Résumé du rapport de la mission d’enquête mandatée par l’ONU, dit Rapport Goldstone

rédaction et traduction: Mireille Fanon-Mendès France

Le 3 avril 2009, l’ancien Président du Conseil des droits de l’homme, Martin Ihoeghian Uhomoibhi, a diligenté une mission d’enquête «to investigate all violations of international human rights law and humanitarian international law that might have been commited at any time in the context of the military operations that were conducted in Gaza during the period from 27 December 2008 to 18 January 2009, wether before, during or after[1]».

Le 15 septembre dernier, la mission dirigée par le Juge Richard Goldstone, a rendu public son rapport. Elle sera devant le Conseil des Droits de l’Homme, mardi 29 septembre, pour un compte rendu public.

5 mois de travail, d’auditions de témoins, de victimes, d’interactions avec des organisations ou associations tant palestiniennes qu’israéliennes. Un rapport mené avec rigueur et impartialité puisque la mission a estimé qu’il était indispensable «to consider any actions by all parties that might constituted violations of international human rights law or international humanitarian law [2]»

Rapport de 575 pages, précisant de manière claire et fondée le cadre de références[3] à la lumière duquel la mission a analysé les violations graves[4][5][6]. qui sont des crimes de guerre avérés et possiblement des crimes contre l’humanité

Il redit à l’instar de la CIJ[7] le droit à l’autodétermination du peuple de Palestine[8] basé sur le fait que «The right to self-determination has an erga omnes character wherby all States have the duty to promote its realization[9] ». Après avoir précisé la méthodologie appliquée, la mission regrette la non participation de l’Etat israélien, y compris en interdisant l’accès au territoire israélien et en refusant même de répondre aux nombreux questionnaires envoyés.

Il traite de l’impact du blocus[10] imposé à la population de Gaza dont les conditions de vie se sont encore plus aggravées lors de l’agression subie de décembre à janvier dernier – «The military operations and the manner in which they were conducted considerabily exacerbated the aforementioned effects of the blockade[11]» et du contexte historique de l’occupation généralisée aussi bien en Cisjordanie -renforcée par la construction du mur et par le nombre croissant de check-points- que dans la Bande de Gaza.

Le blocus est dénoncé comme « collective punishement[12] » d’autant que de nombreux responsables israéliens la justifient tant que le soldat Gilat Shalit est détenu. La mission en profite pour rappeler aux autorités palestiniennes que ce soldat, en tant que prisonnier de guerre, doit se voir bénéficier de la 3ème Convention de Genève[13], à savoir : être traité humainement, être autorisé à communiquer avec l’extérieur, recevoir des visites de la Croix rouge internationale.

Ce rapport, outre qu’il donne de nombreuses précisions descriptives sur les actions qui ont coûté la vie à plus de 1 400 personnes et en ont blessé plus de 5 400, retrace très précisément la chronologie des attaques, entre Israël et les autorités de Gaza, depuis l’instauration du cessez le feu du 18 juin 2008[14] qui a abouti à l’agression contre la Bande de Gaza.

Par ailleurs, il informe sur la chaîne de commandement de l’armée israélienne, analyse les objectifs et la stratégie des opérations militaires soulignant qu’elles ne pouvaient pas ne pas avoir un caractère indiscriminé, délibéré et planifié[15].

Tout comme il analyse avec présicion l’utilisation de rockets ou de tirs de mortier et leur impact sur la population du sud d’Israël -concluant qu’il s’agit tout autant de crimes de guerre dont devront répondre les factions armées palestiniennes. Il porte un regard critique sur la violence exercée entre les différentes factions politiques palestiniennes, tout comme il en porte aussi un sur l’Etat d’Israël qui criminalise les manifestants israéliens et y compris les organisations des droits humains ayant dénoncé l’agression sur Gaza ou l’occupation illégale.

Il met en cause fortement le système d’investigation et de poursuite utilisé par l’armée israélienne, l’Etat ne tenant, en la matière nullement compte de ses obligations internationales lorsque des crimes de guerre ont été commis par ses forces de défense.

