Après l’annonce par le Maire d’Orléans de la mise en place d’un adjoint chargé de la lutte contre l’immigration clandestine, c’est au tour du Président du Conseil Général, lui aussi à l’UMP, d’apporter sa pierre à la xénophobie distillée par certains élus du Loiret, en s’en prenant aux mineurs isolés étrangers dans un arrêté du 7 avril 2014.
Rêvant sans doute tous deux d’être un jour Président de la République, ils s’en attribuent à leur façon certaines missions régaliennes dans leur petit territoire réciproque. Leur mandat de député pour l’un, de sénateur pour l’autre, ne sont décidément plus à la hauteur de leurs ambitions. En attendant de s’installer à l’Elysée, ils se voient bien, l’un Président de la République Orléanaise, l’autre de la République Loirétaine. Ayant parfaitement compris que la xénophobie, ce vieux réflexe de la peur de l’autre, peur de la différence, pouvait payer sur le plan électoral, aiguillonnés par les discours du Front National, nos deux compères font dans la surenchère sur les questions de l’immigration. Il n’y a qu’une place à l’Elysée !
Passant du discours aux actes, le Maire d’Orléans s’attaque directement aux familles qu’elles soient françaises ou étrangères résidant légalement en France dans la bonne ville d’Orléans, leur rendant à toutes de plus en plus difficile l’obtention du certificat d’accueil exigé pour la visite d’un parent. Il en est de même pour les mariages entre ou avec étrangers. Pour un des tenants de la défense de la famille, largement inspirés par les discours religieux traditionalistes, cette punition arbitraire infligée aux ressortissants étrangers habitants cette ville est difficilement compréhensible. Peut-être un moyen d’imposer aux étrangers de vivre à la place qui leur est due, la banlieue. Le centre ville étant réservé à la noblesse de souche ?
Même le Préfet de Région est intervenu, par un recours gracieux, pour demander au conseil municipal et à son maire de revoir l’intitulé des missions de cet adjoint, véritable ministre de l’intérieur municipal.
La décision du Président du Conseil Général est encore plus grave. Se parant des atours de la solidarité et de l’éthique, l’encore Président de la République Loirétaine vient de prendre une décision terrible quant au sens et aux conséquences pour les jeunes étrangers vivant dans notre département.
Ce décret inique comporte deux chapitres. Il soumet la prise en charge des mineurs isolés étrangers à deux obligations cumulatives.
La première : il faut une place dans un centre d’accueil adapté une fois l’ensemble des placements en attente mise en œuvre.
L’ensemble des placements en attente concernent des jeunes français. N’ayant nullement l’intention d’ouvrir de nouvelles places, le Président rejette à l’avance toute prise en charge sociale des mineurs isolés étrangers.
Il les condamne, aux mépris des lois de protection de la jeunesse, à vivre à la rue. A moins qu’il n’invente bientôt une obligation de reconduite aux frontières du Loiret. Le jeune pourrait peut-être être expulsé vers le Loir-et-Cher, ou pire encore vers l’Eure-et-Loir ? Peut être rêve-t-il de charters vers le 93 ? Ou à la création de bantoustans ?
Il est vrai que dans leur pays d’origine, c’est à cette situation de vie que ces jeunes ont été confrontés. Soumis à la guerre, au terrorisme, à la misère sociale, aux véritables trafiquants d’esclaves que sont les passeurs et les profiteurs gérant les filières, le Loiret, ne leur offre plus rien. Seuls les touristes argentés sont désormais bienvenus dans ce département.
Cette situation en rappelle une autre, l’accueil fait aux réfugiés espagnols, fuyant la guerre civile et le franquisme à la fin des années trente, dans les différents départements de notre région. Cette espèce de bienséance et d’hypocrisie nauséabonde de la bourgeoisie et des notables de province.
Rappelons-nous les centres d’accueil ou d’hébergement qui pour trop d’entre eux annonçaient les camps qui fleuriront quelques années plus tard à travers toute l’Europe. Rappelons-nous les préfets de l’époque, négociant, place par place, l’hébergement avec les maires les plus réceptifs à la cause des républicains espagnols ou simplement sensibles à la détresse humaine de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes cassés par ce qu’ils venaient de vivre de l’autre côté des Pyrénées. Rappelons-nous ces familles éclatées et leur état sanitaire. Rappelons-nous la recherche désespérée de places dans les hôpitaux pour accueillir les plus touchés. Rappelons-nous la réticence des différents gouvernements de l’époque, de gauche comme de droite, cherchant par tous les moyens à renvoyer de l’autre côté de la frontière celles et ceux qui risquaient d’être une charge pour la collectivité nationale, infirmes, malades, enfants… Rappelons-nous les exigences de nombreux maires des communes d’accueil du Loiret marchandant financièrement, avec les services de l’Etat, la moindre place d’accueil. Rappelons-nous les arguments sur le chômage qui sévissait déjà, la soi-disante concurrence avec les travailleurs français. Rappelons-nous la volte-face gouvernementale lorsque notre pays s’approchant de la seconde guerre mondiale, du jour au lendemain, le besoin de main d’oeuvre est devenu prioritaire, autorisant les réfugiés à travailler pour préparer à l’effort de guerre dans les usines et les campagnes.
