Agir dans le présent, c’est déjà construire le futur ! 🙂

Bonne année 2010,

et qu’elle réponde au mieux à toutes nos attentes dans tous les domaines de notre vie, et notamment dans les champs sociaux et politiques bien mis à mal par les politiques ultra-libérales et les briseurs de rêves de toutes origines. Riposter et construire la contre-offensive à la politique de Sarkozy suppose des ripostes et des offres nouvelles dans tous les champs d’interventions humains, idéologiques, économiques, démocratiques, sociaux et politiques. Exigeons des forces de Gauche et d’extrême-Gauche, républicaines, socialistes, communistes et écologistes qu’elles se mettent vraiment au service des peuples et d’une transformation sociale progressiste, aidant l’humanité à se dégager de toutes formes d’exploitation, de domination et d’aliénation, en commençant par celle d’une logique capitaliste archaïque et monstrueuse dans les risques qu’elle fait courir à la planète et à l’humanité. Ne laissons pas les forces de Gauche et écologistes se fragmenter et s’égarer dans des calculs politiciens, des dérives libérales, ou des impasses sectaires. Essayons de construire ensemble les bases d’un Nouveau Front Populaire Majoritaire, le Front de Gauche peu en être la fondation. Ouvrons partout des Fronts de résistance et de conquêtes sociales et démocratiques ! Résistons et Ripostons à la politique portée par Sarkozy et son gouvernement et construisons les outils politiques, idéologiques et sociaux, nécessaires pour porter un projet de transformation sociale progressiste, permettant de construire une société plus humaine, plus juste et plus solidaire, les uns l’appelant communisme, les autres une République Sociale, d’autres socialisme, d’autres développement soutenable et durable, visant de fait à dépasser le capitalisme, en particulier sa forme financière et mondialisée ! Il y a beaucoup de commun dans tout cela en particulier l’idée et l’expérience de la solidarité qui rassemble et complète, qui est plus efficace socialement et humainement que la concurrence qui divise et oppose les êtres humains.

Pour avancer ensemble dans cette direction, je vous propose, en ce début d’année de visiter ou revisiter quelques extraits de textes, quelques réflexions que j’ai jugé utile de vous faire partager. Bonne lecture.

Dominique BELOUGNE, Secrétaire d’Espaces Marx Aquitaine-Bordeaux-Gironde

Quelle forme sociale après le capitalisme ?

C’est bien plus qu’une question : c’est la question. Or comment définir de façon réellement fondée, objectivement atteignable et par là massivement convaincante – ce à quoi ne parvient pas un volontarisme subjectif – les lignes de force d’un ordre post capitaliste ? La réponse de Marx, trop peu entendue à mon gré, est décisive : en étudiant avec un soin extrême, dans le mouvement contradictoire du capital, les présupposés objectifs – négatifs ou positifs – d’une forme sociale supérieure qu’il engendre en lui-même « la tête en bas ». Car – avons-nous encore assez assimilé cette formule ultra profonde ? – le communisme n’est pas un idéal à réaliser mais le « mouvement réel qui dépasse l’état de chose actuel ». Dans la formidable valse présente des moyens de produire et d’échanger, de travailler et de savoir, de dominer et de résister, de tant d’autres choses encore, du communisme est à l’œuvre au sein même de la pire aliénation – le possible bien-être pour tous hante l’écrasement du plus grand nombre, la gratuité ronge au-dedans le tout-marchand, l’engagement associatif sème le grain d’une autogestion générale, la solidarité planétaire tient de plus en plus mal dans la camisole de la concurrence non faussée… Nous ne cessons de dire combien le mort saisit le vif, et c’est vrai jusqu’au tragique – mais voyons-nous assez le vif, fondons-nous assez sur lui nos initiatives de lutte, nos projets de transformation, nos pratiques d’organisation ? Or tout Marx est là. Rien, vraiment, n’est plus actuel.

Si lois de l’histoire il y a, elles ne peuvent que conjuguer le long terme et l’évènement . Elles sont donc, par essence, « possibilistes ». S’il n’est au pouvoir de personne d’enfermer l’avenir dans des scénarios préétablis, pour autant, l’actualité, en tant qu’elle est porteuse d’un futur, n’est pas hors de portée de l’action humaine. Ici se conjuguent le patrimoine de l’humanité et la liberté de chacun. Le résultat – qui est le produit de volontés contradictoires – est quelque chose que personne n’a voulu ! Dans le Manifeste du Parti Communiste, Marx et Engels écrivent : « A la place de l’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classe, surgit une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ». Toute la vie et l’œuvre de Marx furent un combat pour comprendre, saisir et accroître les moyens de cette libération possible de tous les individus, de toute sujétion étrangère et aliénante.