Il pose la question de l’accès des victimes à la justice universelle[16] par le biais de la Cour Pénale Internationale, seule voie pour lutter contre l’impunité de façon à promouvoir la justice et la paix internationales. La mission n’omet pas de signaler qu’il y a bien sûr d’autres juridictions où la compétence universelle peut être exercée sans oublier que de nombreux cas sont ou pourraient être portés devant des juridictions nationales.

Le rapport aborde la question des réparations qui est plus à rechercher sur un plan international que national; en effet, la législation israélienne n’offre qu’une très faible opportunité de réparations ou de compensation.

La mission dénonce fortement les violations du droit humanitaire international et le fait que le principe de distinction – entre civils et combattants – n’a pas été respecté ni celui de proportionnalité de l’usage de la force.

Le rapport dénonce la discrimination dont sont l’objet les Palestiniens et espère que la justice internationale permettra que ces crimes de guerre avérés soient jugés, puisqu’en l’état les tribunaux israéliens ne l’autorisent pas encore.

Pour la mission, il ne dépend que des Etats parties que la justice universelle réponde aux attentes des victimes de l’agression contre Gaza et à ses objectifs, « the mission supports the reliance on universal juridiction as an avenue for States to investigate violations of breach provisions of the Geneva Convention of 1949, prevent impunity and promote international accountability [17]».

Pour finir, la mission énonce des recommandations, plusieurs concernent le Conseil des Droits de l’Homme qui devrait, devant la gravité des violations du droit humanitaire et du droit international,

l obtenir du Secrétaire général de l’ONU qu’il transmette au Conseil de Sécurité les informations recueillies par la mission d’enquête ainsi que le permet l’article 99 de la Charte des Nations Unies[18]

l soumettre le rapport de la mission au Procureur de la Cour pénale internationales

l soumettre ce rapport à l’Assemblée générale

D’autres recommandations s’adressent au Conseil de Sécurité qui devrait, au regard de l’article 40 de la Charte des NU[19],

l mettre sur pied une enquête appropriée, indépendante, compte tenu «the serious violations of International Humanitarian and International Human Rights Law (…) and any other serious allegations(…)[20]

l demander au gouvernement israélien de l’informer – dans un délai de 3 mois -de toutes actions prises ou devant être prises pour qu’une enquête soit menée et que les responsables de telles violations soient jugés.

l établir un comité d’experts – en droit international et en droit humanitaire international – indépendants, qui étudierait toutes les lois édictées par l’Etat israélien et s’assurer qu’elles garantissent aux victimes des crimes de guerre l’accès à la justice et que les responsables de ces crimes soient jugés. Ce comité, au bout de six mois, devrait rendre compte au Conseil de Sécurité de l’introduction des nouvelles lois – en conformité avec les instruments internationaux – dans l’arsenal légistatif israélien

l informer[21] le Procureur de la Cour Pénale Internationale – « again acting under the Chapter VII of the Charter of the United Nations[22]» – de la situation de Gaza si, à l’issue du rapport établi par le Comité d’experts et du délai fixé dans le cadre de la résolution du Conseil de Sécurité, le gouvernement israélien n’a mené aucune enquête indépendante et en conformité avec les standards internationaux et s’il n’agit pas selon ses obligations contenues dans la Charte des Nations Unies

l établir un comité d’experts indépendants – en droit international et en droit humanitaire international – qui étudierait toutes les lois prises par les autorités de Gaza afin de s’assurer qu’elles garantissent aux victimes des crimes de guerre l’accès à la justice et que les responsables de ces crimes soient jugés. Ce comité, au bout de six mois, devrait rendre compte au Conseil de Sécurité de l’introduction des nouvelles lois et devrait le faire à intervalles réguliers aussi longtemps que cela sera nécessaire

l informer[23] le Procureur de la Cour Pénale Internationale de la situation interne à Gaza si, à l’issue du rapport établi par le Comité d’experts et du délai fixé dans le cadre de la résolution du Conseil de Sécurité, aucune enquête indépendante et en conformité avec les standards internationaux n’a été menée et si les autorités de Gaza n’agissent pas selon les obligations contenues dans la Charte des Nations Unies

l considérer que le refus de coopération aussi bien de la part du gouvernement d’Israël que des autorités de Gaza devrait être interprété comme une obstruction au travail du Comité d’experts

