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Communiqué du GISTI

En janvier 2013, le gouvernement français a décidé, dans la plus grande discrétion, de soumettre les ressortissants syriens à la formalité du « visa de transit aéroportuaire » (VTA). Concrètement, cette mesure empêche les personnes dépourvues de ce visa d’embarquer sur un vol transitant par un aéroport français : elles ne peuvent donc ni demander l’asile en France à l’occasion de ce transit, ni y faire escale pour rejoindre un autre pays où trouver refuge.

Quelle meilleure preuve du double discours du gouvernement français ? D’un côté il proclame sa solidarité avec l’opposition en lutte contre un régime dictatorial qui persécute son propre peuple, de l’autre il emploie tous les moyens possibles pour empêcher ceux qui fuient la persécution de trouver refuge en Europe.

Sur plus de deux millions de Syriens qui ont fui leur pays, quelques dizaines de milliers seulement ont été accueillis en Europe – essentiellement en Allemagne et en Suède – et si deux ou trois mille d’entre eux ont pu accéder au territoire français depuis 2011, le nombre de visas de court séjour délivrés par les consulats français a dans le même temps considérablement chuté, avec un taux de refus atteignant 48%.

En octobre 2013 le président de la République s’était engagé, dans le cadre de la procédure dite de « réinstallation », à en accueillir… 500, mais même cette promesse, qualifiée à juste titre d’indécente par Amnesty, n’a pas été tenue.

L’obligation d’obtenir un VTA porte à l’évidence une grave atteinte à l’exercice du droit d’asile et elle expose les personnes empêchées de quitter la Syrie au risque de torture ou de mauvais traitements.

C’est pourquoi le Gisti et l’Anafé ont saisi le Conseil d’État de trois recours successifs : un référé-liberté, un référé-suspension et un recours en annulation. Tous les trois ont été rejetés avec constance, le dernier par une décision du 18 juin, qui reprend à son compte les arguments fallacieux du gouvernement.

Pour le Conseil d’État, l’obligation du VTA ne porte « par elle-même » aucune atteinte au droit d’asile ni au droit à la vie ou à la protection contre les traitements inhumains et dégradants. Ce raisonnement est caractéristique du formalisme abstrait et hypocrite qui évite d’affronter la réalité en face : car le Conseil d’État n’ignore évidemment pas que le VTA fait obstacle à l’exercice du droit d’asile en empêchant les Syriens de tenter de trouver refuge ailleurs qu’au Liban ou en Jordanie.

Tout aussi consternant est l’argument qu’il utilise pour confirmer la légalité de la mesure. Le règlement communautaire sur les visas permettant d’instaurer la formalité du visa de transit aéroportuaire « en cas d’urgence due à un afflux massif de migrants clandestins », le juge estime que cette condition est remplie dès lors qu’« un nombre important et sans cesse croissant de ressortissants syriens, principalement en provenance du Liban et de Jordanie et devant, en principe, seulement transiter par la zone internationale de transit des aéroports français, a tenté, à compter de l’année 2012, d’entrer irrégulièrement sur le territoire français à l’occasion de ce transit ».

Mais qui étaient ces ressortissants syriens sinon des demandeurs d’asile que les États n’ont justement pas le droit de refouler au motif d’une entrée irrégulière ?

Comment oser qualifier de « migrants clandestins » des personnes qui, lorsqu’elles ont réussi à franchir les obstacles mis sur leur route et à saisir l’OFPRA, se voient accorder le statut de réfugié ou la protection subsidiaire dans 90% des cas ?

Et quel autre choix avaient-elles pour fuir leur pays ou pour quitter les camps dans lesquels elles sont parquées par centaines de milliers que de tenter leur chance de cette façon ?

Cette décision ne fait pas honneur à la juridiction administrative. Elle se rend en effet complice d’un gouvernement qui contribue, en dépit des appels répétés du HCR à la solidarité internationale, à sceller le sort tragique des réfugiés syriens.

23 juin 2014