Ce 12 mai, une nouvelle fois, l’extrême-droite la plus violente annonce plusieurs manifestations dans Paris.
Plusieurs groupes et organisations, dont certains sont ouvertement néo-nazis, vont en effet « commémorer » à leur manière, la mort d’un de leurs militants, survenue le 9 mai 1994 suite à une manifestation non autorisée et violente, organisée par le GUD ; pour certains d’entre eux il s’agit aussi de rendre leur « hommage » à Jeanne d’Arc.
Le premier cortège partira de la Madeleine à 10h ; il est organisé par le groupe « 3ème Voie » son dirigeant Serge Ayoub alias ” Batskin” , a animé nombre d’organisations et de mouvances, dont certains militants ont très rapidement franchi le pas vers la violence active, voire le meurtre. Ainsi le 18 juin 1990 au Havre, le jeune James Dindoyal était empoisonné puis jeté à l’eau, avant de décéder dans d’atroces souffrances. Les responsables étaient deux membres des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, proches de Serge Ayoub (1).
Aujourd’hui, Serge Ayoub et ses troupes prétendent à la respectabilité : cependant, très récemment, le 23 avril dernier les deux militants armés venus soutenir les agresseurs homophobes du bar de Lille et interpellés par la police, ont fait référence à leur appartenance au groupe 3ème Voie (2).
Cette manifestation est appelée au nom de la lutte contre l’’ impérialisme ». Or, la dernière initiative de ce type (3) a rassemblé autour de 3ème Voie des organisations de défense de la dictature syrienne, organisations dont les militants ont attaqué très violemment, à Paris et ailleurs en France, des manifestations organisée par les démocrates syriens (4).
Cette initiative est d’ailleurs rejointe par d’autres groupes notamment une partie des « nationalistes autonomes », belges et français, dont la dangerosité immédiate n’est plus à prouver. Ainsi, leur section de Nancy s‘est spécialisée dans l‘agression des cibles habituelles de l’extrême-droite, membres des minorités ou des mouvements progressistes (5).
La seconde manifestation est appelée notamment par l’Oeuvre Française, à 10h à la Concorde. On y trouvera aussi les Jeunesses Nationalistes et le GUD. Ces trois organisations sont ouvertement pétainistes et pro-nazies. Leur propagande est faite d’un mélange extrêmement violent d’antisémitisme, de racisme, d’homophobie et de négationnisme. Les Jeunesses Nationalistes comme le GUD sont à l’origine de nombreuses agressions ces deux dernières années : très récemment, le GUD a appelé ouvertement à la violence contre les homosexuels (6), et l’un de ses membres a également été condamné pour l’agression grave d’un jeune musulman dans les Yvelines (7).
Plus globalement c’est autour de ces groupes et de leur propagande en ligne, que gravitent et se forment les individus qui attaquent les locaux des associations LGBT, des forces de gauche, les centres de planning familial, les mosquées. C’est aussi sur leurs sites et leurs pages Facebook que sont diffusées des théories meurtrières contre les Juifs et les Roms et des appels au passage à l’acte contre ces populations.
L’après-midi, une troisième manifestation se tiendra à l’appel de CIVITAS, et nul doute que nombre des manifestants du matin iront ensuite grossir les rangs de l’organisation catholique intégriste.
Ces dernières semaines, galvanisée par l’élan violent des manifestations homophobes, cette extrême-droite n’hésite plus, même dans la capitale, à passer à l’attaque physique contre les manifestations ou les militants : le 1er mai, un cortège en hommage à Brahim Bouarram a été attaqué par une quarantaine de néo-fascistes armés (8).
ll ne s’agit pas de « groupuscules » sans importance ou anecdotiques: ces groupes sont parfaitement intégrés et tolérés, aussi bien dans les manifestations homophobes soutenues par l’UMP que dans les défilés du FN ” dédiabolisé” quoi qu’en disent Marine Le Pen ou Frigide Barjot. C’est bien au sein du défilé du FN du 1er mai, au vu et au su de son service de sécurité, qu’ont par exemple été diffusées et collées des affiches comportant l’adresse personnelle de journalistes et d’intellectuels désignés comme les cibles à abattre (9)
Comment comprendre que de tels défilés belliqueux, organisés par des individus et des organisations ayant fait la preuve de leur violence, se voient autorisés ?
Stopper cette agitation haineuse et dangereuse doit constituer une priorité pour un gouvernement se revendiquant du progressisme et affirmant vouloir protéger les minorités mises en cause.
Il n’y a aucun obstacle juridique pour interdire ces manifestations du 12 mai : les précédents violents lors des manifestations d’extrême-droite sont légion, même en prenant uniquement en compte les derniers mois. Le « trouble à l’ordre public » est donc bien constitué sauf si l’on considère que l’attaque de certaines catégories de la population ne provoque pas un trouble conséquent et important.
La démocratie, c’est la protection du droit de chacun à vivre en paix ; elle ne consiste à pas autoriser les appels à la violence contre une partie de la population, même sous couvert de liberté d’expression.
Ça suffit. Nous refusons de vivre dans la peur des violences qui entourent ces défilés de la haine.
Nous exigeons du Ministre de l’Intérieur, et du Préfet de Police qu’ils mettent un terme à cette agitation haineuse permanente et qu’ils prennent les mesures nécessaires pour rendre l’espace public à tous et à toutes.
Nous demandons également à toutes les organisations progressistes et antiracistes et notamment aux plus importantes d’entre elles de prendre la mesure de la gravité de la situation et de se mobiliser pour que ce 12 mai ne soit pas une nouvelle banalisation des parades fascistes.