Une recommandation s’adresse particulièrement au Procureur de la Cour Pénale Internationale qui a reçu la déclaration du gouvernement de Palestine[24] ainsi que le permet l’article 12-3[25] du Statut de Rome. La mission considère «that accountability for the victims and the interest of peace and justice in the region require that the legal determination should be made by the Prosecutor as expeditiously as possible»[26].

A l’Assemblée générale, la mission demande:

l dans l’intérêt de la justice d’envisager des actions complémentaires, éventuellement sous la résolution 377(V) United for peace

l de créer un compte sous séquestre de façon à pouvoir indemniser les Palestiniens des pertes subies lors de l’agression contre Gaza

l de demander au gouvernement suisse d’organiser une conférence avec les Hautes parties contractantes à la 4ème Convention de Genève de façon à assurer son application et son respect dans l’ensemble des Territoires palestiniens occupés.

l De promouvoir rapidement une discussion à propos de la «légalité» de certaines armes et d’y convoquer les experts de la Croix rouge internationale. Le gouvernement israélien doit prendre un moratoire sur l’utilisation de telles armes

La mission demande à Israël:

l de cesser la fermeture des frontières,

l d’ouvrir tous les points de passage,

l de lever les restrictions d’accès à la mer

l d’autoriser la reprise des activités agricoles le long de toutes les frontières avec Israël.

La mission recommande à cet Etat de revoir, avec l’aide de la Croix rouge, d’experts mais aussi de nombreuses organisations de la société civile l’ensemble des règles militaires à la lumière du droit humanitaire international et des conventions concernant les droits humains.

Cet Etat doit:

l permettre la liberté de circulation de l’ensemble du peuple palestinien, entre Gaza et la Cijordanie et Jérusalem Est

l relâcher l’ensemble des prisonniers détenus du fait de l’occupation, particulièrement les enfants

l autoriser les visites des familles à leur proche arrêté

l cesser tout traitement discriminatoire à l’égard des Palestiniens détenus.

l ne plus interférer dans la vie politique de la Palestine

l relâcher l’ensemble des députés du Conseil législtatif et leur permettre la liberté de circulation entre Gaza et la Cisjordanie

l cesser de réduire la liberté d’expression des personnes critiquant les actions militaires conduites pendant l’agression contre Gaza

l vérifier, par une enquête indépendante qui devra être rendue publique, que les Palestiniens ou les Juifs Israéliens en opposition à cette politique militaire bénéficient d’un procès juste et équitable

l cesser toute action de représailles aussi bien contre des individus que des organisations palestiniennes ou israéliennes qui ont coopéré avec la mission d’enquête initiée par l’ONU

l réitérer son engagement à respecter le statut des fonctionnaires de l’ONU et prendre toute mesure appropriée pour qu’il n’y est plus aucune violation

l assurer sur ce sujet les réparation nécessaires par l’intermédiaire de l’Assemblée générale

Aux groupes armés palestiniens, la mission recommande

l de respecter le droit international humanitaire en renonçant aux attaques sur les civils et les biens civils;

l d’assurer à la population palestinienne toute la sécurité nécessaire lors des hostilités;

l de relâcher le soldat Shalit pour des raisons humanitaires et dans l’attente de sa libération, de le traiter comme un prisonnier de guerre.

