Vu
Dimanche 27 décembre 2009
Il y a un an, l’État d’Israël commençait l’attaque de Gaza
Un an après, le blocus de Gaza se poursuit, dans l’indifférence du monde occidental et de ses alliés
Dix Palestiniens ont encore été tués hier – 7 en Cisjordanie et 3 à Gaza se rendant au travail en Israël…
Gaza, on ne t’oublie pas!
Halte au blocus!
Halte à l’ethnocide!
Soutien à la marche de la liberté pour Gaza
Vive la Palestine!
Gaza: regards croisés un an après l’offensive
Caroline Stevan
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/93d467da-f00c-11de-81b5-d1317f5ca03e%7C0
Le 27 décembre 2008, Israël lançait l’opération «Plomb durci», destinée à vider la bande de Gaza de ses terroristes. Un Israélien et un Palestinien confrontent leurs points de vue aujourd’hui
En trois semaines, 1400 Palestiniens ont été tués, dont une majorité de civils. L’offensive a détruit la plupart des infrastructures, et le bouclage imposé par l’Etat hébreu empêche encore toute reconstruction. Début 2008, quelques jours après la décision de blocus, «Le Temps» avait recueilli les témoignages d’un Palestinien de Gaza-City et d’un Israélien vivant de l’autre côté de la frontière. Ils évoquent leur quotidien d’après-guerre
«Il y a désormais moins d’attaques»
Patrick Cohen, 44 ans, marié, quatre enfants. Au chômage, il vit dans le kibboutz de Nir Am, entre Sderot et la bande de Gaza, à 1,5 kilomètre de la frontière.
«Plomb durci»
«Il y a beaucoup moins d’alertes aujourd’hui. Cela fait même trois semaines qu’on n’a rien eu alors qu’avant la guerre, elles sonnaient quasiment tous les jours. Cela tient à la nouvelle politique égyptienne, qui ferme les frontières par où passaient les missiles, mais aussi, sans doute, à «Plomb durci». On peut discuter de la force de l’attaque, mais le fait est que cela a été efficace. Les tirs reprendront, et plus violemment encore, mais pour l’instant ils ont cessé.
On n’a pas vraiment d’informations sur Gaza, ici on n’en parle pas. Si les maisons de gens qui n’avaient rien fait ont été détruites, alors c’est malheureux. Il n’y a pas d’aides à la reconstruction? Le problème, c’est que tant que le conflit n’est pas résolu, on risque de nouvelles explosions. Il faut que nous arrivions à une paix durable. On l’a fait avec l’Egypte et la Jordanie, c’est que ça doit bien être possible. Je suppose que les gens de la bande de Gaza veulent pouvoir vivre normalement aussi. Il faudrait demander au docteur palestinien.»
Le quotidien
«J’ai perdu mon emploi de directeur des achats dans une entreprise de la région. C’est la crise. Mes allocations chômage s’arrêtent dans un mois, il devient urgent que je retrouve un emploi. Je cherche dans le coin car je n’ai pas envie de déménager. Mes enfants vont à l’école ici. En dernier recours, j’irai voir au kibboutz, mais j’y ai déjà travaillé et il n’offre que des métiers que je ne fais plus depuis longtemps. Je reçois une aide financière de la part de la communauté, pas grand-chose; mon niveau de vie a bien diminué. La seule avancée pour nous est que les autorités ont enfin construit un abri dans la maison. Les trois grands y dorment. Ils ont chacun leur chambre, mais préfèrent coucher là-bas, moitié par peur et moitié par amusement je crois. On leur a mis un grand lit et une télé, des jeux. Et puis nous avons eu un quatrième enfant au mois de janvier!»
La suite
«Le problème tient des politiciens et des terroristes, pas des populations. Je suis sûr que la majorité des Palestiniens et la majorité des Israéliens voudraient faire la paix. Aux dirigeants d’y travailler, c’est une question de volonté. Les colonies? C’est difficile de demander à des gens installés depuis cinquante ans de partir. On doit pouvoir envisager des échanges de territoires par-ci par-là. Il faudrait aussi résoudre la question des frontières palestiniennes; un bout à Gaza, un bout en Judée-Samarie, ce n’est pas viable, même avec un pont. Aucun Etat au monde n’est coupé en deux. De toute manière, il n’y a pas d’autres solutions. Nous devrons arriver à la paix. C’est à la fois tout simple et extrêmement compliqué!»
