La température est remontée ces derniers jours, provisoirement peut-être, et le soleil s’est fait printanier. Pour autant, il ne faut pas croire que les conditions de survie dans les campements strasbourgeois se soient améliorées. Nous avons eu l’occasion hier de nous rendre sur trois des terrains, tous situés au début de Koenigshoffen, en accompagnant divers professionnels de l’enfance qui voulaient s’informer de visu des conditions dans lesquelles ces enfants et leurs famille vivaient dans la dite capitale européenne.
Le premier terrain visité est celui appelé La Forêt, situé le long de la bretelle de sortie de l’autoroute A350 venant de Hautepierre.
Plusieurs familles avec des enfants y vivent depuis des années. On est immédiatement frappés par la tenue de ce campement. Des tapis de toutes sortes sur le chemin d’accès protègent des effets de la boue par temps pluvieux. Le linge lavé sur place dans des bassines de formes et matières diverses sèche sur un fil tout au long de la butte qui surplombe la bretelle bruyante. Le sol est propre. Les ordures ramassées et mises à la benne placée à l’extrémité du terrain de sport voisin. Une porte métallique dans le grillage avait été forcée, selon un des habitants, par des personnes étrangères au campement. La réparation a été faite par les résidents eux-mêmes.
La majorité des lieux d’habitation sont des baraquement de bois solidement construits avec des matériaux de récupération. On y voit de vieilles portes, des planches, des palettes et des parties vitrées pour éclairer l’intérieur toujours coquet et astucieusement aménagé. Deux grands frigos servent d’armoires de rangement, faute de courant électrique pour un usage normal. Comme c’était mercredi après-midi, les enfants tous scolarisés dans le quartier, jouent devant les habitations.
On croise Médecins du Monde qui fait sa tournée de soins, avec un médecin et une infirmière, accompagnés d’une jeune étudiante roumaine qui traduit bénévolement. Leur camping-car est garé juste à côté sur un parking municipal grillagé face au garage Polgen. D’habitude, on les voit sur le chemin d’accès au campement voisin Saint-Gall, en ce moment inaccessible pour cause de travaux de voirie et d’aménagement de stationnement en épi près des jardins ouvriers.
Notre guide insiste avec raison sur l’état du campement et le soin mis par ses habitants pour le tenir propre. Il se plaint que d’autres personnes viennent parfois y déposer des ordures comme on en voit de l’autre côté de la bretelle. Mais ici, rien ne traine. le balai et la serpillère ne chôment pas.
On entend un questionnement sur la différence de traitement entre ce campement, bien tenu, et d’autres, proches dont l’état sanitaire est moins brillant. Pourquoi des gens qui sont à Strasbourg depuis des années ne sont-ils pas relogés alors que de plus récents le sont? L’exigence d’un travail également est mise en avant, mais travail et logement se conditionnent l’un l’autre.
Le contraste avec le campement appelé Petit Parking est immédiatement perceptible. C’est celui au début de la route des Romains entre un ruisseau et une fortification de l’époque allemande, très serré, où des caravanes ont brûlé il y a deux semaines.
Actuellement, s’y trouvent encore quatre caravanes, dont une installée sur l’avant, récemment nettoyé, deux à l’arrière, pas touchées par le feu et la dernière rafistolée après avoir fondu partiellement et été consolidée par des planches. C’est celle-là qui abrite un couple avec un bébé et une femme enceinte. On ne sait pas pourquoi ils n’ont pas bénéficié des mesures de relogement et d’aide alimentaire de la part de la Ville.
Une autre dame qui avait participé aux réunions à la mairie dit qu’elle na pas été relogée avenue Jaurès alors qu’elle était parmi les occupants du terrain la nuit de l’incendie.
Vers le fond, on voit encore les restes calcinés des quatre caravanes incendiées. L’une d’elle dont la structure s’élevait encore il y a peu comme un squelette extérieur, a été réduite au sol. Tous ces débris encombrent encore le fond du terrain dont la mairie a annoncé qu’il allait être définitivement fermé d’ici peu, mesure que semblent contester certains des présents souhaitant y réinstaller des caravanes.
Rappelons l’engagement du maire de reloger les occupants si les terrains visés par une décision de justice sont évacués. Pour certains, comme ceux du campement Wodli, c’est fait, rue des Remparts, sur l’annexe, pour beaucoup d’autres, on ne voit rien venir.
C’est en particulier le cas pour les nombreux habitants du campement Saint-Gall, rue de l’Abbé-Lemire. Alors que l’accès est rénové en ce moment, le terrain est dans un piteux état. Les habitants qu’on a déjà rencontrés plusieurs fois nous répètent leurs demandes traduites par un interprète bénévole du roumain qui vit sur un de ces terrains et cherche du travail tout en rêvant d’aller en Grande-Bretagne où il a déjà été.
Les baraquements apparaissent en moins bon état que ceux de la bretelle d’autoroute. Le sol est jonché de détritus de toute nature. Les métaux et le bois trouvent certes un usage, mais le reste? Comme on l’avait déjà signalé dans un billet ancien, sous la pression de Latcho Rom et d’autres personnes intervenant sur les campements, la Ville a installé des WC chimiques (de l’autre côté, ce sont des toilettes sèches) et un conteneur bleu renferme des réserves d’eau. Mais pas d’électricité ni ici ni ailleurs. Là aussi, les habitants se demandent selon quels critères, des personnes sont prises en charge, au moins partiellement, pendant la trêve hivernale, qui s’achève le 31 mars, et d’autres laissées à l’abandon. ce terrain aussi est promis à l’évacuation. Mais quid du relogement préalable?
Ne peut-on trouver une solution globale?
L’association Latcho Rom est porteuse d’un projet d’auto-construction de maisonnettes en matériaux bon marché et recyclables. Un architecte travaille sur le plan-masse. Encore faudrait-il que la municipalité fournisse le terrain adéquat permettant d’y installer une cinquantaine de ces structures.
Vendredi à 11h,une nouvelle réunion a lieu à la mairie avec les rescapés de l’incendie du Petit Parking. Latcho Rom y sera avec les Roms pour réitérer les solutions durables qu’elle met en avant.
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