Pendant le procès du président des Don Quichotte de Strasbourg, une cinquantaine de militants solidaires étaient rassemblés devant le palais de justice sous la surveillance rapprochée de dizaines de policiers.
Jugement le 13 décembre.
Ce mardi matin avait lieu le procès d’Alexandre Glardon, président des Enfants de Don Quichotte -Strasbourg, accusé d’outrage et résistance à fonctionnaires de police.
Dès 8H30, son comité de soutien avait dressé une table de petit déjeuner devant le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg où une trentaine de personne a passé la matinée entourée d’un impressionnant cordon de CRS et GIPN (une bonne cinquantaine).
Le procès s’est déroulé salle 29 du Tribunal (Chambre correctionnelle, juge unique).
Alexandre, qui poursuit une grève de la faim depuis un mois, est apparu amaigri (- 7 kg) mais serein et toujours aussi combatif.
Dès son arrivée et juste avant le commencement du rappel des faits, une escorte de 5 policiers spéciaux (CDI 67 – écusson cathédrale de Strasbourg/ lynx / matraque) a fait irruption dans la salle, armés de taser et flash-ball (tenus sur la poitrine en mitraillette) pour encadrer les éventuels soutiens perturbateurs qui assisteraient à ce procès ouvert au public. Précautions et déploiement de force inutiles …
C’est alors que, devant une salle comble et concentrée, le Président a stipulé à Alexandre ses deux chefs d’accusation (outrage et résistance à fonctionnaire de police, avec récidive pour le dernier) et rappelé les paroles malheureuses pour lesquelles il est poursuivi: (extraits) « on va te mettre l’estomac dans la bouche et vous allez crever par terre », ou encore « Mazoyer, la suceuse de Bisch, ancien conseiller de cabinet de Charles Pasqua, grosse truie… ».
L’avocat d’Alexandre, Maître Bigeot, demande immédiatement et fermement de ne pas juger les faits « en l’état » avant d’avoir pris connaissance des preuves vidéos qu’il apportera au dossier ultérieurement.
Le Président a ensuite évoqué les circonstances des faits avant de demander à Alexandre d’apporter ses précisions. Ce dernier, retrace le déroulé de son arrestation alors qu’il avait rendez-vous, place Kléber, avec les acteurs d’une troupe de théâtre qui devaient lui remettre « Porky », un porcelet de 6 mois, acteur d’un soir qui serait devenu -pour la suite de sa carrière- l’un des nouveaux pensionnaires d’une ferme autogérée…
A son arrivée sur le lieu du rendez-vous, 4 policiers « patrouilleurs » reconnaissant Alexandre, l’ont interpellé verbalement (« Tiens, il ne manquait plus que toi, voilà le plus beau et le plus intelligent… »)
Face à cette provocation, il a répliqué par les insultes citées plus haut.
Les policiers l’ont alors plaqué au sol, menotté et fait monter dans leur véhicule pour l’accuser plus tard de s’être violemment débattu et d’avoir résisté à son arrestation (blessant au passage un policier).
Alexandre précise que le terme de « suceuse » n’avait pas un caractère sexuel ni avilissant.
Il ajoute qu’il ne s’en est pas pris aux policiers en tant qu’individus mais pour ce qu’ils représentent.
Son avocat rappelle les états de service de son client envers les plus pauvres et démunis, en tant que responsable des Enfants de Don Quichotte.
La Partie civile qui défend les 4 policiers réclame de 650 à 850 € d’amende par plaignant pour non respect de la fonction de policier. Elle précise que Monsieur Mazoyer n’a pas déposé plainte.
La Procureure, pour le Ministère public déplore l’absence de mesures d’instruction (photos, vidéos, auditions…) et surtout de témoins à citer à la barre. Elle ne retient que les certificats médicaux et rejette d’emblée le besoin d’apporter d’autres mesures d’instruction ultérieurement. Quant aux certificats médicaux prouvant les marques de la violence de l’interpellation d’Alexandre, elle les juge non recevables puisqu’ils sont la preuve et la conséquence de la résistance d’Alexandre à son arrestation : s’il ne s’était pas rebellé, il n’aurait pas été violemment plaqué au sol !
La Procureur précise également que les 4 témoignages des policiers sont tout à fait concordants.
Elle ajoute, enfin, que les activités bénévoles d’Alexandre n’affaiblissent pas sa culpabilité en tant que personne. L’outrage à policier étant puni par la loi, Alexandre ayant des antécédents d’outrage, elle rejette la demande de sursis et requiert 6 mois d’emprisonnement.
Maître Bigeot reprend la parole. Avec une gouaille manifeste, il interpelle directement le Président sur différents points et incohérences du dossier :
– Bon nombre de policiers ont failli à leur serment et ont eux-mêmes été accusés d’outrage (mais non poursuivis en général…) : l’accusation d’outrage est-elle la même pour tous les hommes ?
– La place Kléber est truffée de caméras de surveillance (une quinzaine) installées par la ville au prétexte de prévenir la délinquance mais aussi d’élucider d’éventuelles affaires. Où sont les bandes vidéos et pourquoi n’ont-elles pas été exploitées ?
– C’est Mazoyer qui a été le plus outragé : pourquoi n’a-t-il pas déposé plainte ?
Maître Bigeot souhaite l’intervention d’un juge d’instruction indépendant dans cette affaire.
Non sans humour, il ajoute également que « suceuse » est un terme cycliste qui définit « celui qui colle à la roue », « qui emboîte le pas » !
Reprenant un ton grave, il dénonce un acharnement à l’encontre de son client qu’il décrit comme « un empêcheur de dormir dehors » qui ne demande jamais rien pour lui-même mais pour ses revendications et ses actions altruistes.
Pour preuve de cet acharnement, une suspicion et une surveillance constantes associées à des pressions non dissimulées… Maître Bigeot évoque alors l’entrée en force, une heure auparavant, dans la salle d’audience, de policiers armés qui n’étaient « pas de chez nous » et demande au Président l’intérêt d’en appeler à des forces spéciales. Il demande alors au Président s’il a été témoin d’une quelconque scène de rébellion dans la salle. Le Président est forcé de répondre que « non ».
Dans un ultime plaidoyer, Maître Bigeot déclare qu’Alexandre Glardon « ne défie pas la société mais demande la justice sociale et la justice de la Justice ».
Il implore le Président « d’avoir le courage de rendre une justice égalitaire », sans quoi, un jour ou l’autre, « il sera demandé justice à la Justice » par des gens bien décidés à se rebeller…
Le Président renvoie l’affaire en délibéré au 13 décembre prochain.
Photos correspondant f2c