Avec :
Edwy Plenel : écrivain, journaliste, co-fondateur du site Médiapart, auteur entre autres de Pour les Musulmans (éd La Découverte, 2014);
Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l’UNESCO, historien, poète et essayiste, auteur notamment de La Palestine expliquée à tout le monde (éd. Seuil, 2013).
Débat animé par Denis Sieffert, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Politis.
« Il y a un problème de l’islam en France », n’hésite pas à proclamer le nouvel académicien Alain Finkielkraut, regrettant même « que l’on abandonne ce souci de civilisation au Front national ». À cette banalisation intellectuelle d’un discours semblable à celui qui, avant la catastrophe européenne, affirmait l’existence d’un « problème juif » en France, ce livre répond en prenant le parti de nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmanes contre ceux qui les érigent en boucs émissaires de nos inquiétudes et de nos incertitudes.
Tenants d’une politique de la peur et d’une guerre des civilisations, ces apprentis sorciers mettent en péril notre avenir commun. Sous le poids d’un passé colonial jamais vraiment soldé, la question musulmane détient aujourd’hui la clé de notre rapport au monde et aux autres, selon qu’on la dénoue ou qu’on l’exacerbe, qu’on l’apaise par la raison ou qu’on l’agite par la passion. Selon, en somme, que l’on considère (et qu’on accepte et qu’on respecte) nos compatriotes musulmans dans leur diversité ou qu’on les essentialise en bloc, figeant tout ce qui ressort, peu ou prou, de l’islam dans une menace indistincte qui légitimerait leur exclusion ou leur effacement. Cette réduction des musulmans de France à un islam lui-même réduit au terrorisme et à l’intégrisme est un cadeau offert aux radicalisations religieuses, dans un jeu de miroirs où l’essentialisation xénophobe justifie l’essentialisation identitaire.
Telle est l’alarme que ce livre voudrait faire entendre, en défense des musulmans, dans la diversité humaine de ce que ce mot recouvre. En défense de toutes celles et de tous ceux qu’ici même, la vulgate dominante assimile et assigne à une religion, elle-même identifiée à un intégrisme obscurantiste, tout comme, hier, les juifs furent essentialisés, caricaturés et calomniés dans un brouet idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions.
L’enjeu n’est pas seulement de solidarité mais de fidélité. Pour les musulmans donc, comme l’on écrirait pour les juifs, pour les Noirs et pour les Roms, ou, tout simplement, pour la France.
Edwy Plenel
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