Les médias sont facilement obséquieux avec les gens qu’ils interviewent, sans les interrompre , surtout quand ces gens sont en haut de la “hiérarchie” ou de l’échelle sociale, mais ils retrouvent leur verve critique et leurs piques agressives, perdant toute objectivité dans l’information, quand il s’agit de ceux d’en bas.

Ainsi de ce compte rendu d’une conférence de presse de la liste NPA en Alsace , paru le 21 février. Quoiqu’on pense de cette liste, de son positionnement ou de sa tactique, variable selon les régions, – ce qui n’est pas dit-, on ne peut que relever le traitement spécial qu’elle subit de la part de Claude Keiflin, dans les DNA, pour qui il n’y a de politique qu’institutionnelle, et de préférence, quand on est déjà élu.

Le sous-titre choisi, déjà, avant toute information du lecteur, est un jugement, une opinion, conforme à un cliché répandu depuis que le facteur Besancenot n’est plus le chouchou de la presse, c’est à dire, depuis qu’il a été décidé, dans telle ou telle officine gouvernementale, de modifier son image si sympathique dans un premier temps, image elle-même préfabriquée par les mêmes.

Sous “Le vote de la colère“, on lit donc

“Tout changer, rien lâcher, c’est le titre du programme du NPA qui a présenté hier à Strasbourg sa liste régionale. Le parti d’Olivier Besancenot ne souhaite toutefois pas se salir les mains à gouverner avec d’autres, même de gauche.”

On peut relever au moins trois éléments qui sont la preuve d’un parti pris du journaliste:

  • D’abord Keiflin souligne que la “colère” est dirigée contre les “questions des journalistes qui déplaisent“! On n’était pas à la conférence de presse, mais on a déjà eu l’occasion de voir des journalistes poser des questions sans grand rapport avec l’objet de la rencontre. Quand on voit l’hystérie médiatique entièrement fabriquée au sujet d’une candidate coiffée d’un foulard, à Avignon, alors que le programme qu’elle défend est rigoureusement le même que celui de tous-tes ses colistiers, on comprend de quoi il retourne. Mais gare aux candidats qui ne s’inclinent pas devant le quatrième pouvoir! Ils sont de suite accusés d’attenter à la liberté de la presse. Selon ce “commandement”, on n’aurait donc pas le droit de contester la pertinence des questions des médias. Bayrou en sait quelque chose qui rompt des lances avec eux.
  • Après avoir cité quelques éléments du programme de la liste NPA, Keiflin poursuit: ” C’est pourquoi, malgré les scores microscopiques promis par les sondages...”Le journaliste sérieux et celui qui croit aux sondages. Pourquoi organiser des élections alors? C’est cher, ça n’intéresse, paraît-il, personne, et de toute façon, les élus font ce qu’ils veulent, un fois dans la place. Attention, Keiflin, ton boulot est menacé s’il n’y a plus d’élections! Plus sérieusement, n’y-a-t-il pas là, une tentative grossière de dire au citoyen d ne pas perd sa voix,mais cela peut se retourner, si les électeurs-trices souhaitent sortir le NPA de ses score assurés “microscopiques“, dont on a l’impression qu’il s’agit, comme dirait Freud, de l’expression d’un désir journalistique, à moins que ce ne soit une tentative de prédiction auto-réalisatrice? Les urnes trancheront, si on peut dire.
  • Enfin, c’était inévitable, tant les médias sont moutonniers, Claude Keiflin, probablement loin d’être un partisan du foulard dit islamique, ne pouvait manquer de faire semblant de s’étonner qu’il n’y ait pas de Ilham Moussaïd, en Alsace (c’est bien dommage, d’ailleurs…). Pour parodier un ministre raciste, quand il y en a une, c’est la curée, quand il n’y en pas, les journalistes s’étonnent. En Alsace, dit Keiflin, qui a scruté les bobines, avec méticulosité, “...le NPA n’a pas sur sa liste de femme portant le foulard.” Déçu? Pendant qu’on y est, il aurait pu demander combien d’unijambistes, de juifs séfarades, de myopes ou de lecteurs des DNA! Pas de chance pour les DNA, la tête de liste est un ouvrier de Peugeot-Mulhouse, genre ex Lutte Ouvrière, passé au NPA, donc connu pour être peu accueillant avec les femmes musulmanes portant des signes dits ostensibles. D’alleurs, si Keiflin était vraiment observateur, il aurait pu s’étonner que de nombreux ex de la LCR, pourtant au NPA, ne figurent pas sur cette liste…

