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M. Le Pen, votre seigneur Ebola peut aller se recoucher, il ne m’aura pas

Le 25 mai sera-t-il une belle journée ? J’en étais convaincue jusqu’à il y a quelques heures. J’attends toujours le 25 mai avec impatience. C’est mon anniversaire. Cette année, je vais avoir 35 ans. Un miracle. Parce que je suis une survivante, je suis rescapée du génocide des Tutsis du Rwanda. Mais pas seulement. Je suis aussi une mère, et ce 25 mai, c’est aussi la fête des mères et j’ai hâte de découvrir les dessins que mes enfants me préparent en secret depuis quelques jours. Ça aussi, c’est un miracle, un bonheur inespéré. Mais depuis quelques heures, mon cœur n’est plus vraiment à la fête. Une phrase tourne dans ma tête encore et encore… «Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois…»

Ces mots que je lis et relis dans le journal ont été prononcés par le candidat du Front national M. Jean-Marie Le Pen, en campagne à Marseille pour les élections européennes du 25 mai… à propos de l’immigration. Eh bien, Monsieur Le Pen, je vais vous dire une chose : le pire Ebola qui ait jamais frappé l’homme, c’est bien celui qui sort de votre bouche. C’est la haine. Au Rwanda, le pays où je suis née, il a fait un million de morts en trois mois. Comme quoi, vous voyez que votre Dieu ne vous trompe pas, il peut être efficace.

Eh oui, Monsieur Le Pen, vous avez raison, votre seigneur Ebola est très dangereux, il peut faire beaucoup de mal si on le laisse prendre le pouvoir. Je me souviens qu’un jour, quand j’étais enfant, j’ai accompagné ma mère voter. Je ne sais plus de quelles élections il s’agissait. Mais quelle importance puisque, sous la surveillance de votre seigneur Ebola, les citoyens étaient appelés devant des militaires armés à choisir entre un billet noir ou un billet vert, qui allait reconduire au pouvoir un parti qui n’avait d’autres programmes que de chasser «les étrangers», les Tutsis, à qui étaient imputés tous les malheurs du pays, pour qu’enfin les «vrais autochtones» les Hutus, puissent accéder au bonheur. Bref, le papier vert a gagné. Et à votre seigneur Ebola, il lui a fallu trois mois pour régler ça.

Vous avez raison, Monsieur Le Pen il n’est jamais trop tard, jamais trop tard pour dire non à la haine. Alors moi, le 25 mai, jour de mon anniversaire, je vais aller voter. Je vais aller barrer la route à la haine. Parce que, Monsieur, que cela vous plaise ou non, je suis française. Je suis ici chez moi. Et mon chez-moi, ma France, contrairement à vous, je ne la prends pas pour acquise. Lorsque rendue orpheline par votre Ebola, je n’ai plus eu nulle part où aller et plus de mère pour prendre soin de moi, la France m’a accueillie. Elle a fait de moi son enfant. J’étais sale, j’étais seule, j’étais meurtrie, et pourtant elle m’a acceptée. Elle m’a ouvert ses bras et m’a offert sa protection. Elle m’a nourrie, elle m’a éduquée, elle m’a soignée. Elle est désormais ma terre, ma terre mère, et cela, je crois que ni vous ni personne ne peut rien y changer. Chaque jour depuis vingt ans, je lui suis reconnaissante, parce que je sais que jamais plus je ne serais apatride, que jamais plus personne ne pourra atteindre à ma vie parce qu’il se croit plus chez lui que moi.

Monsieur Le Pen, je suis noire comme le chocolat, je suis arrivée immigrée dans cette belle France, mais immigrée je ne le suis plus. Je suis française, je suis européenne, et j’en suis fière.

Votre seigneur Ebola peut aller se recoucher, il ne m’aura pas. Je vais aller voter dimanche avec encore plus de conviction que ma France ne devrait pas être représentée par des fervents du seigneur Ebola. Ebola tue, et de la pire façon qu’il soit. Il vous vide de votre sang dans des souffrances atroces. Merci Monsieur Le Pen, de votre sincérité. Que ceux qui n’avaient pas encore compris la foi qui vous anime soient enfin éclairés.

Annick KAYITESI-JOZAN Ecrivaine

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