Face à face tendu entre un colon d’extrême droite et un soldat israélien, à Hébron, au mois d’octobre dernier. Les auteurs des attaques contre l’armée sont considérés comme un groupuscule de jeunes extrémistes, et leurs gestes sont condamnés par les principales organisations de colons israéliens.
Photo: Hazem Bader, Archives AFP
Janie Gosselin La Presse |
(Jérusalem) Haim Har-Zahav a choqué les Israéliens. Le soldat réserviste décrit sur son blogue des attaques commises contre l’armée en Cisjordanie. Perpétrées par des gens qu’il pensait pourtant être allé protéger. La Presse l’a rencontré.
Larges pierres lancées à plusieurs mètres de hauteur, sabotage de véhicules militaires… En septembre dernier, l’armée israélienne a été la cible d’attaques en Cisjordanie. Les gestes auraient pu passer inaperçus dans ce territoire palestinien, si ce n’était leurs auteurs présumés: des colons israéliens extrémistes de la région, lancés dans une série de gestes perçus comme des représailles contre leur propre gouvernement.
Haim Har-Zahav, réserviste dans l’armée, s’est attiré de nombreuses critiques en parlant ouvertement sur son blogue de ces attaques, qu’il n’hésite pas à qualifier de «tentatives de meurtre» commises par des «terroristes».
«L’entrée sur mon blogue s’appelle «Univers parallèle», parce que dans l’univers d’où je viens – Israël et le monde normal -, c’est une tentative de meurtre de saboter les freins de quelqu’un, pas une façon de prouver un point de vue politique», explique l’homme de 33 ans. Le texte a reçu plus de 44 000 clics depuis septembre et continue d’attirer une douzaine de visiteurs chaque jour, souligne-t-il.
Haim Har-Zahav se décrit comme un «Israélien moyen». Le producteur de télévision sert dans l’armée une trentaine de jours chaque année depuis la fin de son service militaire obligatoire. Le vétéran du conflit au Liban est un habitué de la Cisjordanie. Mais ce qu’il y a vu en septembre l’a profondément choqué.
«Quand je suis arrivé sur place, le gars que je remplaçais a dit: «Ici, on ne sait pas vraiment qui est l’ennemi»», raconte-t-il.
«Prix à payer»
C’était la première fois qu’il servait dans la région située à quelques kilomètres au nord de Jérusalem. Son service a coïncidé avec le démantèlement de trois bâtiments d’une colonie construite sans autorisation gouvernementale. Plus de 300 000 Israéliens vivent en Cisjordanie. La communauté internationale juge toutes les colonies illégales, qu’elles aient reçu l’aval du gouvernement israélien ou non.
C’est ce démantèlement qui aurait déclenché une série d’actes contre l’armée, dans une logique de représailles que des groupes extrémistes qualifient de «prix à payer» – d’après l’expression qu’ils ont l’habitude d’inscrire sur les lieux qu’ils vandalisent.
Leurs cibles habituelles sont des propriétés palestiniennes. Les auteurs sont considérés comme un groupuscule de jeunes extrémistes, et leurs gestes sont condamnés par les principales organisations de colons. Le service de sécurité intérieure israélien a sonné l’alarme, il y a quelques semaines, sur les violences croissantes et l’élargissement des éléments visés.
S’il savait que ces gestes existaient, Haim Har-Zahav ne croyait pas qu’ils oseraient s’en prendre à l’armée.
«Il ne se passait pas une journée sans qu’ils nous lancent des pierres, chaque fois qu’on s’approchait de la colonie, raconte-t-il. Nous sommes habitués à ce genre de chose de la part de Palestiniens, mais pas d’Israéliens. Je veux dire, j’ai laissé mes deux filles à la maison pour venir défendre ces gens. Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas.»
Traité de traître
Même si les Israéliens ont été majoritairement choqués par les gestes commis contre l’armée, la description précise des événements sur le blogue a suscité de nombreux commentaires – et un lot d’insultes. «Les gens à droite me traitent de traître qui fait une mauvaise réputation à Israël. Les gens de gauche me disent que je suis un nazi et un lâche parce que j’accepte de servir en Cisjordanie», résume celui qui se décrit comme un Israélien «patriotique». En ce qui concerne l’armée, il dit avoir reçu surtout des remerciements de ses confrères. «À la fin de notre service, nous nous sommes tous sentis trahis, dit-il. Quand les gens qu’on est censé protéger agissent de cette façon, on se demande ce qu’on fait là.»
Il espère maintenant avoir ouvert un dialogue parmi les colons sur leurs éléments extrémistes. «J’ai seulement voulu dire ce qui se passait», note-t-il.