Le poète et écrivain André Weckmann, ex-incorporé de force, déserteur et résistant en temps de guerre comme en temps de paix, est décédé dimanche.

Il n’a pas eu, ici, en Alsace, sa patrie natale, au-delà du cercle des ami(e)s de la culture trilingue en Alsace, la notoriété qu’il méritait, étant plus connu dans d’autres pays et régions germanophones.

La Feuille de chou l’avait rencontré plusieurs fois.

http://schlomoh.blog.lemonde.fr/2007/11/23/la-feuille-de-chou-n%c2%b0852/

Bibliothèque nationale universitaire

http://www.bnu.fr/search/apachesolr_search/andre%20weckmann

Vendredi 23 novembre 2007

La Feuille de Chou n°852

André Weckmann

France Culture émettait en direct ce soir depuis le snack Michel, avenue de la Marseillaise, à Strasbourg.

Le poète alsacien André Weckmann, était l’invité. Surprise, on s’attendait à y rencontrer du monde. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut rencontrer Weckmann. Peu de gens s’étaient déplacés!

Ce qui manifeste assez bien la situation de la poésie dans la société. Confidentielle. Autant que les soirées organisées au FEC par Marc Syren ou d’autres initiatives, comme celles de l’éditeur Armand Peter, et sa micro librairie du 14, rue Sainte Hélène.

Il se trouve qu’on venait de lire l’ouvrage du poète dont aucun journal parisien n’a rendu compte à ce jour…

“Splitter ou elle est toujours pas finie, ta guerre, papy?”

selon l’interpellation de ses petits-enfants, Félix et Simon. (édité par bf et salde,2007).

Pour ceux qui l’ignorent, André Weckmann, né en 1924, a été “malgré nous” à 19 ans. Incorporé de force dans la Wehrmacht, en 1943, comme des dizaines de milliers d’Alsaciens, il a été blessé, sur le front de l’est, et a déserté en 1944. Il est resté des semaines caché dans son village de Steinbourg, près de Saverne, avant de connaître la libération, le 22 novembre, grâce à la division Leclerc et à l’armée américaine.

Il est l’auteur de nombreuses oeuvres en allemand, français et alsacien. Parmi lesquelles “Les nuits de Fastov” en 1968 et le quasi chinois, pour la sonorité “Schang d’sunn schint schun lang.”

Il faut lire son bref mais fort ouvrage “Splitter”, éclats, en français, éclats de verre, d’obus, de mémoire. Ce sont des Erinnerungssplitter, des éclats de mémoire, dans lesquels il fait revenir les fantômes des disparus qui ont comme lui été forcés de combattre sous l’uniforme ennemi, et sont restés, jusqu’à peu, incompris de la France de l’intérieur, pour qui les Alsaciens-Mosellans sont des “Boches”. Oublieux qu’ils sont du fait que proportionnellement à sa population, l’Alsace a eu bien plus de victimes que l’outre Vosges. 40 000 morts et disparus, soit 10 % des pertes de la France.

Comme dit le poète, ils sont morts Fer d’Katz, littéralement pour les chats, en français, pour des prunes.

Elsasser

de Lüi àm Donon gfàlle

àls Franzos

de Eddes in Smolensk gfàlle

als Schwob

de Frànzel in Tambow verscharrt

als Plenni

Haxhax Hàhnefüess

weisch woni noch eweràl mües?

un

de Lüssel ufgehangt

vun de SS

de Jerri ufgehangt

vun de Pàrtisàne

de Staffe ufgehabngt

vun sich salwer

Haxhax Hàhnefüess

weisch woni noch eweràl

bàmble müess?

Weckmann

Dernier rendez-vous jeudi à 14h en l’Eglise Saint-Urbain, rue de Lièpvre, à Strasbourg-Neudorf.

 

 André Weckmann, écrivain, poète

La Feuille de Chou du  à 1 h 20 min by 

 

Vidéos:

http://vimeo.com/18102716

http://vimeo.com/18120109

http://vimeo.com/18133447

Un peu plus de 20 personnes autour d’une table, garnie de livres et de Bredle, en attendant le vin chaud, pour écouter André Weckmann lire ses propres textes à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage, et de Noël.

André Weckmann poète

http://www.crdp-strasbourg.fr/data/lcr/dialectes/weckmann.php?parent=22

 

9 mai 2006
repris des DNA dans l’ancienne Feuille de chou (sur le site du Monde)

Les parias

Leur population est estimée à 130 000. Ils étaient originaires d’une région allant de Metz à Ferrette. Ils furent livrés en 1942 à Moloch. 40 000 d’entre eux furent dévorés par la camarde. Tués au front, crevés dans les camps soviétiques, abattus pendant une tentative d’évasion. « Morts pour qui ? Morts pour quoi ? Fer d’Katz ! », écrit André Weckmann (*) en rappelant le sort des Malgré-nous.

