Les connaissances sur l’islam produites par différents acteurs appellent généralement une action politique pour « résoudre » le « problème musulman ». En ce sens, les conditions de production des connaissances sur l’islam peuvent être déterminées par la « solution » envisagée, et cette « solution » peut varier considérablement en fonction du diagnostic que l’on fait de la réalité sociale. Les mythes propagés par les experts sécuritaires et certains intellectuels médiatiques s’accompagnent souvent d’appels au durcissement de la politique migratoire, à l’expulsion massive, à la déchéance de la nationalité voire, pour certains d’entre eux, à la violence physique contre les musulmans. D’autres intellectuels médiatiques et les néo-orientalistes s’en distinguent en promouvant plutôt une stratégie de « contention », c’est-à-dire visant à circonscrire la « menace islamique » et à endiguer la « montée du communautarisme », notamment au travers de lois prohibitionnistes de la visibilité des pratiques religieuses dans l’espace public.

Ces appels à l’action n’en ont pas moins besoin du soutien d’acteurs politiques ou associatifs pour devenir effectifs. La construction du « problème musulman » doit ainsi beaucoup à l’appui qu’elle rencontre au sein du champ politique et de l’espace des mobilisations, autour de ce que l’on propose d’appeler la cause islamophobe. Celle-ci désigne l’ensemble des mobilisations, partisanes ou non, visant explicitement ou implicitement à appliquer un régime d’exception, c’est-à-dire un régime juridique dérogatoire du droit commun, à l’encontre de l’ensemble ou d’une partie des musulmans, français ou étrangers, en tant que groupe social1 Ce régime d’exception est la conséquence directe et concrète de la construction du « problème musulman » et s’impose au nom de grands principes républicains, notamment celui de la laïcité. Il s’agit ainsi d’analyser les usages politiques de la question musulmane, qui doivent être regardés à l’aune des règles de fonctionnement du champ politique et de l’espace des mobilisations.