La Feuille de Chou a assisté, ce mercredi soir, salle Mozart à Strasbourg à la conférence messianique d’Alain Escada, président de l’institut catholique intégriste Civitas, dont le sujet-slogan « Un papa, une maman, des enfants, voilà le socle de la société. Oui, à la famille, non, à l’homofolie » était inspiré par l’actuel projet de loi du gouvernement en faveur du mariage homosexuel.

C’est sous une pluie battante (un temps de fête à la grenouille…de bénitier!) que nous avions commencé la soirée aux côtés des militants de gauche dans la manifestation bloquant l’accès à la salle Mozart. Puis, revêtus de nos atours les plus classiquement catholiques, nous nous sommes risqués à l’intérieur.

Salle Mozart, l’ambiance était versaillaise. A ceci près que le comité d’accueil et le service d’ordre avaient été recruté dans les milieux de l’extrême-droite identitaire locale, ceux-là même qui avaient déjà servi à encadrer la venue d’Alain de Benoist à Strasbourg, il y a quelques semaines. Une soixantaine de personnes au total dans la salle dont une quinzaine d’identitaires et autant de militants de gauche et de LGBT; restait donc une poignée de brebis. La grand messe homophobe pouvait commencer…

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Pendant plus de deux heures, comme égrenant son chapelet, Alain Escada a abordé point par point tout ce que l’idéologie ultra-traditionaliste compte de plus pernicieux:

– un fondamentalisme naturaliste ( « les valeurs fondamentales qui appartiennent au bien commun de l’humanité », accusant les opposants de gauche et les actions de LGBT de « prôner le passage de l’humanité à l’animalité » )

– une hyper-normativité ( « l’homosexualité déroge à la norme humaine », « l’intérêt général, c’est de défendre la norme.»)

– une défense des valeurs et des racines chrétiennes ( la lutte contre l’homosexualité, la polygamie et contre toutes « les déviances qui pervertissent et mettent en danger le christianisme et ses valeurs ancestrales. » )

– un conservatisme et un discours contre tout progrès et révolution: « le monde moderne n’a plus aucun souhait de conserver tout ce que le bon sens a transmis depuis des générations mais au contraire de valoriser ce qui va le pervertir » , « il n’y a pas de sens de l’Histoire, il n’y a pas d’air du temps ».

– des ennemis à combattre : le lobby homosexuel, les médias, les francs-maçons, la mondialisation… et un appel à la résistance et à la défense: « Si la famille éclate, plus rien n’empêchera la résistance de notre pays », il faut « prendre part à cette bataille et défendre la famille pérenne et éternelle. »

Chaque affirmation était accompagnée d’un exemple (souvent caricatural voire invraisemblable) ou d’une étude scientifique (invérifiable ou dont l’interprétation était des plus simplistes) qui prétendaient asseoir son discours et le dédouaner de tout prosélytisme ( « Nous ne faisons pas de sensiblerie, nous martelons des faits. »). Le recours systématique aux dire d’homosexuel(le)s notoires a aussi été largement utilisé.

S’en est suivi, non pas un débat mais une série de questions-affirmations avec la salle. Les questions sont venues de militants homosexuels et de gauche principalement. Les réponses étaient bien huilées et déjà en réserve. La salle conquise jouait les chiens de garde.

Extraits:

Au militant LGBT, président de La Station qui affirmait à Alain Escada que son discours avait « des relents nauséabonds des années 30 », certaines personnes du public ont répondu: « Et on en est fiers! »

A un militant homosexuel qui réclamait les mêmes droits que ses concitoyens, Alain Escada a répondu: « Vous avez les mêmes droits que n’importe quel citoyen, rien ne vous empêche de vous marier: il suffit pour cela d’épouser une femme! », puis il lui a conseillé d’aller voir « son confesseur pour qu’il lui rappelle ce qu’est le Bien, le Mal et le mauvais penchant. »

La discussion a vite tourné court. Le service d’ordre commençait d’enfiler ses gants en cuir noir. Il était temps de quitter la salle.