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lu dans les DNA
Strasbourg – Strasbourg / Demande d’asile
Mobilisation pour un journaliste tchétchène
L’arrestation mercredi d’un journaliste tchétchène, réfugié à Strasbourg depuis la mi-décembre, a provoqué une levée de boucliers. Au-delà du cas précis, l’affaire illustre la difficulté aujourd’hui à faire valoir le droit d’asile en France.
On ne donnera pas le nom de l’homme qui travaillait jusqu’à l’automne 2009 pour une télévision d’Etat tchétchène. Après un enlèvement par des hommes cagoulés et un tabassage en règle, on lui aurait signifié qu’il ne devait plus avoir de contacts avec une ONG qui répertorie et relate les disparitions et les exécutions extra-judiciaires en Tchétchénie.
Le journaliste ayant persisté dans ces contacts, il a été licencié. Son épouse qui travaillait pour une radio associée à la chaîne de télé, a été également licenciée sous prétexte qu’elle était enceinte, déclare-t-elle. Lors de la fuite du pays, la mère raconte que son bébé a contracté une otite avec complications ; l’enfant est aujourd’hui soigné pour surdité en France, où le couple s’est rendu après avoir été contrôlé à la frontière polonaise.
« Nous craignons pour notre vie ; il est avéré que les camps de réfugiés tchétchènes en Pologne sont dangereux pour les anciens opposants », assure l’épouse du journaliste. Q! ui raconte aussi que son beau-frère, toujours en Tchétchénie, aurait été agressé à son tour après la fuite de la petite famille. Voilà qui explique que, même soutenus par le Club de la Presse, avec lequel ils étaient en contact, et par l’association CASAS (Collectif d’accueil des solliciteurs d’asile à Strasbourg), il n’était pas question de donner de noms ou d’apparaître en photo.
« Faire du chiffre »
L’homme a été arrêté mercredi matin par la police des frontières devant le siège de l’association CASAS où il venait relever son courrier. « Il attendait la réponse de la préfecture à notre demande de recours gracieux », indique son épouse. La préfecture a en effet signifié une obligation pour la famille de quitter le territoire parce que le pays légalement en charge de la demande d’asile ne peut être que la Pologne. « Cette demande en Pologne est d’ores et déjà refusée » précise Simone Fluhr, du CASAS.
Transféré au centre de rétention administrative de Geispolsheim, le journaliste a vu le juge des libertés et de la détention vendredi matin. Ce dernier a jugé la méthode d’interpellation déloyale, et ordonné qu’on relâche le Tchétchène. Malgré le soulagement du couple, cette bonne nouvelle est toute relative. L’un comme l’autre des réfugiés peuvent être interpellés à nouveau à tout moment.
Ils ne peuvent toujours pas saisir l’OFPRA (*) pour leur demande d’asile en France. La seule solution pourrait venir de la préfecture. « Un préfet a le pouvoir discrétionnaire de régulariser qui il veut », souligne Simone Fluhr. « Mais on constate, depuis trois ans, qu’à partir du moment où l’expulsion est légale, les préfets ne s’y opposent plus jamais ». « En fait, poursuit Simone Fluhr, la réadmission vers les pays tiers de l’Union européenne (la Pologne, en l’occurrence) est une vraie aubaine pour les quotas établis en France ; ça permet de faire du chiffre .»
Le CASAS relève par ailleurs deux arrestations supplémen!taires de pères de famille tchétchènes, lundi et mardi. « Le premier fumait une cigarette devant l’hôtel où il était hébergé avec sa famille, le second venait de déposer ses enfants à l’école .» La préfecture, contactée hier après-midi au sujet du couple de journalistes, n’a pas répondu pour l’instant.
MSK
(*) Office français de protection des réfugiés et apatrides.
© Dernières Nouvelles d’Alsace – 13.3.2010
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