Massacre à la tronçonneuse à Strasbourg

Photos: E.B.

DNA 3 avril

La ville en débat

Place du Château Drôle d’ambiance printanière

 

Les 10 marronniers qui peuplaient la place du Château ont été enlevés en toute discrétion. Les réactions de Frédéric Le Jehan, ancien conseiller municipal (MoDem) de Strasbourg et de l’association STRA.CE (STrasbourg Résidents et Amis du CEntre ville).

De Frédéric Le Jehan, ancien conseiller municipal (MoDem) de Strasbourg :

La logique de la « tabula rasa » a prévalu : la place du Château est devenue nette et lisse. Ses arbres ont été abattus. D’autres seront replantés, « en nombre égal » a promis la Ville, après la bronca suscitée par la première mouture du projet. Fallait-il nécessairement enlever ces arbres pour en replanter autant ? En quoi des arbres nouveaux et « plus discrets » constitueraient-ils un progrès ? Même sans être issu de l’écologie politique, je peine à comprendre le sens de cette substitution.

Qu’apporte vraiment de plus ce réaménagement revu et corrigé ? Le premier projet optait pour une mineralité froide. La version corrigée s’efforce de répondre aux diverses critiques prises individuellement : elle revoit les bancs, les matières, donne un peu plus de place aux fontaines dites sèches, et, concession suprême, maintient le même nombre d’arbres tout en coupant tous les spécimens existants. Face aux oppositions, la municipalité a racheté la paix sociale, concédant sa poignée d’arbres neufs, rajoutant une dose de ces pseudo-fontaines, modifiant l’aspect du sol… mais refusant obstinément de relancer un nouveau concours.

En cela, elle se contente de ré-agencer un projet dépourvu de sens. La symbolique ésotérique du nombre d’or cachait mal le vide, seul vrai but recherché au prétexte d’offrir des vues plus larges sur les bâtiments remarquables ornant la place. En gardant le même architecte, en amendant le même projet, l’esprit en reste hélas inchangé. La nouvelle aire du vide que l’on peut apercevoir en ce printemps augure mal de la suite. Car au fond, la Ville a refusé par principe de construire une place nouvelle. La proposition de compléter cette place par une fontaine monumentale, une statue ou une colonne a d’emblée été écartée, car le postulat de départ imposait de faire le vide tant visuel que symbolique. Les monuments de cette place ont été bâtis pour des siècles, la nouvelle réfection durera à peine une génération. Elle est pensée dans une optique de court terme et pour durer bien moins longtemps que les arbres qui viennent d’être coupés. Elle restera le reflet d’une époque neutre, sans superbe, qui se satisfait d’une convivialité minimaliste.

Enfin, les péripéties de ce projet mettent clairement en évidence les limites de la « démocratie participative » pratiquée par l’équipe de Roland Ries. Moult réunions et concertations n’ont débouché, après des mois de discussions, que sur un projet qui fin 2011 était rejeté de toute part. La reculade qui a suivi, se contente de poser des rustines, de faire provisoirement taire les oppositions les plus vives, sur un projet qui reste médiocre. Toutes ces nouveautés auront disparu d’ici deux à trois décennies. Bref, la grande occasion de la piétonnisation n’aura pas été mise à profit pour embellir et enrichir durablement la place du Château. »

STRA.C E : « Pourquoi tant de hâte ? »

« Les réunions de concertation à peine achevées et le nouveau projet de réaménagement tout juste présenté aux Strasbourgeois, les marronniers tant aimés de la place du Château ont tiré leur révérence après de nombreuses décennies de service aux côtés de la cathédrale.

De grandes parois métalliques ont été dressées en une nuit et les grands arbres ont déjà disparu.

Entre les interstices des panneaux, les curieux pourront observer ce qu’aurait pu donner le projet initial d’une place minérale, vide et sans arbres, donc sans vie.

STRA.CE ne peut que se réjouir du retour en arrière de la municipalité et de la remise à plat complète du projet.

Une question subsiste cependant : alors que les travaux de réaménagement ne débuteront réellement que fin juin – calendrier scolaire oblige – pourquoi avoir enlevé lesarbres et déjà condamné la place ?

Pour quelle raison fallait-il faire si vite alors que les premiers beaux jours arrivent et promettent une belle saison touristiqu e ? À la veille du grand week-end pascal, les visiteurs et promeneurs ne pourront plus admirer notre joyau local à l’ombre de ses grands et beaux marronniers. La place est dès à présent inaccessible.

Nous aurions pu profiter encore trois mois du charme et de la verdure de ce lieu. Peut-être qu’en écoutant bien, nous aurions pu entendre chuchoter dans les ramures quelques souvenirs du temps passé… »

publié le 03/04/2012 à 05:00