Gabriel Amard, tête de liste Front de Gauche aux élections européennes dans la circonscription Est, a prononcé un discours le 9 mai à Verdun, place de la Nation à 19 heures, en présence de Mélanie Tsagouris, n°2 de la liste FDG dans l’Est et secrétaire fédérale du PCF dans la Meuse et introduit par Pierre Hanegreefs (PG).
Ce discours intitulé “Un 9 mai pour la pour la paix, pour dire non à l’Europe des guerres américaines” a une portée hautement symbolique.
2014 est le centenaire de la Première guerre mondiale, et Verdun un haut lieu de la guerre. Gabriel Amard commémora donc le centenaire, conscient cependant que le début du conflit fut à l’été 1914.
Le 9 mai est la journée de l’Europe. Ce fut l’occasion pour le candidat de prendre le contrepied des affirmations selon lesquelles “l’Europe, c’est la paix”, en témoignent les discours bellicistes de ses dirigeants, la situation en Ukraine, et l’inféodation de la diplomatie et de la défense européennes aux buts de guerre étasunien via l’OTAN.
Discours de Verdun
Place de la Nation
Gabriel Amard, 9 mai 2014
Mesdames et Messieurs, Monsieur le Conseiller général,
Cher-e-s camarades, militants, dirigeants de parti, citoyennes, citoyens,
Cent ans quasiment après le déclenchement d’une guerre qui mobilisa nos ancêtres l’été 1914,
Je m’adresse aux morts pour parler aux vivants.
Je m’adresse aux dix millions d’hommes qui sont morts pour cette guerre qui devait être la “Der des Der”.
Vous vous appeliez Marius, Abdel, François, Antoine, Jean, Mustafa, Claude …
Vous étiez beaux, de toutes les couleurs du monde, vous veniez de toutes parts, vous parliez toutes les langues.
Vous étiez portés par votre propre idée de la France.
Je m’adresse à vous, combattants sans savoir pourquoi, et à vous qui vous êtes entretués sans en connaître la raison.
Je m’adresse à vous qui avez vu monter le fascisme et le nazisme en Europe, vous qui avez défendu les valeurs la République, je m’adresse à vous qui avez donné votre vie pour défendre la paix, en Espagne, en Italie, en France et ailleurs.
Et à vous qui avez cru, comme moi, en l’Europe de la paix,
Je m’adresse à vous, Européens, de toutes les opinions politiques, philosophiques et religieuses, de tout âge, alors que la guerre est à nos portes, et que demain l’Europe peut s’embraser à nouveau.
Quel autre lieu que Verdun, Capitale mondiale de la Paix,
pour se souvenir et en appeler à la fraternité. Ici, Français et Allemands, vous vous êtes battus pour un « bout de colline » disiez-vous. Ici, vous êtes 715 000 hommes à être morts pour votre pays. Chacun de vous avait raison et chacun avait tort. Sachez que nous n’oublierons jamais la folie des hommes. Nous n’oublierons jamais ces nationalismes qui ont gangréné l’Europe et qui semblent vouloir revenir aujourd’hui.
« Plus Jamais ça », disiez-vous, lorsque vous êtes sortis des tranchées, lorsque vous avez quitté l’enfer de Verdun. Vous n’aviez que ces mots à la bouche. Vous avez saisi, dans votre intimité blessée et dans vos corps cassés, l’absurdité d’un conflit qui n’était pas le vôtre.
Et pourtant, c’étaient vous qui vous élanciez des tranchées pour courir dans le chaos et dans un véritable cimetière à ciel ouvert. Et pourtant, c’étaient vous qui viviez dans la boue, sous une pluie d’obus et le sifflet des balles. C’étaient vous qui tiriez, qui tuiez, et qui creviez seuls, sans être secourus.
Le poète Paul Valéry disait « La guerre c’est le massacre des gens qui ne se connaissent pas au profit des gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas ! ». La guerre c’est donc l’affaire des des lâches profiteurs, qui envoient les plus faibles se battre pour eux, afin d’en tirer un avantage.
Nous vous rendons hommage, à vous les héros de 14-18. Vous avez vécu l’enfer, mais vous avez fait les hommes que nous sommes aujourd’hui. Nous vous honorons car vous êtes les victimes d’une terrible histoire, qui vous était étrangère. Il faut partout vous célébrer pour que le temps n’efface par votre sacrifice.
Chers citoyennes et citoyens,
Cent ans sont passés.
La plaie est refermée, mais la cicatrice est visible, pour nous descendants des poilus.
Nous n’oublions pas les douleurs, nous n’oublions pas le froid, ni les poux, ni la grippe espagnole qui ravagea les plus robustes d’entre nous. Nous n’oublions pas les morts, les blessés, ni les gueules cassées. Nous n’oublions pas les fusillés, ni les mutins de 1917, ceux qui criaient NON à la guerre. Nous n’oublions pas ceux qui se sont battus pour la France, ceux qui ont donné leur vie pour la République.
Nous sommes ce que nous sommes grâce à eux. Ils ont des droits sur nous : un devoir de mémoire nous incombe.
