Tous-tes ceux-celles qui ont milité ou simplement rencontré à l’occasion CASAS, cette admirable association qui aide les demandeurs d’asile à tenter de se sortir de situations inextricables, savent le dévouement de ses peu nombreux (nombreuses, serait plus juste) salarié(e)s et bénévoles.

Si le dévouement a un sens, et l’humanité qui va avec, c’est là qu’on le trouve (le trouvait faudra-t-il dire bientôt?).

On sait la politique à deux visages du libéralisme, dont le slogan pourrait être vae victis (malheur aux vaincus).

Ou bien vous faites partie de “l’humanité supérieure”, celle qui s’enrichit toujours plus, ou bien vous vous transformez de plus en plus, comme l’écrit Judith Butler, en jetable.

Jadis, clochards, SDF aujourd’hui, étrangers, immigrés, aujourd’hui travailleurs-euses pauvres, à temps partiel, femmes seules avec enfants, la misère de masse, même salariée (si peu) s’étend à mesure que la richesse d’une minorité explose. Et même dans nos pays dits riches.

Chacun-e connait Simone Fluhr, son dévouement, sa gentillesse, sa force sous une apparente fragilité, on la connait encore plus depuis qu’elle a joué son propre rôle dans le film de son ami Daniel Coche. Chacun a admiré son acharnement, avec d’autres de sa trempe, pour secourir les étrangers, les sans-papiers, les demandeurs d’asile.

Aussi, quand on a appris que suite aux coupes sauvages dans les budgets sociaux, et donc dans celui de CASAS, elle annonce qu’elle jette l’éponge, après un instant d’incrédulité, on se dit que la situation est encore pire que ce qu’on en savait.

Simone le dit dans une lettre à une amie, qu’on cite bien que, pudique, elle nous ait dit d’en rester aux annonces officielles :

Chère A.

Je t’écris pour te dire que m’en vais de CASAS. Le cœur gros.

Cette maison jaune toute déglinguée était aussi un peu la mienne, je la portais, elle me portait.

On a duré, duré, enduré et maintenant c’est l’heure de vérité.

Faute d’argent, on perd deux postes non remplacés, celui d’I. qui “refuse de laisser ce petit monstre à la rue” et qui part à la retraite en ayant bien mérité de se reposer.

et celui de L. qui a sa version toute personnelle de Sisyphe “la pierre qu’on remonte et qui nous écrase”)

-remplacée par M. durant son congé maternité à la grâce d’un don anonyme et “qui espère que ses colocs lui ont laissé à manger avant de se coucher”

J’ai décidé de démissionner car je ne veux pas et ne peux pas “m’adapter” à un changement aussi radical qui,

de fait et faute de moyens humains, nous conduira, nous conduit déjà, à fermer plein de portes sachant que les demandeurs d’asile n’en trouveront pas d’autres à ouvrir.

Être témoin sans pouvoir agir est malsain et ce positionnement m’est intenable.
On s’est toujours tenus à leurs côtés, même si on n’obtenait rien, au moins on tentait. Cette force nous est enlevée.
Cette maman à la rue en train de pleurer avec son enfant dans les bras (qui, lui, ne pleure pas), je veux juste pas la voir, je ne peux plus la voir !!!
Rester m’aurait purement et simplement détruite, et comme je suis déjà bien usée et n’ai qu’une santé…
Voilà le sens de mon départ.

Mon demi-poste n’est pas remplacé non plus. et ça fait la moitié de l’équipe salariée décimée.

Mes trois collègues qui restent (…), il m’est douloureux d’y penser.

Pour sublimer ma tristesse, je suis en train d’organiser une soirée de retrouvailles avec tous ceux que j’aime, rencontrés durant ces 15 dernières années,

et qui m’ont tant appris et apporté, et qui m’ont aidé à tenir tout ce temps.
Tu en fais partie !

ça a lieu samedi 15 décembre à 19 heures au Molodoï

Au programme :
petites choses à manger et à partager que chacun est convié (pas obligé) à apporter

20 h : Projection du film “les éclaireurs”
Musiques du monde : Malika de Bal Pygmée, Kidan, Family Affair, Connexion pueblo…
Entrée : 5 euros (sauf pour les demandeurs d’asile)
Bénéfices au profit de CASAS

Peut-être que tu pourras être avec moi ce soir là, avec tes amis et amis de tes amis.

Avec toute mon affection

Simone

Sans commentaire…