Le citoyen français de confession musulmane doit-il disparaître ?

Entre culture commune et citoyenneté d’exception ?

Voilà plus de 20 ans que plusieurs millions de français de confession musulmane sont soumis à une sorte de buzz perpétuel.

« Bon client », il n’est pas une semaine où l’Islam de France ne suscite un débat ou – pour être plus précis – une polémique plus ou moins politicienne.

Au final, de ce brouhaha médiatique permanent, c’est sans doute Philippe Vardon, le Président du Mouvement d’extrême droite Nissa Rebela et membre de la direction du Bloc Identitaire, qui en donne la meilleure explication :

« L’Islam a vocation à rester le plus invisible possible en France ».

Et il faut bien reconnaître que cette sentence, si intolérante soit-elle, renvoie le français de confession musulmane à des questionnements de fond :

– Son acceptation par la communauté nationale passe-t-elle nécessairement par son effacement ?

– Pour la plupart issue d’une immigration et d’une histoire coloniale douloureuse, les français de confession musulmane doivent-ils s’engager résolument sur la voie d’une « acculturation » ?

– En d’autres termes, le français de confession musulmane peut-il être un français comme les autres ?

Et de fait, face au climat pesant d’une islamophobie toujours plus décomplexée, il peut être tentant d’adopter une stratégie d’acculturation voire d’effacement.

Nous répondrons qu’on voit mal pourquoi, les seuls français de confession musulmane devraient se soumettre à cette injonction à peine voilée d’acculturation à marche forcée ?

Comme tous leurs concitoyens, les français de confession musulmane ont des goûts culinaires, vestimentaires, artistiques…bref, une culture, qui leur a été transmise par l’éducation et leur environnement.

Pourquoi, ces français là et eux seuls, devraient répondre à cette injonction culpabilisante qui les somme d’abandonner ce qui leur a été transmis par l’éducation ?

L’adhésion à une culture ne devrait-elle pas être le fruit d’échanges confiants d’égal à égal, d’une ouverture d’esprit et en définitive d’un processus lent, naturel et librement consenti ?

Et quid des français convertis ? Pourquoi seraient-ils renvoyés à une « culture islamique exotique », qui est non seulement fantasmée (Quel rapport entre les cultures respectives des musulmans du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou d’Asie ?) mais à laquelle ils sont, de par leur origine… étrangers ?

Leur adhésion à la foi musulmane fait-elle d’eux des français moins français que les Identitaires ?

Ces français « du terroir », parce qu’ils sont convertis à l’Islam, serait donc eux aussi dans l’obligation de s’engager résolument dans un processus d’”acculturation” ?

Mais au fait ! S’acculturer pour adopter quelle culture et quelle identité nationale ?

Les français de confession musulmane doivent-ils se fondre dans une identité nationale fantasmée (et blanche) ou une culture, une histoire commune et elles, bien réelles, où les antillais étaient français bien avant les savoyards ou les niçois ?

Parlons-nous d’une culture monolithique imaginaire ou d’une culture vivante, multiple, diverse et constituée, entre autres, de 13 langues régionales rien qu’en métropole ?

Parlons-nous d’une culture immuable et figée dans le marbre ou d’une culture en constante évolution ?

Un exemple parmi beaucoup d’autres, nos enfants (et sans doute aussi ceux des Identitaires…) n’ont eu aucun scrupule à adopter la très anglo-saxonne fête d’Halloween…

Les français de confession musulmane, pour la plupart issue de l’immigration, elle-même issue de l’Empire colonial, ne font-ils pas déjà partis de l’identité française et de son histoire… réelle ?

Comment ne pas voir qu’en définitive, l’islamophobie et ses pseudo-débats sur la visibilité des français de confession musulmane, ne relèvent en aucun cas de la « culture » et de l’ « identité nationale », mais qu’en réalité elle manifeste un rejet, par les islamophobes, de l’Islam en tant que corpus de croyances, de convictions et d’opinions partagées pas des millions de français ?

Et c’est bien là que se situe la plus grande menace pour la cohésion et l’identité nationale authentique !

Les français de confession juive avaient eux aussi, à une autre époque, répondu aux persécutions antisémites par une logique d’effacement…On connait la suite.

Et toutes les contorsions théologiques du monde n’y pourront rien :

Si, comme les deux autres monothéismes, l’Islam est porteur d’un message universel qui ne privilégie aucune culture spécifique, qu’il est avant tout un vécu intérieur, il n’en demeure pas moins qu’il a nécessairement des manifestations visibles, dans l’agir et, dans une bien moindre mesure, le paraître.

En définitive, la tentation islamophobe ne sera dépassée que lorsque l’Islam cessera d’être perçu pour ce qu’il n’est pas, une menace identitaire, et lorsque les français de confession musulmane pourront apporter leur pierre à la Maison France, dans le respect de leurs opinions ou, plus simplement, dans le respect de la Constitution et de l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »

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