On perçoit l’actualité de l’exigence communiste

à la lumière de l’actualité d’une quadruple nécessité, mais purement conditionnelle : celle de mettre fin au capitalisme si l’on veut supprimer l’exploitation économique, l’oppression sociale, la domination politique et l’aliénation individuelle. Je dis bien « si » : cela suppose qu’on le veuille et le désire, et que le peuple en décide souverainement. Mais le doit-on ? C’est sur ce point que je voudrais rebondir par un « oui » de principe, qui signale dans le communisme une exigence ou une obligation proprement morale, donc une nécessité pratique inconditionnelle. Cette idée a été minorée par la tradition marxiste et elle paraît incongrue aux thuriféraires du libéralisme. Pourtant elle travaille bien toute la critique marxienne du capitalisme : celle-ci s’enracine dans les valeurs morales – je ne dis pas éthiques – de type kantien centrées sur l’Universel, le respect de la personne humaine et l’autonomie. C’est ainsi que ni l’exploitation, ni l’oppression, ni la domination (je laisse de côté l’aliénation) ne peuvent, par principe, être universalisés. A l’inverse, le communisme, à travers ses réalisations les plus concrètes, a pour signification morale profonde de promouvoir l’Universel en assurant la promotion de l’humain chez tous les hommes. Or cette exigence ne me paraît ni négociable ni réfutable : elle constitue un acquis normatif essentiel de l’humanité qui survivra aux conditions historiques qui l’on fait émerger, au même titre que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais en en étendant les valeurs de liberté et d’égalité à des champs inédits de l’existence. Par-delà les modifications que sa traduction socio-politique peut recevoir, c’est par elle que le communisme continue de nous interpeller pratiquement et de faire sens, pour le présent et pour l’avenir.

Quelques extraits du Manifeste pour les « produits » de haute nécessité

[…] Mais le plus important est que la dynamique du Lyannaj – qui est d’allier et de rallier, de lier, relier et relayer tout ce qui se trouvait désolidarisé – est que la souffrance réelle du plus grand nombre (confrontée à un délire de concentrations économiques, d’ententes et de profits) rejoint des aspirations diffuses, encore inexprimables mais bien réelles, chez les jeunes, les grandes personnes, oubliés, invisibles et autres souffrants indéchiffrables de nos sociétés. La plupart de ceux qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l’on peut saisir l’impossible au collet, ou enlever le trône de notre renoncement à la fatalité.

