Dimanche après-midi, pour échapper à l’enfermement, et à la démentielle cohue noëlique de l’hypercentre de Strasbourg livré aux hordes touristiques et à la marchandise, nous nous sommes rendu au Jardin des Deux Rives.
Une fois le véhicule garé sur l’immense parking quasi désert, à droite des caisses inutiles, après avoir jeté un œil sur les travaux pharaoniques liés à la venue du TGV est-européen, travaux qui, entre autres, ont arasé la butte que nous avions franchie en compagnie de milliers de manifestants, début avril, sous les tirs des lacrymogènes, salué la nouvelle pharmacie du quartier, nous nous sommes engagé, le col relevé et le bonnet de laine enfoncé sur les oreilles, sur la passerelle Mimram que d’aucuns souhaitent débaptiser au profit de l’ex-président du Conseil régional Adrien Zeller.
passerelle Mimram
Un vent glacial soufflait entre les haubans. Nous avons croisé, venant de la rive droite du Rhin, un nombre si grand de piétons qu’une seule main a suffi à les compter. Au passage, saluons les échanges de prises de vues photographiques que ces rencontres impromptues autorisent, bien pratique quand vous avez oublié le fonctionnement du retardateur de votre numérique.
passerelle Mimram Jardin des Deux Rives
Un fois passé le pont, encore orné de dessins et écrits accrochés là à l’occasion d’une fête des droits humains, citation de Kant au vent, nous nous sommes engagé tout droit vers Kehl-am-Rhein, pour une promenade digestive bienvenue, et, dans l’espoir de nous réchauffer sur la Marktplatz qu’ingénument nous croyiions fort achalandée et pourvoyeuse de vin chaud réconfortant par ces bises inhospitalières quoique bonnes pour la santé.
Kehl sculpture
sculpture à Kehl
Hélas, ou heureusement, nous avions oublié qu’en Allemagne, les réjouissances noëliques ont lieu à Noël et commencent quelques jours avant. Malgré l’Europe et l’Euro-District à venir, cher à Henri de Grossouvre, les Kehlois ne sont pas (encore?) atteints de la folie strasbourgeoise.
Bref, sur la place en question, pas un chat à l’exception de vendeurs de sapins, à qui, par curiosité, nous avons demandé le tarif, ayant constaté qu’il s’agissait de Nordmann ma foi d’assez bonne taille. Funfzehn, nous fut-il répondu. Quinze euros, car comme vous le savez, plus de Deutschmark en Deutschie, la couleur locale fout le camp, mais les migraines du change mental aussi et on peut comparer les prix entre les anciens ennemis, ce qui permet de constater qu’à cette époque d’orgie de bougies, vous avez tout intérêt,outre le sapin, et d’autres babioles, à vous fournir dans un commerce dont les initiales, hasard ou volonté, allez savoir, sont les mêmes que l’ancienne monnaie. le plus drôle étant que cette adresse nous a été fournie par un commerçant d’objets rituels juifs dont des livres de prière, et des hanoukiahs, dont c’est la semaine.
Hanoukiah 1er jour
La guerre est bien finie, et même le souvenir encore vif de la destruction des juifs d’Europe n’empêche plus de faire, au moins occasionnellement, ses courses chez le voisin et de ménager son porte-monnaie. Sachant qu’il vous faut 9+8+7+6+5+4+3+2 bougies pour faire briller l’espoir d’un monde meilleur du fond de la nuit (politique aussi) dans laquelle on s’enfonce à nouveau, les boites de 45 semblent avoir été conçues par les Teutons pour leurs amis juifs, malgré les inscriptions christo-noéliques qui les ornent.
Sans la moindre hésitation, connaissant les tarifs pratiqués rive gauche, 30 € le sapin, au moins, nous achetâmes aussi sec un sapin d’environ deux mètres de haut, assez fourni, quoique pas très symétrique, mais une bonne scie rectifiera, que nous trainâmes (c’est pas beau le passé simple?) par la rue centrale déserte, (sont-ils tous au Christkindelsmärik?) piétonne, puis le Rhein-Garten, plus réussi que le côté fransözich, pour lui faire franchir au grand jour la “frontière” encore marquée au milieu de la passerelle, sans la moindre crainte qu’un quelconque gabelou nous fît payer une taxe importative.
Auparavant, nous avions constaté que le prix des cigarettes, tabacs et autres cigares, depuis l’augmentation récente survenue de ce côté-ci du fleuve, rendait à nouveau économique le trafic (dans tous les sens) frontalier. L’idée nous vint même, que offensant aux lois qui subsistent encore et vu le différentiel de prix, bien que certains paquets de clopes allemandes n’en continssent que 17, retardant ainsi le cancer, mais parfois aussi 19 individus, cela pouvait constituer, à condition de pas se faire piquer par la douane volante, un revenu assez intéressant pour les 41 % de jeunes chômeurs de nos cités si sensibles à l’odeur de l’argent, faut bien financer les BM qu’ils achètent aussi là-bas.
Notule sur un petit (ou grand) besoin qui peut vous saisir au cours de la promenade et sur les moyens de le satisfaire – ou pas…
Avec le froid piquant, même sans boire, il arrive qu’on soit saisi d’un besoin naturel en plein Jardin des Deux-Rives.
Un tour d’horizon depuis la fin du chemin ramenant au parking alluma quelque espoir de nous décharger ainsi que la personne du sex, comme on disait, nous accompagnant.
Le chemin fut long et sinueux qui nous conduisit en direction des tentes du cirque implanté là vers un bâtiment dont la porte grillagée ouverte accéléra notre pas. Une belle pancarte indiquait hospitalièrement des heures d’ouvertures, même le dimanche. Et deux portes ornées des icônes ad hoc nous soulagèrent déjà en pensée.
Hélas, elles restèrent obstinément closes.
On savait qu’il était autrefois “chic de parler français” mais “interdit de parler au conducteur” et “de cracher par terre“, mais sur ce point on a perdu.
Mais on apprit qu’il était aussi sans que cela soit expressément inscrit, bien au contraire, interdit de pisser et plus si affinité, le dimanche. Bon, les hommes encore, on se débrouille sans avoir froid aux fesses, mais les meufs? Fort opportunément, non loin de l’absence de tout chiotte, un bois fourni de bambous offre un abri sûr à la moitié du monde.
On suggère à nos édicules, nos édiles, voulais-je articuler, de remplacer les informations mensongères par une neuve “Jamais le dimanche“, et peut-être qu’un écran placé bien sûr hors de portée des voyous pourrait même diffuser le film homonyme? Mais on craint la panne…
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