Si des jours rassemblent les peuples pour commémorer ensemble l’horreur de la guerre et de la Barbarie comme hier, nous sommes trop nombreux à ne pas respecter leur mémoire.
Nous sommes trop nombreux à oublier à qui nous devons la paix en Europe, alors que celle-ci vacille déjà.
Un nouvel élan de paix doit nous animer, à l’heure où la guerre refait surface aux confins de l’Europe, en Ukraine.
Mais pour cela, n’oublions pas.
N’oublions pas, pourquoi ont-ils tué Jaurès
Le fervent républicain, père du socialisme en France, l’étoile qui nous guide, était un grand partisan de la paix.
Il vit très tôt les dangers de la politique coloniale. Il perçut très tôt la montée des nationalismes. Il comprit bien avant les autres le risque d’une « guerre universelle », comme il le disait, qui allait ravager l’Europe.
Il connaissait bien le jeu des alliances et des accords secrets, et sut que le conflit dans les Balkans allait précipiter tout le continent dans le massacre.
Il en avertit, dans les colonnes du journal L’Humanité, ses camarades en France et en Allemagne. Il œuvra toute la fin de sa vie pour une diplomatie de l’Internationale socialiste résolument pacifiste, contre la diplomatie des chancelleries, qui voulaient se partager les territoires, dans une guerre économique sans pareille.
« Aujourd’hui, la paix de l’Europe est nécessaire au progrès humain : et la paix, la paix assurée, la paix durable, la paix confiante entre l’Allemagne et la France, est nécessaire à la paix en Europe. », écrit-il.
Jean Jaurès parcourra l’Europe pour s’adresser aux peuples, pour s’adresser au prolétariat afin qu’ils résistent au chauvinisme de leurs dirigeants, montrant que la guerre allait contre les intérêts de la classe ouvrière.
Adulé par les uns, détesté par les autres, il redoutait par-dessus tout cette violence fratricide, qui signa selon Paul Valéry le déclin de la civilisation européenne.
Menacé, en danger de mort, il continua jusqu’à la veille de la guerre, à dénoncer les ambitions bellicistes.
Il voyait dans la guerre la perpétuation de la lutte économique que se faisaient les nations. Il voyait dans la guerre, la victoire de l’expansion capitaliste, qui allait se partager de nouveaux territoires, de nouveaux débouchés, de nouveaux marchés à conquérir.
Jaurès voulait la paix, et il fut tué pour cela. Il fut tué parce qu’il disait la vérité avant les autres.
Cent ans plus tard, les mêmes maux menacent notre continent.
Impérialismes et capitalismes se mêlent pour étendre leurs territoires.
L’Union européenne, sans diplomatie véritable, est inféodée aux États-Unis et à l’OTAN. Dans sa servitude volontaire, elle acquiesce à tous les buts de guerre américains. La fin de la Guerre froide n’a fait qu’accentuer cette tendance néfaste à être le supplétif du gendarme du monde.
La puissance nord-américaine tient presque le monde entier sous sa coupe en déployant une puissance militaire sans égale. Les États-Unis, véritable empire moderne, mènent une guerre économique et militaire contre ceux qui font obstacle à leurs intérêts ou à leurs volontés.
Guerroyant au Moyen-Orient, la superpuissance s’assure son approvisionnement en hydrocarbures, et se lie d’amitiés avec les pétromonarchies.
Ne sachant tourner la page de la guerre froide, elle encercle la Russie et place dans la dépendance économique ou militaire les pays de l’ex-URSS. De fait, les États-Unis s’assurent des alliés en Europe de l’Est et en Asie centrale pour se fournir en gaz et en pétrole, auprès de régimes qui n’ont rien à envier aux anciennes dictatures. Alors même que l’urgence écologique nous assigne de sortir des énergies carbonées.
Très souvent, elle finance des organisations politiques et sociales, qui se parent d’idéologie démocratique et libérale, et elle assure leur avènement au pouvoir, par des révolutions qui ont trop souvent l’air de coups d’État. Ces mêmes partis organisent le démantèlement des services publics et sociaux par une thérapie de choc qui profite à une oligarchie, à laquelle ils appartiennent.
Tandis qu’ils prônent la démocratie et les droits de l’Homme, les États-Unis n’hésitent nullement à s’allier avec les plus corrompus des hommes ou les partis qui défendent les théories les plus abjectes.
L’Union européenne est le nouveau terrain de jeu de la superpuissance. C’est aujourd’hui l’Ukraine qui fait l’objet d’une nouvelle expérimentation politique.
La folie des impérialismes est en marche.
Quatre acteurs sont sur scène.
Par ordre d’importance, le premier des protagonistes est les États-Unis. Ils veulent affaiblir la Russie en coupant le lien historique qu’elle entretient avec l’Ukraine, en la faisant adhérer à l’OTAN.
