lu dans les DNA
Assises du Bas-Rhin Trois maisons de familles d’origine turque incendiées « Guidé par la haine » : 12 ans de réclusion
L’auteur des trois incendies qui ont visé des maisons de familles d’origine turque à Vendenheim en 2010 a été condamné hier à douze ans de réclusion criminelle par la cour d’assises du Bas-Rhin. Les jurés sont allés au-delà des réquisitions.
Laurent Roeckel n’a rien d’un idéologue. C’est son avocat qui le dit. « Après deux années d’enquête et des investigations énormes sur sa personnalité et son environnement, il en ressort que c’est une personne qui affiche clairement des idées d’extrême droite identitaire, souligne Me Cédric Belmont. Quelqu’un qui se dit sympathisant du parti Alsace d’abord mais qui n’y a jamais adhéré, qui n’a aucun lien avec la mouvance skinhead. C’est une personne solitaire, isolée. »
Par son mode de réflexion « binaire », l’accusé n’aurait fait que reprendre à son compte les « slogans pervers » véhiculés sur Internet par certains sites extrémistes, poursuit le défenseur. « Pour lui, expose Me Christine Mengus, conseil du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), les Turcs sont bien trop nombreux en Alsace. Ils achètent tout, les maisons et les commerces, Il a peur que les Blancs deviennent minoritaires. Seule la violence lui permet de faire entendre sa voix. » Cette violence qui l’a conduit à mettre le feu à trois poubelles préalablement positionnées devant la porte d’entrée de trois habitations occupées par des familles d’origine turque de Vendenheim, à l’automne 2010 (DNA d’hier).
« Il a piétiné les valeurs qui nous réunissent »
« Il a placé les conteneurs devant les portes, en pleine nuit, pour empêcher les gens de sortir, ou au moins compliquer leur sortie. Forcément il a envisagé le pire », pointe l’avocat général Gueorgui Varbanov, qui balaie les explications de l’accusé quant à un acte destiné uniquement à « faire peur ». « S’il avait vraiment voulu porter atteinte à l’intégrité physique des gens qui se trouvaient à l’intérieur, n’aurait-il pas procédé autrement ? », suggère Me Belmont, en rappelant qu’aucune trace d’un quelconque accélérant n’a été relevée par les enquêteurs.
« À travers ces crimes guidés par la haine, M. Roeckel a offensé ce que nous avons de plus cher, il a piétiné les valeurs qui nous réunissent », lance le représentant du ministère public, dans un hommage à une France « qui n’est pas celle de l’accusé ». « Il prétend être un Français de souche. Il devrait se rappeler que l’égalité et la fraternité sont des ciments de la société française », expose de son côté Me Carole Aubel-Tourrette, conseil de l’une des familles victimes et de SOS-Racisme.
Pleine plus lourde que les réquisitions
Après une heure et demie de délibéré, les jurés ont reconnu le Strasbourgeois de 28 ans coupable de « détériorations volontaires par incendie à raison de l’appartenance, vraie ou supposée, des personnes propriétaires ou utilisatrices des biens à une ethnie ou une nation ». Ils lui ont infligé douze années de réclusion criminelle, deux de plus que la peine réclamée par l’avocat général.
L’accusé a accueilli le verdict sans broncher, les bras croisés. Au moment de regagner les geôles, il a poussé un cri et donné un grand coup de pied dans la paroi de son box, qui n’a pas résisté.
par Antoine Bonin, publiée le 20/03/2013 à 05:00
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