On a reçu ça:

La Paix Maintenant vous invite au participer au débat qu’elle organise avec le Star sur le film “D’une seule voix” le 7/12 à 20h

Contribution au débat:

Chronique d’abonnés le Monde

Israël / Palestine : d’une Seule Voix ?

par Léon-Marc Levy

27.11.09

On sait, depuis un temps qui semble sans début et sans fin, combien le conflit Israël-Palestine est préoccupant, omniprésent, objet de toutes les passions et, trop souvent, des passions les plus sombres. Difficile et périlleux, dans la tourmente des guerres, des drames et des haines semble-t-il inexpiables, de tenir un discours fondé sur des valeurs de justice et de vérité sans à chaque fois, comme dans un funeste destin, provoquer la colère de l’une ou l’autre partie. Souvent des deux en même temps.

C’est pourtant le pari tenté par une courageuse équipe française de cinéastes : faire chanter ensemble, sur scène en France et à Chypre, des artistes, Juifs et Palestiniens, appartenant aux trois religions monothéistes… Objectif séduisant, mission impossible ? Non. C’est chose faite et filmée. Ca s’appelle « D’Une Seule Voix ». Son réalisateur s’appelle Xavier de Lauzanne. Le Monde.fr en a rendu compte dans un article signé Thomas Sotinel le 10 novembre dernier.

Il est bien difficile de ne pas adhérer à un tel projet dans son principe fondateur. Difficile aussi de mégoter sur notre soutien à cette équipe qui se lance, essentiellement par idéal, dans une entreprise noble et risquée. L’équipe du film, d’ailleurs, annonce ce risque dans la présentation même de son travail.

Et cependant, je n’ai pas réussi à me laisser porter par le flot émotionnel du film. Peut-être parce que c’est un flot émotionnel. Au contraire je me suis rapidement braqué. Je trouve que cette aventure est toute artificielle. Comment donner du contenu à un discours de paix sans parler de politique ? Le film aliène tous les personnages, leur enlève leur identité, leur vie quotidienne, leurs aspirations, leurs revendications. Le Palestinien n’est plus Palestinien (on va jusqu’à lui reprocher dans une scène de porter un tee-shirt sur lequel est simplement inscrit le mot “Palestine”), l’Israélien n’est plus Israélien, on gomme tout le contenu des êtres pour gommer leurs différences et leur différend. Au final il reste des Hommes que plus rien n’identifie ni ne divise, donc forcément, ils sympathisent. Mais dès que leur individualité refait surface (Par exemple quand un Palestinien fait le V de la Victoire que Yasser Arafat avait adopté), aussitôt la guerre reprend ses droits, un instant oubliés. C’est une expérience de laboratoire qui ne peut pas produire la moindre suite dans la réalité. Une fois les souris sorties de leur cage et remises dans leur environnement naturel, rien n’a changé de ce qui les divise. Exclure le politique ne mène à rien. Il reviendra au galop. D’ailleurs la conclusion du film est là pour le dire : il ne reste rien d’autre qu’un bon souvenir entre quelques êtres qui se sont côtoyés, sûrement découverts aussi pour certains (et c’est la vertu de ce film !). Ce n’est pas rien, mais ce n’est que ça.

Et puis exclure le politique ne pose pas seulement ce problème. Vouloir faire la paix sans écouter les aspirations des uns et des autres, c’est vouloir établir la paix sans rien changer. Or le socle de la paix, bien plus que l’amitié, c’est d’abord la justice ! Et pour y parvenir une chose est sûre, il y a de sacrés changements à opérer ! Pour dire les choses de manière un peu caricaturale, c’est comme si on avait organisé une chorale pacifiste entre Algériens et Pieds-Noirs pendant la Guerre d’Algérie, sans jamais aborder le sujet, justement, de la Guerre d’Algérie et en chantant pour la Paix ! C’est faire une sortie sportive entre employés et patrons dans une usine en lutte pour que tout le monde s’entende bien et que le conflit aille vers sa solution…

« Israéliens et Palestiniens, juifs, chrétiens et musulmans, ils sont avant tout musiciens. » dit la présentation officielle du film. Justement non ! Ce n’est pas si simple. Ils ne sont pas avant tout musiciens, quelle que soit leur passion musicale. Ils sont d’abord ce que leur histoire personnelle, intime, collective, symbolique les a faits ! Ils sont d’abord des identités profondes et aujourd’hui en guerre, même si tous souhaitent la paix.

Quelle paix ? Dans quelles conditions ? Faire la paix sans poser ces questions c’est juste faire taire tous les combats et laisser les choses telles qu’elles sont, sans remous. Thomas Sotinel parle, dans son article, d’ « impuissance de la bonne volonté ». Terrible constat. Il n’y a rien de plus triste que de voir se briser les ailes de l’Ange. Mais c’est comme ça. Il faudra bien mettre la politique au centre de tout projet de solution au Moyen-Orient, quelle qu’en soit la nature ! C’est la condition pour que les hommes et les femmes de Palestine/Israël puissent un jour chanter d’une seule voix