De Annick BENOIST (AFP)
Paris — Une loi interdisant le port du foulard islamique à l’Université serait “pain bénit pour l’extrême droite et les intégristes musulmans”, selon l’historien Jean Baubérot, qui dénonce par ailleurs “l’amalgame volontairement entretenu entre foulard et voile intégral”.
Dans un entretien à l’AFP, ce spécialiste de la sociologie des religions et de la laïcité considère que l’avis de l’ancienne mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration (HCI), favorable à une loi contre les signes et tenues religieuses, émane d'”un petit cercle d’aigris” mécontents d’avoir perdu leurs prérogatives au profit de l’Observatoire national de la Laïcité (ONL).
“On a l’impression”, dit-il, “que ce petit lobby n’a de cesse de vouloir exacerber les tensions, faire monter la pression, énerver les musulmans, bref se fabriquer des adversaires pour mieux pouvoir se poser en héros contre l’intégrisme par la suite”.
“Ce faisant, on fait le lit de l’extrême droite, alors que se profilent des élections, et celui des islamistes intégristes qui deviennent attractifs: ils peuvent entretenir le sentiment de victimisation de musulmans susceptibles de se radicaliser. C’est pain bénit pour eux”, affirme M. Baubérot.
Selon lui, le HCI cherche à jeter une pierre dans le jardin de Jean-Louis Bianco, président du nouvel Observatoire national de la laïcité. “Que ne s’occupe-t-il de la bonne intégration des étrangers, plutôt que de chercher toujours de nouvelles mesures de répression contre eux ?”
“Débat d’idées”
La publication dans le quotidien Le Monde d’un avis de l’ancienne mission laïcité du HCI, favorable à une loi anti-foulard à l’université, contre l’avis même de la Conférence des présidents d’universités” (CPU), a relancé un débat sur le port du foulard à l’université, où il est autorisé.
“J’ai eu pendant 20 ans des responsabilités administratives à l’université”, insiste Jean Baubérot. “Je ne nie pas qu’il puisse y avoir des problèmes, mais les plus importants n’ont jamais été d’ordre religieux. Il en est de bien plus graves. Seuls ceux qui sont incapables de régler des problèmes par le dialogue veulent une loi”.
La loi de 2004 interdit le port des signes religieux ostentatoires dans les collèges et les lycées (foulard, kippa, croix de grande dimension), mais pas à l’université où “le débat d’idées et le climat de liberté sont intrinsèques”, rappelle l’historien. “Le port du foulard n’a jamais interdit une jeune fille de soutenir une très bonne thèse”, souligne-t-il.
En revanche la loi de 2010, mise en application en avril 2011, interdit le port du voile intégral dans les lieux publics. “L’ennui, relève l’historien de la laïcité, c’est que l’amalgame est systématiquement fait entre ce voile intégral qui cache l’identité d’une personne et le foulard qui ne fait que cacher les cheveux, mais permet l’identification”.
Pour illustrer le débat, dans la presse, “vous avez même des dessins qui représentent des femmes en niqab, alors qu’on parle du foulard”.
“Que veut-on ?”, demande M. Baubérot: “Renforcer l’exclusion de femmes qui peuvent s’épanouir à l’université ? Provincialiser l’université française qui n’est pas la mieux classée au monde ? Faire comme si la France était une île et qu’on ne regarde pas ce qui se passe ailleurs?”
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