Décidément, chaque jour qui passe depuis le début de la révolte populaire en Turquie, rappelle à ceux des soixante-huitards non renégats des souvenirs inoubliables.
On ne peut ressentir, comme le vieux Emmanuel Kant, à la nouvelle de la révolution française, que le même enthousiasme, et faire le constat qu’il y a des lois de l’histoire, et que même si chaque événement est singulier, il se produit à travers des phases qui de mai 68 en France à juin 2013 en Turquie, présente des analogies, du côté des manifestants comme du côté du pouvoir en place.
Pour faire court, en Turquie, tout commence par la contestation très localisée et pacifique des projets du pouvoir pour le parc Gezi au centre d’Istanbul. Comme dans les printemps arabes, ce sont les jeunes qui sont en première ligne. L’aspiration à une vie libre à l’heure des réseaux sociaux est irrépressible..
La répression s’abat, sur les jeunes étudiants, lycéens et habitants du quartier et les écolos locaux, et comme toujours l’intervention brutale de la police mobilise d’autres forces, toujours plus importantes.
La place Taksim est occupée, et c’est déjà la liberté en acte dans un régime oppresseur. Chacun parle à chacun. Cela ne peut que faire boule de neige, et susciter une solidarité toujours plus puissante, une extension à des dizaines de villes, dont les médias français ne parlent jamais, et pour le pouvoir, la répression, parfois létale, puis maîtrisée, grâce aux conseils et aux matériels fournis par la France en particulier: lacrymogènes, canons à eau, bulldozers contre les barricades,etc.
Mais comme toujours, une fois que le peuple s’unit dans toutes ses composantes, jadis adversaires ou ennemies: Turcs kémalistes super-laïques, Kurdes, Alévis, musulmans,chrétiens, athées, ouvriers, paysans, commerçants, fonctionnaires, sportifs des clubs de foot rivaux hier encore, homosexuels, prostituées, artistes, etc, il devient quasiment invincible sauf usage de la force brutale des armes comme en Syrie.
Peu à peu, toutes les revendications de toutes les couches de la population fusionnent vers le seul objectif: Ergogan Istifa! (dégage!).
Aujourd’hui, les syndicats ouvriers sont entrés dans le combat avec une grève générale contre la répression féroce du pouvoir. Chaque nuit, le pouvoir dégage la place Taksim, chaque jour, toujours plus de gens la réoccupent. Et la nuit dernière comme on le voit sur les vidéos live, des barricades se sont élevées ailleurs dans les rues d’Istanbul.
Erdogan, comme de Gaulle en mai 68, d’abord absent et prenant son temps pour retourner au pays, use alternativement du discours en apparence conciliant et de la force. Il essaye de temporiser, de diviser, en vain. Il mobilise maintenant ses partisans, les troupes de l’AKP. Il essaiera tout avant d’user de moyens militaro-policiers plus meurtriers.Les révoltés doivent s’y préparer, en organisant l’auto-défense du mouvement.
Enfin, dernier aspect essentiel, la mobilisation des Turcs de l’étranger, et des peuples solidaires, comme à Strasbourg ou chaque jour se tient un rassemblement: ce soir, lundi 19 h place Kléber.
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