Les autres, ceux qui rentrèrent, étaient marqués définitivement dans leur chair et leur âme. Et surtout marqués du sceau d’infamie. Pris en charge par des archivistes de notre histoire, accusés de victimisation et, je cite tel sociologue, de « monopoliser le discours sur les horreurs de la guerre » ! Certains médias parisiens ont d’ailleurs pris le relais, insinuant même qu’il y aurait en Alsace une rupture entre les Malgré-nous et les résistants et déportés.

«La France les avait
lâchés puis oubliés»

Les réchappés auraient donc dû se taire, se faire oublier ? Ce que la plupart, d’ailleurs, ont fait, souvent dans le sentiment confus d’être l’opprobre de la Nation. Et ils ont mis des années, voire une vie entière, pour se remettre de leur détresse morale d’alors, isolés qu’ils étaient souvent dans la masse feldgrau, sans autre défense que le réflexe animal de la survie à tout prix. Car la France les avait lâchés puis oubliés.

Dans leur région d’origine, on mit des décennies avant de reconnaître officiellement cette tragédie, son ampleur et ses dommages collatéraux. Le mémorial de Schirmeck a enfin fait ce travail de reconnaissance. Ailleurs en France, cela n’a pas été fait, le fera-t-on jamais ? Aux historiens sérieux et objectifs de nous en dire le pourquoi.

Destin tragique

Nous sommes le dernier contingent survivant de ces parias feldgrau dont nous-mêmes n’osons trop évoquer le destin tragique en dehors de notre territoire alsacien-mosellan. Car cela fait désordre dans le consensus patriotique français. Mer passe nit ins Bild, mer steere.

Et nous buterions sur une incompréhension totale. En fait, nous nous serions laissés emmener à la boucherie sans résister. Même ceux d’entre nous qui ont pu profiter d’une occasion pour déserter, au risque de se faire abattre, soit par les Allemands, soit par les Russes.

Puis, s’il y a eu résistance, ce n’était pas la bonne, celle qu’on médaille en France. Je pense aux récalcitrants internés lors des conscriptions. Je pense aux trains saccagés, à ces Marseillaise chantées, hurlées en 42, 43, lors des départs pour l’Allemagne. Je pense aux condamnations à la prison militaire ou aux exécutions sommaires pour insubordination ou propos défaitistes.

Je pense à tous les déserteurs, des centaines, des milliers probablement – pourquoi aucun recensement n’en a-t-il été fait ?

Je pense à ceux qui purent rejoindre les partisans soviétiques, polonais ou yougoslaves, à deux de mes camarades, entre autres, Marcel H., commandant à 19 ans un groupe de partisans italiens, Charles K., engagé dans l’armée soviétique après évasion, infiltré dans Breslau assiégée avec un groupe de saboteurs qui s’empara du QG allemand, précipitant ainsi la chute de la ville.

Ils furent malheureusement nombreux, ceux qui n’eurent pas la chance de tomber sur des officiers soviétiques ou américains compréhensifs, la plupart d’entre eux se retrouvèrent dans des camps de prisonniers, exposés souvent à la vindicte de Lagerkommandanten allemands.

Humiliation

Parias, mes camarades, mes frères, nous espérions qu’après soixante années enfin soit reconnue par la Nation en son sommet la fin de notre exclusion. Et qu’on efface l’humiliation subie en juin 2004 d’avoir été interdits de participation aux commémorations de Normandie, alors que vainqueurs et vaincus se tombèrent dans les bras. On n’invite pas des bâtards au festin de la réconciliation, s’est dit sans doute le ministère concerné.

Le président de la République a visité, brièvement, le Mémorial. Il a certainement eu pitié des exclus du martyrologe national. Mais il ne les a pas évoqués. Des pressions l’en auraient dissuadé ? Venant d’où ? Eût-ce été politiquement incorrect ? Des rumeurs avaient précédé sa venue et on se doutait qu’il ne le ferait pas. On aimerait poser la question à ses conseillers mal inspirés, qu’ils soient parisiens ou alsaciens : quarante mille tués alsaciens et mosellans, ne serait-ce donc aussi qu’un « détail » de l’histoire de France ?

Et posons cette autre question : Quel a été le rôle de nos politiques dans cette triste affaire ?
N’était-ce pas à eux, toutes tendances confondues, de convaincre le chef de l’Etat, garant de la cohésion nationale, de la nécessité absolue de rendre justice aux Malgré-nous par une parole officielle qui aurait mis fin au débat malsain qui dure depuis la fin de la guerre ?

Ont-ils oublié qu’ils/elles sont pour la plupart fils/fille ou parent/parente de parias ?
Ont-ils honte de l’être et veulent-ils le cacher aux officiels nationaux ?
Et si nous avions, nous, d’Letschte, honte de leur honte ? »

A. W.

(*) Ecrivain, incorporé de force, évadé, invalide de guerre.

DNA