[…] Cette grève est donc plus que légitime, et plus que bienfaisante, et ceux qui défaillent, temporisent, tergiversent, faillissent à lui porter des réponses décentes se rapetissent et se condamnent. Dès lors, derrière le prosaïque du « pouvoir d’achat » ou du « panier de la ménagère », se profile l’essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l’existence, à savoir : le poétique. Toute vie humaine un peu équilibrée s’articule entre, d’un côté, les nécessités immédiates du boire-survivre-manger (en clair, le prosaïque), et, de l’autre, l’aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité, d’honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de philosophie, de spiritualité, d’amour, de temps libre affecté à l’accomplissement du grand désir intime (en clair, le poétique). Comme le propose Edgar Morin, le vivre pour vivre, tout comme le vivre pour soi n’ouvrent à aucune plénitude sans le donner à vivre à ce que nous aimons, à ceux que nous aimons, aux impossibles et aux dépassements auxquels nous aspirons. La « hausse des prix » ou « la vie chère » ne sont pas de petits diables-ziguidi qui surgissent devant nous en cruauté spontanée, ou de la seule cuisse de quelques purs békés. Ce sont les résultantes d’une dentition de système où règne le dogme du libéralisme économique. Ce dernier s’est emparé de la planète, il pèse sur la totalité des peuples, et il préside dans tous les imaginaires – non à une épuration ethnique, mais bien à une sorte « d’épuration éthique » (entendre : désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même) de tout le fait humain. Ce système a confiné nos existences dans des individuations égoïstes qui vous suppriment tout horizon et vous condamnent à deux misères profondes : être « consommateur » ou bien être « producteur ». Le consommateur ne travaillant que pour consommer ce que produit sa force de travail devenue marchandise ; et le producteur réduisant sa production à l’unique perspective de profits sans limites pour des consommations fantasmées sans limites. L’ensemble ouvre à cette socialisation antisociale, dont parlait André Gorz, et où l’économique devient ainsi sa propre finalité et déserte tout le reste. Alors quand le « prosaïque » n’ouvre pas aux élévations du « poétique », quand il devient sa propre finalité et se consume ainsi, nous avons tendance à croire que les aspirations de notre vie, et son besoin de sens, peuvent se loger dans ces codes-barres que sont « le pouvoir d’achat » ou « le panier de la ménagère ». Et pire, nous finissons par penser que la gestion vertueuse des misères les plus intolérables relève d’une politique humaine ou progressiste. Il est donc urgent d’escorter les « produits de première nécessité » d’une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d’une « haute nécessité ». Par cette idée de « haute nécessité », nous appelons à prendre conscience du poétique déjà en oeuvre dans un mouvement qui, au-delà du pouvoir d’achat, relève d’une exigence existentielle réelle, d’un appel très profond au plus noble de la vie. […] L’autre très haute nécessité est ensuite de s’inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain qui n’est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d’un dogme. La haute nécessité est de tenter tout de suite de jeter les bases d’une société non économique, où l’idée de développement à croissance continuelle serait écartée au profit de celle d’épanouissement ; où emploi, salaire, consommation et production seraient des lieux de création de soi et de parachèvement de l’humain. Si le capitalisme (dans son principe très pur qui est la forme contemporaine) a créé ce Frankenstein consommateur qui se réduit à son panier de nécessités, il engendre aussi de bien lamentables « producteurs » – chefs d’entreprise, entrepreneurs, et autres socioprofessionnels ineptes – incapables de tressaillements en face d’un sursaut de souffrance et de l’impérieuse nécessité d’un autre imaginaire politique, économique, social et culturel. Et là, il n’existe pas de camps différents. Nous sommes tous victimes d’un système flou, globalisé, qu’il nous faut affronter ensemble. Ouvriers et petits patrons, consommateurs et producteurs portent quelque part en eux, silencieuse mais bien irréductible, cette haute nécessité qu’il nous faut réveiller, à savoir : vivre la vie, et sa propre vie, dans l’élévation constante vers le plus noble et le plus exigeant, et donc vers le plus épanouissant. Ce qui revient à vivre sa vie, et la vie, dans toute l’ampleur du poétique. […] Il nous faut donc réinstaller le travail au sein du poétique. Même acharné, même pénible, qu’il redevienne un lieu d’accomplissement, d’invention sociale et de construction de soi, ou alors qu’il en soit un outil secondaire parmi d’autres. Il y a des myriades de compétences, de talents, de créativités, de folies bienfaisantes, qui se trouvent en ce moment stérilisés dans les couloirs ANPE et les camps sans barbelés du chômage structurel né du capitalisme. Même quand nous nous serons débarrassés du dogme marchand, les avancées technologiques (vouées à la sobriété et à la décroissance sélective) nous aideront à transformer la valeur travail en une sorte d’arc-en-ciel, allant du simple outil accessoire jusqu’à l’équation d’une activité à haute incandescence créatrice. Le plein emploi ne sera pas du prosaïque productiviste, mais il s’envisagera dans ce qu’il peut créer en socialisation, en autoproduction, en temps libre, en temps mort, en ce qu’il pourra permettre de solidarités, de partages, de soutiens aux plus démantelés, de revitalisations écologiques de notre environnement… Il s’envisagera en « tout ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ». Il y aura du travail et des revenus de citoyenneté dans ce qui stimule, qui aide à rêver, qui mène à méditer ou qui ouvre aux délices de l’ennui, qui installe en musique, qui oriente en randonnée dans le pays des livres, des arts, du chant, de la philosophie, de l’étude ou de la consommation de haute nécessité qui ouvre à création – créaconsommation. […] En valeur poétique, il n’existe ni chômage ni plein emploi ni assistanat, mais autorégénération et autoréorganisation, mais du possible à l’infini pour tous les talents, toutes les aspirations. En valeur poétique, le PIB des sociétés économiques révèle sa brutalité. Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l’imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans « manman » de l’esprit. Que ce principe balise les chemins vers le livre, les contes, le théâtre, la musique, la danse, les arts visuels, l’artisanat, la culture et l’agriculture… Qu’il soit inscrit au porche des maternelles, des écoles, des lycées et des collèges, des universités et de tous les lieux de connaissance et de formation… Qu’il ouvre à des usages créateurs des technologies neuves et du cyberespace. Qu’il favorise tout ce qui permet d’entrer en relation (rencontres, contacts, coopérations, interactions, errances qui orientent) avec les virtualités imprévisibles du tout-monde… C’est le gratuit en son principe qui permettra aux politiques sociales et culturelles publiques de déterminer l’ampleur des exceptions. C’est à partir de ce principe que nous devrons imaginer des échelles non marchandes allant du totalement gratuit à la participation réduite ou symbolique, du financement public au financement individuel et volontaire… C’est le gratuit en son principe qui devrait s’installer aux fondements de nos sociétés neuves et de nos solidarités imaginantes… Projetons nos imaginaires dans ces hautes nécessités jusqu’à ce que la force du Lyannaj ou bien du vivre ensemble ne soit plus un « panier de ménagère », mais le souci démultiplié d’une plénitude de l’idée de l’humain. […]Nous appelons donc à ces utopies où le politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du « marché », mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l’instrumentalisant de la manière la plus étroite. Nous appelons à une haute politique, à un art politique, qui installe l’individu, sa relation à l’autre, au centre d’un projet commun où règne ce que la vie a de plus exigeant, de plus intense et de plus éclatant, et donc de plus sensible à la beauté. […]


1 Lucien Sève, Philosophe.

Arnaud Spire, Philosophe et journaliste.

Yvon Quiniou, Philosophe, enseignant.

Extrait de leur contribution au colloque de la Fondation Gabriel Péri le 20 mai 2005. Voir les actes du colloque.

Par Ernest Breleur, Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Gérard Delver, Edouard Glissant, Guillaume Pigeard de Gurbert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean-Claude William.

Pour plus d’information sur nos activités, voir le site d’Espaces Marx Aquitaine-Bordeaux-Gironde :


http://espacesmarxbordeaux.apinc.org/