LIBRE OPINION
Après le referendum : affaiblissement ou renforcement de l’identité alsacienne ?
Pierre Klein
Jean-Marie Woehrling[1]
Dès les résultats connus, on a avancé la thèse de la « fin du particularisme alsacien ». Il est vrai que l’affirmation d’un projet régional alsacien était sous-jacente à l’idée de fusion des trois collectivités et que celle-ci a été attaquée pour ce motif par les éléments les plus extrêmes et les plus jacobins, en même temps que d’autres aspects de ce « particularisme » (le droit local, l’enseignement bilingue paritaire) étaient remis en cause.
Toutefois, ni le déroulement de la campagne ni l’analyse du scrutin ne permettent de retenir la thèse d’un rejet de la dimension alsacienne. C’est plutôt la permanence de certaines traditions alsaciennes qui s’expriment dans ces résultats : la méfiance à l’égard d‘un leadership strasbourgeois jugé lointain et hautain, la préférence pour le concret et l’existant plutôt que pour les constructions abstraites et nouvelles (Besser a Spatz en der Hand statt a Duwa uf’m Dach), la méfiance à l’égard d’un projet dont les modalités auraient été arrêtés à Paris. Tout ceci ne traduit pas un rejet de la personnalité régionale.
C’est au contraire l’insuffisant affirmation de l’identité alsacienne dans le projet, au bénéfice d’arguments « technocratiques », qui a suscité l’indifférence voire la méfiance des électeurs. Plus d’Alsace aurait été un slogan davantage porteur que plus d’efficacité. Ensemble, les électeurs des deux départements, les uns par le non, les autres par l’abstention, ont fait entendre qu’ils veulent un autre projet régional et non que l’identité régionale ne les intéresse plus. C’est bien en fin de compte une certaine idée d’Alsace qui sort vainqueur du scrutin. Plus que jamais, les Alsaciens sont conscients de leur situation géo-économique au sein du Rhin supérieur et de que ce facteur décisif pour le dynamisme de la région implique un certain nombre d’investissements culturels, notamment dans la langue régionale, c’est-à-dire l’allemand dans sa version standard comme dans ses formes dialectales.
Malgré le grand gâchis qu’il représente, l’échec du projet de réforme des structures peut nous donner l’opportunité de nous concentrer sur les contenus : un projet régional impliquant toutes les composantes géographiques de l’Alsace axé sur des questions concrètes. Comment mieux vivre ensemble, comment être plus efficaces dans le monde de la compétition, comment nous sentir bien dans notre peau malgré l’inéluctable nécessité d’ajuster nos dépenses à nos ressources, comment cultiver la solidarité sans brider l’initiative, comment gérer avec parcimonie notre territoire ?
Les réponses à ces questions, nous devrons les trouver, même sans réformes institutionnelles, dans notre cadre territorial qui est l’Alsace. Celui-ci offre à tous les habitants de l’Alsace une richesse culturelle considérable s’ils veulent bien la prendre en main. A titre d’exemple, même sans fusion, la Région et les deux Départements sont appelés, à l’occasion des assises de la langue et de la culture régionales en voie de préparation, à adopter une charte linguistique qui mettra en œuvre les grands principes européens de respect des langues régionales, qui à la fois nous donnera plus d’atouts économique, plus d’ouverture sur le monde et plus de personnalité. JMW et PK
[1] Pierre Klein est président d’Initiative Citoyenne Alsacienne (ICA) ; Jean-Marie Woehrling est président de Culture et Bilinguisme d’Alsace et de Moselle – René Schickele Gesellschaft
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