETE des réfugiés et n’acceptent plus de retourner à l’état antérieur dont ils étaient sortis depuis…57 ans

Tout y est : la situation malheureusement stratégique, l’association juive américaine, le prétendu fond historique et la parodie de justice. On peut y ajouter les terrains à bâtir, la justification religieuse et le dénuement, y compris politique, des habitants palestiniens.

En effet, ce quartier est situé au fond d’une sorte de vallon, le wadi Al Guz . Les habitations vidées manu militari de leurs habitants ( 53 personnes dont 20 enfants ) ou en passe de l’être sont situées dans ce vallon, sauf une qui est à proximité et qui appartient à la famille de Maer Hanoun qui nous accompagnera de ses explications. Le vallon, un petit paradis dans la ville, offre encore beaucoup de terrain libre et le projet des colons est d’y construire une colonie, après destruction des 24 autres maisons et l’éviction de 300 résidents palestiniens.

Ces terrains sont en extrême danger étant donné leur situation géographique, mais, une fois de plus, la « prédation » s’impose religieusement. Elle est justifiée car une tombe rupestre qui est l’objet d’un culte pour les juifs sépharades se trouve opportunément dans le vallon : le tombeau du grand Prêtre SIMON dit le Juste ( Rabbi Shimon HaZadik ) qui se serait rendu au devant d’Alexandre le Grand vers 333 avant J.C ! ! …

Les Palestiniens concernés sont des réfugiés de 48, chassés notamment de Jérusalem Ouest, à qui l’UNAWRA et le Gouvernement de Jordanie ont donné en 1956 ces terrains pour y construire, contre l’ ABANDON de leurs droits de Réfugiés. Leur installation est donc légale, mais, comme chaque fois ici, et même ailleurs dans les pays colonisés, les propriétaires n’ont pas de titre de propriété. La transaction a pourtant bien dû laisser des traces quelque part…..

Le 2 août 2009, au moment où la présence internationale était la plus faible, dit Maer Hanoun, 53 personnes dont 20 enfants, des familles Hanoun et Al Ghawi, ont été chassées de chez elles, leurs habitations étant immédiatement réoccupées par des colons. Au cours de l’expulsion, 13 personnes ont été blessées et 35 arrêtées.

Les Hanoun campent le jour en face de leur maison, sous un olivier : c’est là q’ils nous reçoivent…à proximité de leur maison expropriée, surmontée d’un drapeau israélien et de caméras de surveillance : nous en voyons sortir un couple de colons…. Les Al Ghawi, eux, sont, dans le wadi, sous un abri sommaire, des matelas et quelques casseroles, installés avec leurs enfants devant leur maison réoccupée elle aussi immédiatement par des colons qui, derrière la grille ou sur la terrasse, surveillent la situation. Ils sont d’ailleurs protégés par un homme armé qui semble être d’une milice privée. Régulièrement la maigre toile est arrachée par la police, en présence de soldats israéliens, avec une violence extrême qui suscite les cris des femmes et les pleurs des enfants. Nous étions là lors d’un de ces arrachages, en présence de Luisa Morgantini, et nous avions les larmes aux yeux et la haine au cœur. Un voisin d’en face, des maisons basses précédées d’un jardin fruitier toujours soigné, vient annoncer qu’il a reçu son avis d’expulsion à une date prochaine. Il a déjà fait de la prison dans le cadre de cette lutte, comme Maer Hanoun.

Nous rencontrons sur place un rabbin de l’association des « Rabbins pour les Droits de l’Homme ». Il porte sa kippa, si bien que nous le prenons d’abord pour un colon ! La situation clarifiée, nos fraternisons et il nous présente son association avec laquelle j’ai cueilli des olives à Yannoun en 2003.

La situation semble sans issue. Les terrains, superbes, sont effectivement à prendre dans la logique israélienne de conquête sans respect des droits. Le fond historique et religieux y est. Les Palestiniens sont déjà des réfugiés, sans titre de propriété, sans pouvoir ni fortune. Les soutiens internationaux sont là mais ne se donnent pas le pouvoir d’agir (nombreuses visites du consul de France, en contact avec les expulsés, qui compatit mais n’en peut mais…)

La pluie et le froid arrivent….La situation ne peut durer et on sait où est la force….La présence et le témoignage des internationaux retardent l’échéance mais on doute que le pouvoir israélien recule…Comme le chat avec la souris, il observe, attend patiemment, et joue avec ses victimes, pensant comme toujours que le temps est avec lui et que, de toutes façons, il les croquera jusqu’à la dernière.

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