Mgr Michel Dubost : « Ce qu’on a vu à Gaza, rien ne peut le justifier »
Une délégation d’évêques, de 11 pays différents, est en visite en Terre sainte, du 10 au 15 janvier, à l’invitation du patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal.
MC/Patriarcat latin de Jérusalem
Une délégation d’évêques, de 11 pays différents, en visite en Terre sainte, du 10 au 15 janvier, à l’invitation du patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, s’est rendue dans la Bande de Gaza.
AVEC CET ARTICLE
Les évêques de Terre sainte « inquiets » des attaques contre les chrétiens
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Les-eveques-de-Terre-sainte-inquiets-des-attaques-contre-les-chretiens-2014-04-30-1143804
Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry (Essonne), raconte leur passage par la bande de Gaza.
À l’invitation du patriarche latin de Jérusalem Mgr Fouad Twal, la Coordination catholique pour la Terre sainte est venue sur place, du samedi 10 au jeudi 15 janvier, pour sa visite annuelle. Elle réunit 15 délégués de Conférences épiscopales nationales provenant de 11 pays, et tous doivent visiter différents points chauds en Israël, à Jérusalem et dans les Territoires palestiniens occupés.
La délégation devait notamment se rendre à Gaza, dimanche 11 janvier, pour y célébrer la messe à la paroisse de la Sainte-Famille et rencontrer les fidèles au cours d’un déjeuner. Les autorités israéliennes n’ont d’abord laissé passer que 10 membres sur la quarantaine de personnes composant la délégation.
MAISONS RASÉES OU QU’ON FAIT EXPOSER
« J’ai fini par passer, mais au bout de sept heures d’attente pendant lesquelles les autorités, les militaires n’ont cessé de discuter », raconte Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry (Essonne), pour qui « les Israéliens voulaient surtout montrer qu’ils sont les patrons ». Ceux-ci n’ont d’ailleurs fait aucune difficulté, le lendemain, pour laisser la délégation se rendre dans la localité israélienne de Sderot, visée par les roquettes palestiniennes.
« Nous avons vu les destructions, qui sont inimaginables », témoigne l’évêque d’Évry. Au Nord de la bande de Gaza, près de la frontière, les maisons de 180 familles ont été rasées au bulldozer ou « explosées ». Le Catholic Relief Service, l’agence catholique humanitaire américaine, vient d’y installer une quarantaine de petits « chalets », dans lesquels les familles disposent en tout et pour tout de nattes de paille et de quelques matelas de mousse…
« PERSONNE NE NOUS CROIT »
Déclenchée après l’enlèvement et de l’assassinat des trois adolescents juifs, l’opération « Bordure protectrice » a fait plus de 2 000 morts, dont 500 enfants, et plusieurs centaines de milliers de sans-abri. « Tout est exactement dans le même état que cet été puisque le ciment ne peut passer la frontière : les Palestiniens ne peuvent rien reconstruire », constate Mgr Dubost. Dans l’une des trois écoles catholiques de Gaza, les seuls établissements mixtes et qui accueillent 1 000 élèves au total, les évêques ont rencontré des lycéens. « Ils nous ont demandé de raconter dans nos pays ce que nous avons vu, mais en nous prévenant que personne ne nous croirait ».
Les jeunes lycéens se sont également montrés très sensibles aux attentats qui se sont produits à Paris – tueries à Charlie Hebdo, à Montrouge puis dans le supermarché casher de la Porte de Vincennes – sans doute « parce qu’ils se sentent très fragiles face aux attaques islamistes et qu’ils sont payés pour savoir leurs dégâts », estime l’évêque d’Évry.
« C’EST UN RÊVE »
À eux comme aux juifs israéliens rencontrés de l’autre côté de la frontière, ils ont demandé si « la paix est possible ». « C’est un rêve », répondent invariablement Palestiniens et Israéliens. « Il y a eu tant de tentatives, tant de destructions qu’il faut vraiment être chrétien pour se dire que cela vaut quand même la peine de reconstruire », reconnaît Mgr Dubost, en soulignant le travail « extraordinaire » des organismes de solidarité catholique pour rétablir l’eau potable. La centrale ayant été bombardée, les Gazaouis n’ont que « quatre heures d’électricité par jour ».
Le curé de Gaza, le P. Jorge Hernandez, que le pape François avait reçu fin août à Rome, a raconté à la délégation qu’il éprouvait parfois l’envie de « prendre deux bus, d’y mettre la centaine de catholiques qui restent et d’essayer de partir ». Mais à chaque fois, il s’est ravisé, convaincu que « c’est notre pays, qu’il faut qu’on reste ».
Voir À Gaza, une situation humanitaire catastrophique
http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/A-Gaza-une-situation-humanitaire-catastrophique-2014-07-21-1181740
DESTRUCTION DE L’AUTRE
« Ce qu’on a vu à Gaza, rien ne peut le justifier », résume Mgr Dubost, au nom des évêques de la Coordination en Terre sainte. « Les Israéliens ont raison de vouloir la sécurité, mais la sécurité aux prix de la destruction de l’autre ne peut être juste ».
Les membres de la délégation ont également pu constater à quel point les échecs du secrétaire d’État américain, John Kerry, ont laissé des traces, côté palestinien : « Le sentiment d’injustice est très profond, car pendant les négociations, les juifs ne cessent de continuer à construire des colonies ».
« Chacun craint l’autre, chacun méprise l’autre, personne ne croit à une solution », constate encore Mgr Dubost, pour qui l’absence de rencontres entre les deux peuples constitue l’un des problèmes majeurs de ce conflit. « Plutôt que de partir du sommet, ne faut-il pas repartir de la base, rouvrir des points de passage ? Puisque personne n’y croit, nous, chrétiens devons croire à la paix, mais c’est difficile. »
Anne-Bénédicte Hoffne
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Mgr-Michel-Dubost-Ce-qu-on-a-vu-a-Gaza-rien-ne-peut-le-justifier-2015-01-13-1266724
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