Tout en proclamant un soutien sans faille à la République espagnole, aux droits de l’homme et à la solidarité humaine tout a été fait pour se débarrasser le plus rapidement possible de ce fardeau humain dérangeant.
Notre petit Daladier Loirétain d’aujourd’hui fait de même. A son niveau. Rase-motte de la politique. Proclamant l’engagement du département du Loiret dans la solidarité et l’éthique, invoquant tour à tour, l’état des finances départementales et le manque d’aide financière du gouvernement, puis au Sénat allant toujours dans le sens des restrictions budgétaires, estimant que le gouvernement actuel ne serre pas assez la vis ! Enfin se trouvant pris à son propre piège si la réforme du mille feuille administratif s’applique rapidement, voué à disparaitre avec armes et démagogie dans le néant politique.
La deuxième, ahurissante : il faut, au mineur étranger, un certificat des services de l’Etat prouvant qu’il ou elle n’est pas atteint par le virus Ebola !
Cette deuxième condition montre une évidence. Le Président du Conseil Général du Loiret n’est pas très au fait des questions médicales et des maladies tropicales. Ce n’est pas une faute en soi. Peut être que les élus médecins dudit conseil auraient pu le… conseiller.
Car une personne touchée par le virus Ebola tombe généralement et rapidement… malade. Et même arrive à en mourir ! Cette fièvre hémorragique est foudroyante. Ce virus sévit en Afrique tropicale et équatoriale essentiellement. Etant donné le temps que mettent les migrants de ces régions à passer les multiples obstacles pour arriver en France, la plupart d’entre eux seraient décédés en route. Pour les survivants, les contrôles sanitaires aux frontières sont un filtre supplémentaire et on voit mal un médecin dans un aéroport laisser repartir dans la nature une personne contaminée. Enfin si par miracle, une personne infectée traverse le dispositif sanitaire, les services de l’Etat évoqués par le Président Loirétain, en clair l’hôpital, prendra en charge dans un service ultra-spécialisé la personne contaminée pour la soigner et non pour l’expulser dans le Cher, dans l’Indre ou ailleurs !
Au final devant la pauvreté de l’argument médical, on ne peut que s’interroger. Le virus Ebola ne sévit pas en Russie bien qu’il y ait eu deux morts dans ce pays de la fièvre Ebola (du personnel de laboratoire de recherches accidentellement contaminé). Pas plus d’Ebola au Pakistan, qu’au Viet Nam ou au Qatar !
Cette mesure est donc discriminatoire. Elle s’adresse tout particulièrement à la population d’Afrique noire. Et là on touche le fond. On en est plus à la xénophobie ordinaire, rampante. Tel un maquignon sur un champ de foire, le président du Conseil Général trie les jeunes mineurs isolés. Et apparemment il se méfie particulièrement de certaines origines tout en excluant systématiquement chaque jeune étranger qui se présente aux portes de l’hôtel du département, d’où qu’il vienne. Il flirte avec le racisme. Et l’assume car nous ne l’avons pas entendu exiger des touristes français ou des hommes d’affaires qui reviennent de zones à risque, un certificat de non-contamination lors du passage de la frontière du Loiret à Château Gaillard ou à la gare Des Aubrais.
Il faut en sortir et en urgence.
Il y va de l’intérêt des mineurs isolés et des jeunes majeurs (entre 18 et 21 ans) eux aussi condamnés à la misère et à l’abandon pour cause de restrictions budgétaires. Des foyers risquent de fermer, les travailleurs sociaux perdant leurs emplois.
Les associations appellent à des rassemblements de soutien aux jeunes exclus de l’aide sociale dans le Loiret. Le 10 mai à 15h, le Collectif Jeunes Majeurs et le Collectif de Soutien aux Mineurs Etrangers Isolés appellent à un rassemblement devant le foyer de la rue des Murlins à Orléans. Cette mobilisation doit s’amplifier et permettre de rappeler que l’engrenage terrible dans lequel certains élus ont mis la main risque d’entrainer notre pays et l’Europe bien loin des droits de l’homme et de la femme, dans un monde d’exclusion et de retour du racisme d’Etat. Certains d’entre nous sont revenus d’entre les morts. Leur seul témoignage ne suffit plus à arrêter la machine de la haine. Seul le tous ensemble pour la liberté, le respect de l’autre, quel qu’il soit, et la solidarité permettront d’en sortir la tête haute. Il y a urgence.
Pour SUD CHRO, SUD Santé Sociaux et RESF45,
Jean Carré,
fils de Georges Carré, ancien résistant et président du comité de libération du Loiret en 1944, ayant participé, en tant que directeur de l’hôpital d’Orléans, à l’accueil des malades et des blessés républicains espagnols.
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