Memorial 98
Operation Poulpe
(5)http://www.libestrasbourg.fr/actu/2011/02/cinq-skinheads-suspectes-dagressions-en-serie.html
(6)http://yagg.com/2013/04/03/provocation-homophobe-du-gud-linter-lgbt-va-porter-plainte/
(9)http://www.europe1.fr/France/Le-Monde-va-porter-plainte-contre-le-FN-1503797/
Comment relayer cet appel ?
- D’abord, en le faisant parvenir au Préfet de Police de Paris, tel quel, ou en l’accompagnant d’un message individuelcourriel.prefecturepoliceparis@interieur.gouv.fr
- En le doublant d’un envoi au Ministre de l’Intérieur, formulaire de contact ci-dessous ( il suffit de copier-coller le texte de l’appel):http://www.interieur.gouv.fr/Infos-du-site/Nous-contacter/Ecrire-au-ministre-de-l-Interieur
- En l’envoyant au Maire de Paris , formulaire de contact ci-dessous :http://www.paris.fr/contacts/Portal.lut?page_id=5722&document_type_id=12&document_id=10737&portlet_id=12354
- En l’envoyant aux députés socialistes parisiens : pbloche@assemblee-nationale.fr, contact@cambadelis.net, caresche@club-internet.fr,daniele.hoffman-rispal@wanadoo.fr, jmleguen@assemblee-nationale.fr,alepetit@assemblee-nationale.fr, contact@sandrinemazetier.fr,dvaillant@assemblee-nationale.fr,
Vous pouvez également l’envoyer aux associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, de défense des droits de l’homme, afin qu’ils prennent des initiatives contre ces parades d’extrême-droite. Et bien sûr, le diffuser dans vos propres réseaux… ou faire votre propre appel.
Qu’attend le gouvernement pour activer la loi de janvier 1936 qui permet de dissoudre des organisations ?
A. COMPLÉTER LA LOI SUR LES GROUPES DE COMBAT ET LES MILICES PRIVÉES
1. La loi du 10 janvier 1936
La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées a été adoptée dans le contexte très particulier de l’agitation entretenue dans la décennie précédant le dernier conflit mondial par des associations ou groupements de fait communément qualifiés de ligues.
La loi du 10 janvier 1936 a introduit une exception à la liberté d’association résultant de la loi du 1er juillet 1901 en permettant la dissolution administrative de groupements présentant certaines caractéristiques énumérées par l’article 1er. Il s’agit de groupements :
– qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue ;
– ou qui, en dehors des sociétés de préparation au service militaire agréées par le Gouvernement, des sociétés d’éducation physique et de sport, présenteraient, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;
– ou qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine de Gouvernement.
La loi du 10 janvier 1936, pourtant fortement marquée par les circonstances ayant présidé à son adoption, a survécu à ces événements et a même été complétée à plusieurs reprises par la suite. Ainsi, d’autres groupements peuvent aujourd’hui être dissous en application de cette loi. Il s’agit des groupements :
– dont l’activité tendrait à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine (ordonnance du 30 décembre 1944) ;
– ou qui auraient pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration (loi du 5 janvier 1951) ;
– ou qui, soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence (loi du 1er juillet 1972) ;
– ou qui se livreraient, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger (loi du 9 septembre 1986).
La dissolution est prononcée par décret du président de la République rendu en conseil des ministres. Le décret portant dissolution d’une association ou d’un groupement de fait est susceptible d’un recours en annulation porté devant le Conseil d’Etat.
Par ailleurs, deux articles du nouveau code pénal ont un lien direct avec la loi du 10 janvier 1936. L’article 431-15 incrimine le fait de participer au maintien ou à la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application de la loi du 10 janvier 1936. L’article 431-17 incrimine pour sa part le fait d’organiser le maintien ou la reconstitution d’un groupe de combat dissous en application de la même loi.
Un grand nombre de groupements et d’associations ont été dissous en application de la loi du 10 janvier 1936. On peut citer naturellement les ligues des années trente telles que les Croix de feu, mais aussi la ligue communiste (juin 1973), le Service d’action civique (août 1982), l’association ” Ordre nouveau ” (juin 1973), le mouvement corse pour l’autodétermination (janvier 1987), le Comité du Kurdistan (décembre 1993)…
Ainsi, adoptée à la suite d’événements très spécifiques, la loi de 1936 permet aujourd’hui, au pouvoir exécutif, de dissoudre très rapidement des groupements ou associations dangereux.
2. Compléter le dispositif existant
La présente proposition de loi tend pour l’essentiel, dans son article premier, à compléter la loi du 10 janvier 1936 en permettant la dissolution :
– d’une part, de groupements condamnés à plusieurs reprises pour certains crimes et délits et qui constitueraient un trouble à l’ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l’Etat ;
– d’autre part, de groupements dont les dirigeants ont été condamnés à plusieurs reprises pour certains crimes et délits et qui constitueraient un trouble à l’ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l’Etat.
Parmi les condamnations qui, subies par un groupement, permettraient sa dissolution, figurent notamment les condamnations pour homicide et blessures involontaires, abus de faiblesse, mise en danger d’autrui, escroquerie, pratique illégale de la médecine, fraude fiscale, violation du code du travail ou du code de la sécurité sociale…
Comme le précise l’exposé des motifs de la proposition de loi, l’énumération des condamnations s’inspire en fait de la liste des principaux délits commis par les sectes, établie par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale de 19957(*).
La liste des infractions donnant lieu à condamnation des dirigeants d’un groupement et qui peuvent justifier la dissolution de ce groupement est, pour l’essentiel, identique à la précédente mais comporte quelques infractions supplémentaires, en particulier le meurtre, les violences volontaires, les menaces…
Deux éléments cumulatifs devraient donc être réunis pour qu’un groupement puisse être dissous par décret : d’une part plusieurs condamnations du groupement ou de ses dirigeants, d’autre part un trouble à l’ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l’Etat.