Tel Aviv // Certains affirment que les citoyens Palestiniens d’Israël fuient la modernisation et construisent des maisons illégalement. D’autres allèguent que l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie vole l’eau d’Israël. Et d’autres encore que les Palestiniens sont un « problème démographique terrifiant » pour Israël.
De telles affirmations suivent la tendance générale que l’on trouve dans les manuels scolaires en Israël qui enseignent une approche « anti-Palestinienne » dans une tentative de préparer les enfants juifs à être agressifs envers les Palestiniens une fois qu’ils serviront dans l’armée, si on en croit un nouveau livre.
Prêt à être publié ce mois-ci en Grande-Bretagne, le livre « La Palestine dans les manuels scolaires Israéliens – idéologie et propagande dans l’éducation » – est le premier à apporter publiquement les preuves que les écoles Israéliennes ont des manuels scolaires racistes dit Nurit Peled-Elhanan, professeur à l’Université Hébraïque de Jérusalem qui a étudié des douzaines de manuels scolaires Israéliens publiés depuis les années 1990.
« Je cherchais des raisons pouvant expliquer pourquoi de gentils garçons Juifs se transforment en monstres quand ils intègrent l’armée » dit Mme Peled-Elhanan dans une interview qui s’est déroulée dans sa maison juste à l’extérieur de Jérusalem.
« Ils ne rencontrent jamais de Palestiniens face-à-face lorsqu’ils sont enfants, c’est pourquoi les manuels scolaires sont leur seule source d’information »
Mais sa recherche a suscité une opposition féroce parmi de nombreux universitaires Israéliens qui l’accusent d’avoir des positions extrémistes de gauche et de faire grandir des sentiments anti-Israéliens à l’étranger où ses idées ont été mieux accueillies par les universitaires qui centrent leurs préoccupations sur l’éducation.
Certains critiques expliquent que la partialité des manuels scolaires est omniprésente dans de nombreux pays, les Etats-Unis compris.
« La partialité en Amérique est blanche et protestante, juste comme ici, elle est blanche et Ashkénaze » dit Svi Bekerman, un professeur Israélien d’Education.
Elie Podeh, un professeur à l’université Hébraïque , critique Mme Peled-Elhanan dans une interview avec le « National » parce qu’elle semble ignorer les « énormes progrès » comme, entre autres, la suppression des qualificatifs de « voleurs » et « d’assassins » appliqués aux Arabes. Il ajoute même que quelques livres mentionnent l’émergence du Mouvement National Palestinien et reconnaissent certains cas d’expulsions de Palestiniens pendant la guerre de Création de l’Etat d’Israël en 1948. Cela contraste avec les éditions précédentes qui évitaient le sujet des réfugiés Palestiniens.
Mme Peled-Elhanan qualifie ces changements de vernis superficiel. Le message est toujours le même. Il dit que « nous devons avoir une majorité juive et que tous les moyens sont bons » dit-elle.
Elle dit qu’elle a été mise en quarantaine par la communauté universitaire israélienne et qu’elle n’est jamais invitée aux colloques concernant les manuels scolaires.
L’étude de Mme Peled-Elhanan dont la seule fille a été tuée à 13 ans dans un attentat-suicide Palestinien à Jérusalem en 1997 est aussi animée par ses convictions de militante pour la Paix.
En 2001, elle a été lauréate du Prix du parlement Européen, le Prix Sakharov pour son travail au service des Droits Humains.
La famille de Madame Peled-Elhanan est très en vue au sein de la Gauche Israélienne. Son père était un politicien fameux qui a réclamé l’autonomie pour la Palestine, opinion très controversée, alors qu’il servait dans l’armée comme général, après la guerre au Moyen-Orient de 1967 pendant laquelle Israël a conquis les Territoires. Deux de ses fils ont refusé d’assurer leur service de réservistes et ont participé à la création du mouvement des « Combattants pour la Paix » , un groupe d’anciens militaires Israéliens et d’anciens prisoniers Palestiniens, engagés pour la fin de l’Occupation de la Cisjordanie par Israël.
Mme Elhanan, dont la maison occupe la pente d’une colline juste au-dessus de ce qui fut le village Palestinien de Deir Yassin – lieu connu comme celui d’un assaut israélien qui tua des dizaines de Palestiniens- dit que l’éducation Israélienne enseigne « l’hostilité et la xénophobie à l’encontre des Palestiniens ».
Son étude cite un manuel scolaire qui affirme que la fuite des Palestiniens d’Israël, terrorisés et craignant pour leurs vies à la suite du massacre de Deir Yassine « a résolu un terrible problème démographique pour Israël » (Elie Bar Navi 1998).
Le manuel précise : « Même une personne modérée tel que ( le 1er président Chaim) Weizman a parlé de cette fuite comme d’un « miracle » .
Les manuels justifient des agressions à l’encontre des Palestiniens en montrant leurs bénéfices pour Israël, dit-elle.
Le massacre célèbre de douzaines de Palestiniens par Israël en 1953 , en Cisjordanie, au village de Qibya « a rendu une part de confiance aux citoyens Israéliens » et reconstruit « le moral et la dignité » de l’armée dit les livres.
Les manuels tentent d’asseoir la domination d’Israël sur la Cisjordanie dit-elle . Les cartes ‘oublient’ de montrer les Territoires occupés par Israël comme séparés d’Israël par des frontières reconnues. Toute les cartes nomment la Cisjordanie par le vieux nom biblique de Judée et Samarie.
Une carte de Jérusalem, titrée « la capitale historique du peuple Juif » ne cite aucun site Palestinien en dépit du fait que la partie orientale de la ville soit majoritairement habitée par des Palestiniens.
Mme Peled-Elhanan dit que les Arabes-Israéliens, 1/5 de la population, sont considérés davantage comme des intrus que comme des citoyens.
Des cartes omettent des villes-clés arabes comme Nazareth ou des villes mixtes arabes et juives comme Acre. Un livre de Géographie affirme que la société Arabe résiste aux changements par que par sa nature, elle résiste à adopter la nouveauté et que la modernisation leur semble dangereuse.
Elle dit que les manuels décrivent des Arabes comme des êtres primitifs, avec une mentalité clanique.
Les photos les plus communes montrent des Arabes avec des moustaches, des hommes portant le Keffieh, conduisant un chameau, un groupe de réfugiés montré de loin, ou des militants masqués, ajoute-t-elle.
Pour être honnête, les manuels Palestiniens ont aussi affronté les critiques de répandre des sentiments anti-Israéliens.
Samira Alayan, une chercheuse palestinienne, dit dans une interview que les livres d’Histoire ne mentionnent pas l’Holocauste ou les attaques terroristes contre les Israéliens, revendiquent Jérusalem comme propriété des Musulmans et affirment que les « Sionistes sont venus et ont volé la terre aux Palestiniens. »
Pour Mme Peled-Elhanan, il y a peu d’espoir que quoi que soit change dans l’éducation israélienne.
« Israël veut effacer ce qui est arabe dans toute la région » dit-elle « les autorités ont enseigné cela avec beaucoup de succès et ils savent qu’ils n’auront pas de bons soldats s’ils changent les manuels. »