Après la Métaphysique du mou, parue en 2007 à Mille et une nuits, l’œuvre du philosophe Jean-Baptiste Botul, (1896-1947) n’aura bientôt plus de secret, même chez BHL, avec la publication du tome de la correspondance de Botul à lui-même Du trou au tout, aux éditions la découverte, sous la houlette de Jacques Gaillard, maitre de conférence émérite de l’Université de Strasbourg.

C’est Miclo, le Causeur bien connu, entre les murs de la Salle Blanche, qui présentait le savant ouvrage dans la langue absconse attendue en usage dans les cénacles post philosophiques.

Puis Jacques Gaillard nous introduisit, c’est le cas de le dire,  dans la pensée botulienne grâce à cette correspondance miraculeusement retrouvée.

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Plusieurs questions venues de la salle furent la preuve de l’intérêt pour cette étoile filante de la philosophie du 20 e siècle qui consacra tellement d’effort à l’instar de Jean-Paul Sartre à la question du trou.

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On sait que Sartre, alors dans le service météorologique de l’armée française, pendant la drôle de guerre du côté de Brumath, a écrit des pages fondamentales sur le même sujet du trou.

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Aussi n’est-il pas étonnant de se demander qui de Sartre ou de Botul mit le premier le doigt dans sur le trou.

Il semble que ce soit Botul qui par l’intermédiaire de Simone de Beauvoir, dont il regonfla la roue avant du vélo, lors d’une promenade commune, qui ait la primeur. Sartre ne serait qu’un vil plagiaire?

La lecture de cette œuvre passionnante laisse pourtant ouvertes bien des questions.

En particulier celle des trous d’air, dont l’un fut, on le sait, fatal à Antoine de Saint-Exupéry. Mais avant de tomber en chute libre dans ce trou, l’aviateur avait eu, heureusement pour nous, le temps, à la demande de Botul, “Dessine moi un trou” d’en tracer la figure .

Bien des questions se posent, car il ne faut pas prendre le trou pour son bord, ni pour son fond.

De violentes polémiques font rage entre ceux qui croient que tous les fromagers suisses ont lu l’œuvre de Botul, à l’exception des fabricants de Gruyère, dont on ne sait pas assez qu’il n’a pas de trou. Alors, choix conscient de ces Suisses particularistes ou bien ignorance de l’œuvre de Botul?

On se demande aussi s’il n’y aurait pas des lettres cachées dans lesquelles Botul aurait traité de la question du trou de manière ethnologique, en particulier pour le trou normand.

Et puisqu’on ne peut s’empêcher de chercher si Botul n’aurait pas eu des précurseurs, on s’étonne qu’un professeur aussi éminent que Jacques Gaillard n’ait pas remarqué, qu’à une lettre près, simplement déplacée, Jules Verne aurait pu être l’une de ces sources latentes, en particulier dans son livre Le trou du monde en 80 jours dont le titre si original a été vicieusement modifié par un typographe qui aurait bu comme un trou.

Il en traitera peut-être, de même que la question des trous noirs, dans son prochain ouvrage?

 

Carnets de la drôle de guerre Sartre

“Et certes, le trou du cul est le plus vivant des trous, un trou lyrique, qui se fronce comme un sourcil, qui se resserre comme une bête blessée se contracte, qui bée enfin, vaincu et près de livrer ses secrets; c’est le plus douillet, le plus caché des trous, tout ce qu’on voudra. (…) Je vois en effet que le trou est lié au refus, à la négation et au Néant. Le trou, c’est d’abord ce qui n’est pas. Cette fonction néantisante du trou est révélée par des expressions vulgaires qu’on entend ici, telles que: “trou du cul sans fesses”, ce qui signifie: néant. (…) Le vertige du trou vient de ce qu’il propose l’anéantissement, il dérobe à la facticité. Le trou est sacré par ce qu’il recèle. Il est par ailleurs l’occasion d’un contact avec ce qu’on ne voit pas. (…) Mais en même temps, dans l’acte de pénétrer un trou, qui est viol, effraction, négation, nous trouvons l’acte ouvrier de boucher le trou. En un sens, tous les trous sollicitent obscurément qu’on les comble, ils sont des appels: combler = triompher du plein sur le vide, de l’existence sur le Néant. D’où la tendance à boucher les trous avec sa propre substance, ce qui amène identification à la substance trouée et finalement métamorphose.

(…)

J’ai seulement voulu marquer l’origine humaine du sens des choses, entendant par là non point que l’homme est antérieur au sens des choses, mais que le monde est humain et que c’est dans un monde humain que l’homme apparaît. Notons en effet ici que le trou n’est point d’abord trou et ensuite néant nocturne, puissance engloutissante, etc. C’est d’un même mouvement qu’il se constitue comme objet naturel et comme objet humain, car sans l’homme et sa puissance néantisante, il n’y aurait pas de trou, il n’y aurait qu’un épanouissement de plénitude indifférenciée. C’est en projetant son néant dans cette plénitude que l’homme, par la négation, fait qu’il y ait des trous et que ces trous soient des trous-pour-l’homme.”