On invite le lecteur de la Feuille de chou et des DNA réuni à surveiller les prochains comptes-rendus des listes, pour voir comment le Journal traite les “grandes et les “petites”. A moins que Claude Keiflin ne lise les lignes ci-dessus et modifie son regard partisan. C’est tout le mal qu’on lui souhaite en toute “confraternité!

P.S.

On attend toujours que les DNA informent, comme leur concurrent, L’Alsace, leurs lecteurs à propos du jeune Tunisien Baligh KAIS, transféré du CRA de Geisposheim à celui de Metz, sous prétexte qu’il aurait eu une mauvaise influence sur ses co-retenus en grève de la faim…

« Le vote de la colère »

« Tout changer, rien lâcher », c’est le titre du programme du NPA qui a présenté hier à Strasbourg sa liste régionale. Le parti d’Olivier Besancenot ne souhaite toutefois pas se salir les mains à gouverner avec d’autres, même de gauche.

Yvan Zimmermann, 38 ans, tête de liste régionale, ouvrier chez Peugeot Mulhouse, cultive une certaine propension à se mettre en colère. Il a utilisé hier cette faculté à plusieurs reprises, comme réponse aux questions des journalistes qui déplaisent. C’est logique puisque le NPA veut récolter le 14 mars le « vote de la colère » qu’il dirigera contre tous les capitalistes et ceux qui les soutiennent. « Je lance un appel à la résistance sociale et politique face à toutes les attaques dont sont victimes les licenciés, les salariés, les chômeurs en fin de droit, les retraités qui vont, eux, subir une attaque d’envergure ».

Gratuité des transports régionaux

Yvan Zimmermann compare « le gars de 60 ans » qui dans son usine « court après les voitures et n’arrive plus à suivre les cadences de travail » à ceux qui engrangent « des milliards de bénéfices ». « Il y a des choses qu’on ne peut plus supporter », dit celui qui se veut le « porte-parole des gens qui souffrent et qui subissent le capitalisme. Il faut que ce soit la population elle-même qui décide de son sort ». Le NPA ne compte cependant pas sur la gauche pour « tout changer ». Dans son programme, il établit le bilan des régions socialistes : « Six ans d’accompagnement de la politique de la droite et du patronat ».
C’est pourquoi, malgré les scores microscopiques promis par les sondages, le NPA n’a pas voulu faire alliance avec le Front de gauche : « La seule chose qu’ils nous proposent, c’est une nouvelle gauche plurielle. On a vu ce que ça a donné avec Jospin ». Quant à LO, « on leur a proposé une rencontre, ils ne nous ont même pas répondu ».
Le NPA a dans ses propositions la gratuité des transports collectifs régionaux, la lutte contre le racisme et pour l’égalité des droits entre hommes et femmes, l’interdiction des licenciements, des mesures radicales contre le profit capitaliste, plus d’argent pour le logement social. « Dans le Bas-Rhin, il y a 8 500 dossiers en instance de gens qui n’arrivent plus à payer leur loyer », dit Marcel Wolff, tête de liste régionale 67.
En Alsace, le NPA n’a pas sur sa liste de femme portant le foulard. Mais Yvan Zimmermann s’énerve contre cette « polémique écoeurante. Nous, quand on parle du droit de vote des immigrés, on nous accuse d’agiter le chiffon rouge. Eux, ils agitent la chemise brune », dit-il en visant particulièrement le gouvernement et le débat sur l’identité nationale.

C. K.

Édition du Dim 21 fév. 2010