Pour beaucoup, le fascisme c’était hier, ailleurs, dans les livres. Et pourtant, les conditions semblent être réunies pour que se constituent dans plusieurs pays d’Europe – et notamment en France – des partis fascistes de type nouveau disposant d’une forte influence sur la société.
D’évidence les fascismes de notre temps ne sont pas les simples clones de leurs aînés. Il nous faut cependant regarder la réalité en face : ils sont là, présents, fidèles au rendez-vous de la crise économique, sociale et morale qui déchire le Vieux Continent. Ils tissent leur toile d’araignée, suscitent les ralliements, construisent les passerelles, cherchent leur ordre de bataille et aspirent au pouvoir.
En France, la filiation historique du Front national est sans ambiguïté. Bon gré, mal gré, avec ses contradictions et ses tentatives de dissimulation, le Front national plonge ses racines et puise ses références dans le refus des Lumières, chez les antidreyfusards, dans la France de Vichy et de la révolution nationale, chez les partisans de l’Algérie française et de son ordre colonial.
Mais il va également de soi que le bleu marine n’est pas seulement l’ombre des chemises noires du passé, c’est également et avant tout la résultante des conflits d’aujourd’hui. L’impact réel de ce fascisme moderne réside dans sa capacité à fournir à la rébellion contre le « système » à la fois une idéologie, une forme d’organisation et des adversaires en chair et en os : les étrangers, l’État-providence, le mondialisme, le mouvement syndical, le féminisme, le multiculturalisme et bien d’autres encore.
Il y a déjà vingt ans, l’historien américain Robert Paxton nous disait à propos du fascisme historique qu’il avait été mal compris, « parce que le phénomène était inattendu et qu’il a surgi dans des sociétés qui croyaient que le suffrage universel et le progrès ne pouvaient que conduire inévitablement à la démocratie politique et sociale ».
Le fascisme combat à la fois l’«égoïsme» du patronat et celui des salariés, il se prétend le garant de la nation en prenant position contre les intérêts particuliers. Pour ce faire, il modifie constamment son programme, marie les contraires, balançant entre «anticapitalisme» et «libéralisme». C’est ainsi qu’il peut influencer différents secteurs de la population qui sentent leur mode de vie menacé, qui sont refoulés aux marges de la société et n’ont plus ni perspectives ni moyens d’existence à l’intérieur de la société telle qu’elle est. Il est à la fois parti des petits-bourgeois mécontents et parti des déclassés, parti d’ordre et parti de combat contre le système.
Le temps de la contre-offensive est venu : les forces doivent se rassembler pour répondre à la crise européenne.
Il ne suffit pourtant pas d’affirmer ce que l’on pressent. Il nous faut étudier les causes et les conséquences de la montée en puissance des extrêmes droites, tenter d’en comprendre les racines politiques, sociales, économiques, idéologiques ou historiques. Il nous faut décrypter la réalité de ces extrêmes droites pour la rendre intelligible au plus grand nombre.
Cela ne peut se faire que de manière plurielle et pluridisciplinaire.
C’est pourquoi, nous, éditeurs, libraires, instituts de recherches et auteurs nous avons décidé de nous rassembler afin de créer les conditions pour que partout, à l’occasion du prochain congrès du Front national à Lyon le 29 novembre, puissent s’organiser des universités populaires antifascistes et des salons du livre antifasciste.
« On peut jouer au fascisme de mille façons, que sans jamais le nom du jeu change », Umberto Eco
Les premiers signataires (au 2 novembre 2014) :
Éditions Syllepse (Paris)
Éditions Al Dante (Marseille)
Éditions Page Deux (Lausanne)
M Editeur (Québec)
Centre d’études et de formation interprofessionnel Solidaires
Institut CGT d’histoire sociale
Institut de recherches de la FSU
Librairie Le Repaire d’Aubagne
Librairie Transit (Marseille)
La Librairie Nouvelle (Voiron)
Librairie La Brêche (Paris)
À l’encontre (Lausanne)
ContreTemps
Entre les lignes entre les mots
Fondation Copernic
Memorial 98
Transform
Panos Angelopoulos (traducteur)
Eliane Arav (journaliste, auteure)
Marc-André Batigne (directeur de la photographie)
Sophie Béroud (politiste, Université Lyon 2, ancienne membre du comité de rédaction de la revue Mauvais temps)
Jean Bigot (producteur de films)
Saïd Bouamama (sociologue)
Jacques Breitenstein (ancien animateur de Ras l’front et du comité de rédaction de la revue Mauvais temps)
Michel Briganti (co-auteur de La galaxie Dieudonné)
Bachir Ben Barka (universitaire, Belfort)
Fodil Chabbi (auteur-réalisateur)
France Coumian (documentaliste)
Didier Daenninckx (écrivain)
André Dechot (co-auteur de La galaxie Dieudonné)
Nicolas Elghozi (producteur)
Pascale Fautrier (écrivaine)
Franck Gaudichaud (maître de conférences, université de Grenoble)
Jean-Paul Gautier (historien, auteur de Les extrêmes droites en France)
Pascale Granel (directrice de la photographie)
Albert Herszkowicz (Mémorial 98)
Patrick Jean (cinéaste, réalisateur de documentaire)
Samy Joshua (universitaire)
Daniel Kupferstein (documentariste)
Patrick Le Tréhondat (éditeur, ancien animateur de Ras l’front)
Alain Nahum (réalisateur)
Hugues Pagan (écrivain)
Françoise Pécoup (ancienne animatrice de Ras l’front et du comité de rédaction de la revue Mauvais temps)
Roland Pfefferkorn (universitaire, auteur)
Richard Poulin (sociologue, université de Montréal)
Bernard Richard (documentariste, auteur de Mains brunes sur la ville)
Patrick Silberstein (éditeur, ancien animateur de Ras l’front)
Jean-Francois Téaldi (journaliste)
Marcel Trillat (documentariste et journaliste)
Anne Tristan (auteure de Au front, Ras l’front)
Gérard Vidal (photographe, réalisateur)
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