Vivre ailleurs
«Cela fait vingt-cinq ans que je suis ici et je n’envisage pas de quitter ce pays. J’y ai ma maison, je retrouverai un travail. On vit bien mieux ici qu’en France. Le climat est agréable et au niveau sécuritaire, mes enfants courent moins de danger qu’à Paris. Sauf en cas d’attaque, bien sûr.»
«Gaza est un champ de ruines»
Adnan al-Wahaidi, 53 ans, marié, deux enfants, est pédiatre à Gaza-City. Directeur d’une clinique, il travaille également pour Ard El Insan, une ONG fondée par Terre des hommes
«Plomb durci»
«Gaza est un champ de ruines. Il n’y a plus rien. Je ne sais pas comment vous dire. Des montagnes de gravats et de détritus jonchent le sol. Avec ce blocus toujours en vigueur, on ne peut rien reconstruire. Les fenêtres de ma clinique avaient été brisées durant l’offensive. Elles n’ont toujours pas été remplacées. On ne sait pas où trouver du verre, il n’y a plus de vitres à Gaza. Des tas de gens vivent encore dans des camps ou sous des abris, en attendant que leurs maisons soient rebâties. La pauvreté est galopante, le taux de chômage énorme. Heureusement, en pédiatrie, nous avons besoin d’assez peu d’équipements, mais mes collègues chirurgiens ou radiologues ont beaucoup de peine à assurer leur tâche. Il n’y a plus qu’un IRM dans la bande de Gaza, les deux autres sont en panne et attendent d’être réparés. De nombreux patients, en outre, souffrent de stress post-traumatique.»
Le quotidien
«Nous avons davantage de fioul et de gaz aujourd’hui. Les coupures d’électricité sont moins fréquentes – huit heures par jour environ – et annoncées à l’avance. Nous sommes cependant contraints d’utiliser des petits générateurs, fabriqués en Chine et de mauvaise qualité. Avec ce système, on peut faire marcher une télévision ou un ordinateur par exemple, mais pas un four à micro-ondes. Nous trouvons plus facilement de la nourriture conditionnée, mais pour ce qui est des produits frais, c’est un vrai problème. Les champs et l’eau ont été pollués par les substances chimiques des armes israéliennes.
»La mer est contaminée par les égouts, puisque la station d’épuration a été détruite durant l’offensive. J’interdis à mes enfants de se baigner. Les petits qui y sont allés sont ressortis avec des maladies de peau. Hormis cela, j’ai reçu un prix de la Fondation Saïd, à Londres, mais je n’ai jamais pu quitter Gaza pour aller le recevoir. Et pour la quatrième année, ma femme, qui est égyptienne, ne peut sortir du territoire pour aller rendre visite à sa mère.»
La suite
«Il y a eu cette idée de déclaration unilatérale d’un Etat palestinien mais sur le terrain, rien ne change. La communauté internationale est embarrassée et aucun signe ne permet aujourd’hui d’être optimiste. C’est comme de jeter un joli poisson dans l’océan; on ne sait pas où il va, on le perd simplement. Il faudrait fixer un délai, un objectif clair. Je n’ai connu aucune amélioration de toute ma vie. Je vous disais déjà la même chose l’année passée!»
Vivre ailleurs
«Je pense chaque jour à quitter Gaza. Pas pour aller vivre à l’étranger, mais seulement pour participer à un congrès ou donner une conférence. Je suis un spécialiste reconnu dans mon domaine, j’ai des années d’expérience et je suis contraint de travailler hors du monde. J’aimerais montrer que les Palestiniens peuvent aussi apporter quelque chose à la communauté scientifique internationale. I have a dream, comme disait l’autre.»
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