Ensuite, vient la Russie, extrêmement affaiblie dans les années 1990, mais également humiliée sur la scène internationale. Poutine et le peuple russe veulent retrouver leur grandeur passée. Dans une stratégie de légitimation et d’affermissement de son pouvoir, le président russe tient un discours toujours plus nationaliste et mène des guerres éclairs contre des pays de sa sphère d’influence.
En troisième, intervient l’Union européenne, antre des néolibéraux et caniche des États-Unis. L’UE souhaite élargir son marché économique, étendre la concurrence libre et non faussée et amplifier les conditions du dumping social et fiscal en Europe, en intégrant toujours plus les pays de l’Est sans agir suffisamment pour combler les inégalités de richesse. Pays où le coût du travail est faible, avec des États peu structurés, où la corruption est endémique, où les peuples slaves sont de véritables cobayes des expérimentations néolibérales et des cures d’austérité. Contre leur gré, ils font concurrence aux peuples de l’Ouest de l’Europe. Ici, nos gouvernements s’alignent pour devenir “compétitifs”, bradent et détruisent nos services publics, notre Sécurité sociale, notre droit du travail.
Enfin, évidemment il y a l’Ukraine, victime de cette guerre économique, de cette guerre des impérialismes. D’une révolte populaire et légitime contre la corruption, contre les oligarques, les deux impérialismes ont ourdi leurs armes. L’Europe souhaitait conclure un partenariat avec l’Ukraine sur le plan économique, préalable à l’adhésion dans l’Union. Épaulée par les États-Unis, elle a favorisé l’émergence d’une révolution, dont le parti d’opposition a pris la tête, et a mis au pouvoir un gouvernement qui allie des libéraux et des nazis.
Poutine a alors occupé la Crimée. Profitant du soutien de la population, il a organisé dans la précipitation un référendum portant sur le rattachement de la Crimée à son pays.
Dans l’Est de l’Ukraine, les opposants russophones au nouveau pouvoir se révoltent également. Ils ont commencé par occuper des institutions locales. La Russie a placé ses troupes à la frontière. Si elle vient de les retirer, il ne faut pourtant pas se réjouir trop vite, le risque de guerre demeure. D’autant que le nouveau pouvoir a envoyé l’armée : 41 morts à Odessa la semaine dernière.
L’Ukraine est maintenant en proie à la guerre civile. Nous risquons la catastrophe dans ce conflit.
C’est l’escalade. Des navires de guerre français naviguent déjà aux côtés de vaisseaux américains en Mer noire.
Mes amis et citoyens,
La mission de la France a toujours été de porter la responsabilité de l’élévation du genre humain.
Cet universalisme français, nous y avons donné naissance, le 26 août 1789, lorsque nos représentants ont adopté la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et ont ainsi refondé l’idée de souveraineté sur celle d’universalité.
Dès lors, la France s’est donnée pour but de faire triompher partout ces principes. Les femmes et les hommes sont nés et demeurent libres et égaux en droit, quel que soit leur passé, quel que soit leur avenir.
L’Europe qui devait reprendre le flambeau de cette mission superbe ne l’a pas fait. Elle a préféré garantir les intérêts privés que d’œuvrer pour l’intérêt général humain. Partout, elle crée les conditions de la guerre économique pour accroître l’extension de son marché.
L’Europe qui devait souder les peuples ne fait que les éloigner, elle les monte les uns contre les autres en jouant le jeu de la terrible compétition mondiale. La haine de l’allemand, la haine du grec, de l’espagnol du français, des étrangers, mais aussi la haine du chômeur comme du malade, la haine du musulman ou du juif renaissent partout et viennent salir la mémoire de nos héros.
Partout notre Europe se corrompt lorsqu’elle se détourne de l’intérêt humain. Partout elle s’avilit lorsqu’elle ne défend que la rente et les intérêts financiers. Les tragiques évènements d’Odessa sont le marqueur des ravages de la guerre économique menée par l’Europe et les États-Unis. Quel est l’intérêt des peuples européens à une telle course à la guerre ? Quel est l’intérêt des peuples européens à l’appauvrissement programmé de l’Ukraine en échange de quelques aides du Font Monétaire International.
Le président Hollande suivrait-il la folie américaine dans une guerre contre la Russie? S’il le faisait, ce serait un choix dramatique. La France n’a pas vocation à être le gendarme du monde, elle doit être la Nation parmi les nations pour garantir l’indépendance et la souveraineté des peuples, fusse-t-elle la dernière à le faire.
En ces temps incertains, souvenons-nous de Jaurès, lui qui aimait profondément son pays, la France, mais qui a toujours refusé la guerre. Souvenons-nous de ces paroles qui résonnent encore aujourd’hui :
« Tandis que tous les peuples et tous les gouvernements veulent la paix, malgré tous les congrès de la philanthropie internationale, la guerre peut naître toujours d’un hasard toujours possible… Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme une nuée dormante porte l’orage.
Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples, c’est abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie — qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille — un régime de concorde sociale et d’unité ».
Quel visionnaire, cette lucidité de Jaurès est aujourd’hui notre outil, notre lumière pour que Vive la Paix, la France et la République universelle.
Je vous remercie
Aucun commentaire jusqu'à présent.