Bird people, la leçon du moineau
Bird people, de Pascale Ferran, commence comme Der Himmel über Berlin (les Ailes du désir) de Wim Wenders,. Après des plans de ville-ruche où les humains courent comme des fourmis vers on ne sait quelle destination, on y entend, comme si le micro était implanté dans leur cerveau, les sons et les pensées des gens transportés par le RER en direction de Roissy. Portraits individualisés de groupe transporté, avec ceux qui écoutent de la musique, ceux qui téléphonent, ceux qui potassent des schémas sur leur portable,etc.
Peu à peu, de la ruche, émergent deux fourmis, en rupture, dont on comprend qu’on va les suivre au-delà des transports en commun dans la révélation qu’un pas de côté est possible. « On arrête tout, et c’est pas triste » L’une, fait le ménage dans un grand hôtel au bord des pistes, l’autre y prend une chambre avant de partir à DubaÏ . On devine que leurs chemins vont se croiser, mais cela peut attendre. Et il ne se passe pas ce qu’on voit en surabondance lorsqu’un homme et une femme, ou deux femmes, ou deux hommes, se rencontrent.
D’autres moments ravivent le souvenir de Jeanne Dilmann de Chantal Akerman, dans la précision lente des gestes professionnels de la « technicienne de surface ». Rien ne nous échappe, des coulisses d’une machine à dormir, du chariot, des produits, des horaires, de la hiérarchie, de l’exploitation.
Les deux atomes humains, extraits du tourbillonnement s’individualisent.
L’ingénieur dans son travail et son intimité d’homme las qui tout d’un coup fait son burn-out, lâche tout, boulot , collègues et épouse, de l’autre côté de l’Atlantique, en une extraordinaire scène de rupture par Skype.
La jeune femme, comme nous, aura un devenir oiseau, grâce à un moineau qui parle, lui aussi, et dont nous suivons, dans le dernier tiers du film, la lutte pour la vie nue dans le milieu hostile d’une zone aéroportuaire. Il se nourrit de miettes, quand il en trouve, échappe à la guillotine des fenêtres qu’on peut à peine entrouvrir, probablement conçues pour que les humains ne puissent se jeter dans le vide, échappe à la mort darwinnienne plusieurs fois, trouve un ami en la personne quasi mutique d’un jeune Asiatique aquarelliste et permet au spectateur, en des scènes époustouflantes, de rase-mottes et d’envol, de survoler l’inhumaine zone. Il y aura des échappées vers la nature, ses oiseaux, les fleurs.comme dans le dernier Godard, sans qu’on soit dans une nature-refuge illusoire.
Fait chier, la pub, avant
On pense irrésistiblement au film de Pasolini, Uccelacci e uccellini, où les oiseaux, libres comme l’air, accompagnent aussi des personnages comme autant de Saint-François-d’Assise, patron des pauvres. On sort du film, un peu trop long, à la fois écrasé par l’inhumanité de la vie à laquelle le système néo-libéral mondialisé nous contraint et libéré par les ouvertures poétiques vers un autre monde immanent.
Vos deux comparaisons sont très pertinentes… Wim Wenders, Pasolini et Chantal Akerman (un k et un n) 😉 Merci pour le coup d’oeil t l’effet d’écho, 🙂