de notre correspondant à Athènes,

La Grèce pressée comme un citron !

Tard dans la nuit de dimanche à lundi, le Parlement grec a adopté le budget de rigueur pour 2013 exigé par la chancelière de l’Euro-Reich le mois dernier, lors de sa visite éclair au gouvernement grec qui avait enflammé Athènes. Cette fois encore les Grecs se sont mobilisés, pour exprimer leur colère place de la Constitution face aux nouvelles mesures d’austérité, les quatrièmes en moins de deux ans,qui prévoient des coupes sombres dans les retraites et les salaires ainsi que des hausses d’impôt.”La Grèce a fait ce qu’on lui avait demandé de faire, maintenant elle attend que ses bailleurs de fond tiennent leurs engagements”
a dû concéder un peu pitoyablement le Premier Ministre Samaras que les caricaturistes surnomment «presse-citron», l’humour ici comme ailleurs étant sans doute ”la politesse du désespoir”. Mais le temps presse, car le pays sera à court de liquidités d’ici la fin de la semaine. Et la Grèce, une fois de plus, est au bord du gouffre, du dépôt de bilan.
Ce qui se passe actuellement en Grèce – et que reflète bien le film «Khaos» que l’on peut actuellement sur les écrans – rappelle à s’y méprendre le sacrifice d’Iphigénie immolée par son père pour plaire à déesse Artémis. La Grèce – où le mythe n’est jamais loin – s’identifie aujourd’hui toute entière à Iphigénie sacrifiée cette fois sur l’autel de la rigueur pour plaire à la déesse Merkel qui avait exigé «du sang et des larmes» en déclarant qu’il fallait que ”ça fasse mal!” au moment de l’attribution de la première aide européenne. On pourrait également faire le parallèle entre la ciguë qu’Athènes infligea à Socrate condamné, et ce poison que l’Europe donne à boire à la Grèce dans une coupe mortelle. ”Tu vas dépérir privée d’âme sans le pays qui t’a conçue, toi l’Europe” n’a pas craint d’écrire le prix Nobel de littérature allemand, Günter Grass, en apostrophant directement Mme Merkel, dans son poème l’Europe de la honte. ”Le Chaos est proche, parce que le marché n’est pas juste”, une mise en garde claquée comme un oracle, pour montrer comment l’Europe a mis la Grèce au pilori, en la plongeant dans la misère et la récession.. Si Grass condamne également la pauvreté qui frappe le berceau de la démocratie, il partage avant tout la colère des Grecs.
Mais malgré les mesures drastiques imposées par la CEE et la chancelière de l’Euro-Reich au peuple grec, la Grèce survivra,estime-t-il, car nous en sommes les débiteurs. Pour Günter Grass la fondation de l’Europe ne commence pas chez les épiciers grippe-sous de Berlin ou de Bruxelles,ni même dans les traités des pé-pères de l’Europe, de Rome ou de Maastricht, mais sous les cariatides pillées du temple d’Athena sur l’Acropole qu’Ernest Renan avait salué par ces mots prophétiques: ”Le monde ne sera sauvé qu’en revenant à toi, Athéna, en répudiant ses attaches barbares. Courons, venons en troupe. Quel beau jour que celui où toutes les villes qui ont pris des débris de ton temple, Venise, Paris, Londres, Copenhague, répareront leurs larcins(…) en disant: ”Pardonne-nous, déesse ! C’était pour les sauver des mauvais génies de la nuit”»
Pillé par le passé, l’Acropole sera peut-être demain privatisé, transformé pour être rentable en parc d’attraction archéologique, badigeonné aux couleurs de l’Euroland, mais à l’instar de la Grèce, il restera debout, comme un géant sous le soleil, planté tel un colosse de pierre, entre les hommes et les Dieux.

josé meidinger