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Montagne-Verte Politique.
Coûteuses promesses à la mosquée de quartier

Eric Elkouby, adjoint de quartier de la Montagne-Verte, a rendu service à la mosquée de quartier, lui promettant au passage une rénovation de ses locaux. Une note des services municipaux s’interroge sur sa compétence en la matière et évoque un possible « faux en écritures publiques ».

En promettant monts et merveilles, en pleine campagne législative de 2012, à l’association gestionnaire de la mosquée de quartier de la Montagne-Verte, l’adjoint au maire Eric Elkouby (PS), par ailleurs suppléant du député Armand Jung, s’est peut-être tiré une balle dans le pied.

Une note des services municipaux souligne que l’avenant à la convention d’occupation des locaux signé en 2012 par l’adjoint de quartier au bénéfice de l’Association Culturelle Merveilles de la Montagne-Verte (ACMMV) pourrait constituer un « faux en écritures publiques ». Un crime passible de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (15 ans et 225 000 euros quand il est le fait d’une personne dépositaire de l’autorité publique).

Pour bien saisir l’imbroglio, petit rappel : l’ACMMV se partage entre le quai du Murhof et les anciens locaux « Alto », qu’elle occupe place d’Ostwald depuis la signature d’une convention passée entre elle et la Ville le 27 septembre 2010.

Un avenant signé « dans le plus grand des secrets »
C’est dans ces anciens bâtiments industriels que l’association peut organiser la prière les vendredis et chaque jour du mois de ramadan. Rien de plus. Et encore, à condition de se cantonner au rez-de-chaussée surélevé qui seul répond aux normes de sécurité.

« Le sous-sol du bâtiment est hors convention, parce qu’il n’y a pas d’issue de secours. La convention originale interdit formellement son utilisation. Pas pour brimer l’association, mais parce que c’est potentiellement dangereux », précise une source à la CUS.

L’utilisation de ces locaux, propriété de la Communauté urbaine, est donc très encadrée. Peut-être trop pour l’association, qui se verrait bien plus au large. À moins que l’adjoint en campagne n’ait pensé aux voix des fidèles.

Toujours est-il que les deux parties signent le 21 mai 2012 un avenant, « dans le plus grand des secrets », nous indique notre source à la Ville.

« Le sous-sol et la rampe d’accès [au RDC surélevé] font [désormais] partie des locaux mis à disposition », mentionne l’article 1. La convention, limitée à l’origine à 4 ans, est dorénavant « consentie et acceptée pour une durée indéterminée tous les jours de l’année à compter du 1er juillet 2012 », ajoute l’article 2. Mieux, « le bailleur [la CUS] s’engage à la remise en état du chauffage et de l’isolation thermique. Les travaux se feront en dehors des périodes de fêtes de la religion musulmane ».

Les législatives passent, Armand Jung est élu, avec Eric Elkouby pour suppléant. Après quelques mois, l’association ne voit toujours rien venir. En octobre 2012, après une nouvelle rencontre avec Eric Elkouby, elle rappelle la Ville et le service des Cultes à leurs promesses : le « remplacement de toutes les fenêtres par du double vitrage et la mise en place du chauffage au sol et d’une pompe à chaleur ».

Une première note des services, datée du 24 janvier 2013, rappelle que « ni l’adjoint en compétence, ni les Cultes, qui est service référent, n’ont été associés à [la] réunion ». Ajoutant que la direction de la construction évalue à 200-250 000 euros minimum les travaux et les qualifie au passage de « mauvaise idée ».

Les Cultes suggèrent qu’on avertisse l’association « du caractère irréalisable de l’opération », tout en « confirmant la volonté de la collectivité d’assurer une activité cultuelle dans le quartier ».

L’affaire en reste là jusqu’au printemps 2013. Lorsque les travaux reviennent sur la table à l’occasion d’une nouvelle réunion, rassemblant cette fois Eric Elkouby, les représentants de la mosquée et les Cultes.

L’ACMMV rappelle à Eric Elkouby ses promesses. Les services ne comprennent pas de suite de quoi il s’agit, mais sentent qu’il y a un « loup ». La mosquée produit finalement le fameux avenant.

« Dans l’hypothèse […] d’un faux en écritures publiques »
Les services en sont saisis. La deuxième note, produite le 9 avril, pose les questions qui font mal. « Le signataire pouvait-il valablement engager la collectivité sur une modification des clauses du contrat ? Quelle est sa délégation de signature en la matière ? Dans l’hypothèse où il aurait outrepassé ses droits et compétences et où il y aurait un faux en écritures publiques, il y aurait alors lieu […] d’en donner avis sans délai au procureur de la République. »

Le texte invite en tout cas la collectivité à agir. En matière de sécurité juridique, l’association « n’est pas valablement couverte aux termes de la convention » originelle.

Enfin, la convention ainsi modifiée pourrait coûter cher à la CUS, notamment en travaux.

Le montant des aménagements, revu à la hausse, s’établit « entre 200 000 et 800 000 euros », précise encore la note.

« M. Elkouby a trop promis en pleine législative, pensant que ça passerait inaperçu. Maintenant, le maire est au courant. L’affaire a donné lieu à une explication de gravure musclée entre Elkouby, Bitz, le directeur général des services et Roland Ries. C’est un joli bazar », témoigne notre source à la Ville. Et ce d’autant que « s’il y a bien une réflexion en cours sur l’avenir du bâtiment », il n’y a pour l’heure « ni projet, ni financements ». Mais un vrai pataquès.

par Manuel Plantin, publiée le 01/03/2014 à 05:00