Aux autorités palestiniennes

l de s’assurer que les forces sous leur commandement respectent les normes des droits humains

l de mettre sur pied une enquête indépendante à propos des nombreuses violations commises par les forces de sécurité

l de cesser de traduire des civils devant la justice militaire

l relâcher tous les prisonniers politiques

l de cesser d’arrêter des personnes pour raisons politiques

l l’autorité palestinienne et les autorités de Gaza doivent continuer à autoriser le travail des associations palestiniennes

La communauté internationale, quant à elle, doit

l s’assurer que les Etats parties à la 4ème Convention de Genève débutent les procédures à l’encontre des responsable de crimes de guerre, ceux-ci doivent être arrêtés et traduits devant les tribunaux nationaux qui ont reconnu la compétence universelle.

l s’assurer que des financements sont alloués aux organistions fournissant un soutien psychologique et une aide de santé mentale à la population palestinienne

l les pays donateurs doivent continuer à soutenir le travail des organisations palestiniennes et israéliennes sur les droits humains et le droit humainitaire international

l les Etats investis dans les négociations de paix doivent garantir le respect de la « rule of Law », du droit humainitaire international et des droits humains et assumer leur rôle prépondérant dans des intitiatives de paix

l mettre en place un programme à propos de l’environnement et garantir une formation, en direction des populations concernées, à propos de mesures de précaution à prendre en ce qui concerne les armes à munition et le phosphore

La mission s’adresse à la communauté internationale, à l’Etat d’Israël et aux autorités palestiniennes qui doivent assurer, dans le processus de paix, que les négociations sont basées sur le respect du droit international et sur la présence des femmes. Ces dernières doivent bénéficier d’une attention particulière de façon à leur assurer l’accès aux compensations, à l’assistance juridique et à la sécurité économique.

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[1] Page 5, §1, Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza Conflict, A/HRC/12/48

[2] Page 6, §11, Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza Conflict, A/HRC/12/48

[3] Page 82 et sq, (4ème Convention de Genève de 1949 ainsi que le Protocole additionnel de 1977; l’article 1 des deux Pactes internationaux, l’un sur les droits civils et politiques, l’autre sur les droits économiques, sociaux et culturels; le droit international humanitaire; les conventions internationales portant sur l’ensemble des droits humains dont la Convention contre la torture); § 268 et sq; ibidem

[4] Détention arbitraire, humiliations,utilisation de boucliers humains, prisons; destruction des entreprises, des maisons, crimes commis sur les civils, les attaques d’hôpitaux, d’ambulances, des mosquées, des centres UNRWA, des écoles, des infrastructures palestiniennes -centre de police, prison, bâtiments parlementaires, ministères…; utilisation du phosphore ,fléchettes….

[5] Page 32, §108, Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza Conflict, A/HRC/12/48

[6] Page 24, §73, ibidem

[7] Avis consultatif sur la construction illégale du mur, 9 juillet 2004

[8] Page 520, §1672, ibidem

[9] Page 83 et sq, § 269, ibidem

[10] Page 95 et sq, § 311 et sq, ibidem,

[11] Page 522, § 1675 et sq, ibidem

[12] Page 25, §78, ibidem

[13] relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949

[14] Page 71 et sq, § 223, ibidem

[15] Page 324 et sq, §1175, Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza Conflict, A/HRC/12/48

[16] Page 513 et sq, §1646 et sq, Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza Conflict, A/HRC/12/48

[17] Page 515, §1654, ibidem

[18] « le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil de Sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales », article 99, chapitre XV, Charte des Nations Unies

[19] C’est à dire sous le Chapitre VII, Action en cas de menace contre la paix, de rupture de paix et d’acte d’agression

[20] Page 546, §1766, ibidem

[21] « pursuant to Article 13-b of the Statute of the Criminal Court », page 547, §1766-alinéa 3, ibidem

[22] Page 547, §1766-alinéa 3, ibidem

[23] « pursuant to Article 13-b of the Statute of the Criminal Court », page 547, §1766-alinéa 3, ibidem

[24] En date du 22 janvier 2009

[25] Un état non partie au Statut peut demander, pour un crime précis, à reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale

[26] Page 548, §1767, ibidem