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Roberto Fiore, en 2009. REUTERS/Paolo Bona.

Cette formation rassemble divers partis radicaux d’extrême droite, dont le NPD allemand et l’Aube dorée grecque, mais risque de rester confinée aux marges par l’inexorable normalisation des nationaux-populismes.

Depuis septembre 2014, un nouveau parti européen, l’Alliance pour la paix et la liberté (APF), rassemble diverses formations radicales d’extrême droite, dont deux ayant fait leur entrée au Parlement européen: le NPD allemand (néo-national-socialiste) et l’Aube dorée grecque. Le parti catholique et néo-fasciste italien Forza Nuova, qui n’a pas de siège à Strasbourg mais un dirigeant milliardaire, Roberto Fiore, fait également partie des fondateurs. C’est d’ailleurs Fiore qui préside l’APF, enregistrée comme une association de droit italien. Le mouvement vient de se réunir à Bruxelles le 4 février, dans l’enceinte même du Parlement et, ironie involontaire de l’administration européenne, dans la salle Anna-Politovskaya!

Thème de la réunion: «La Grèce après les législatives: les résultats vus dans une perspective nationaliste». Les orateurs ont dévoilé les conclusions d’une mission menée par l’APF à Athènes et dont l‘objectif était d’évaluer l’étendue de la «persécution politique contre l’Aube dorée», laquelle pourtant a pu participer au scrutin et obtenir 17 sièges, avec 6,9% des voix. Les autorités grecques n’ont d’ailleurs pas été aussi méchantes que cela avec ceux qui demandent la libération des militants et dirigeants emprisonnés du parti d’extrême droite avant mars, date limite à laquelle il doivent soit être jugés, soit être relâchés. En effet, la délégation de l’APF a été autorisée à rencontrer Nikos Michaloliakos, le président d’Aube dorée, dans sa prison de Koridallos.

Dans le groupe des visiteurs figuraient, outre Fiore, des élus de l’Aube dorée, le député européen NPD Udo Voigt et un avocat russe, Mikhail Kusnetsov. Ce qui tend à montrer qu’à Moscou, on ne s’intéresse pas seulement à l’Alliance européenne pour la liberté (à laquelle appartient Marine Le Pen) mais à des initiatives beaucoup plus à droite et même opposées à toute «dédiabolisation», puisque les partis membres d’APF défendent une ligne clairement «antisioniste» et même plus.

Dès lors, une question surgit: lorsque le site de l’APF publie un discours du ministre russe des Affaires étrangères sur la question ukrainienne et un appel lancé à l’Europe pour qu’elle arrête la «nouvelle guerre froide américaine et la politique de confrontation de l’Otan», est-ce le parti qui fait la cour à la Russie ou certains milieux russes qui ont décidé d’utiliser le mouvement comme canal d’influence? Quand l’APF invite à construire un «espace commun eurasiatique d’échanges, de l’Atlantique à Vladivostok», faut-il comprendre que les milieux eurasistes russes veillent sur le nouveau parti?

Alors que l’Alliance européenne des mouvements nationaux, à laquelle appartenaient Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch, est en fin de vie, l’APF pourra-t-elle prendre la relève en fédérant les partis de la droite nationaliste radicale? En plus des partis qui forment son noyau dur, elle n’a pour l’instant l’appui que de petites formations: les belges francophones du Mouvement Nation; l’ancien député européen britannique Nick Griffin, qui a quitté le British National Party pour fonder British Unity; les Espagnols de Democracia Nacional; les chypriotes d’ELAM et les suédois du Svenskarnas Parti…

L’APF mentionne également la participation à ses activités de militants français. Sur sa page Facebook, une photographie du meeting de Forza Nuova, tenu à Milan le 20 décembre 2014, montre au premier rang Alexandre Gabriac et Yvan Benedetti, dirigeants des groupes dissous Œuvre française et Jeunesses nationalistes. Mais sans l’adhésion, au moins, du Jobbik hongrois, l’APF ne sera que la réédition, avec davantage de moyens matériels, de structures comme le Front national européen (fondé par Fiore en 2004 avec le NPD), confinées aux marges par ce qui semble l’inexorable normalisation des nationaux-populismes.