Rome condamnée pour avoir rassemblé des Roms en camp sur critère ethnique !

« Installer les Roms dans un camp qui leur est réservé, sur un site éloigné et inaccessible, les relègue aux marges de la société et, fait important, s’avère illégal, a déclaré Elisa De Pieri, chercheuse sur l’Italie à Amnesty International.»

A quand Strasbourg ?

Voir notre dossier : « Espace Hoche », un camp pour Roms, grillagé et surveillé, à Strasbourg, siège de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

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[09/06/2015]

La décision d’un tribunal italien, qui a statué que la municipalité de Rome avait agi illégalement en relogeant de force des familles roms dans un camp basé sur la ségrégation ethnique, fera date dans la lutte contre la discrimination que subissent les Roms en Italie, a déclaré Amnesty International.

D’après le jugement, rendu public par les plaignants lors d’une conférence de presse conjointe qui s’est tenue à Rome mardi 9 juin, le fait d’installer les Roms dans le camp de La Barbuta, où se pratique la ségrégation ethnique, constitue un traitement discriminatoire. Amnesty International a déclaré que cette décision devait marquer le début d’un processus visant à mettre un terme à la ségrégation en matière de logement que subissent les Roms dans le pays.

« Installer les Roms dans un camp qui leur est réservé, sur un site éloigné et inaccessible, les relègue aux marges de la société et, fait important, s’avère illégal, a déclaré Elisa De Pieri, chercheuse sur l’Italie à Amnesty International.

« S’il a fallu une décision de justice pour confronter les institutions italiennes à leur autosatisfaction quant au traitement qu’elles réservent aux Roms, il importe que cela marque le début d’un processus. L’Italie doit en finir avec ce système discriminatoire à deux vitesses et veiller à ce que les Roms ayant besoin d’aide pour se loger ne se voient pas proposer qu’une seule option, à savoir s’installer dans un camp basé sur la ségrégation ethnique. »

Ce jugement, rendu le 30 mai par la section civile du tribunal de Rome, a conclu que la municipalité de Rome avait soumis les familles roms à une discrimination en les logeant dans le camp de La Barbuta. Ce camp, composé de préfabriqués entourés d’une clôture, a été construit sur un site isolé, non loin de l’aéroport de la ville, en s’appuyant sur les pouvoirs conférés au titre de l’état d’urgence décrété par le gouvernement italien en 2008. Malgré une décision de justice en 2011 annulant l’état d’urgence et toutes les mesures et décisions qui en ont découlé, la municipalité de Rome a achevé la construction du camp de La Barbuta et alloué des logements exclusivement à des familles roms, dont de nombreuse familles expulsées de force du camp de Tor de’ Cenci.

Amnesty International demande à la municipalité de Rome et au gouvernement italien, également partie prenante dans l’affaire, de prendre rapidement les mesures qui s’imposent afin de mettre en œuvre la décision dans son intégralité et d’en finir avec le traitement discriminatoire imposé aux familles vivant actuellement à La Barbuta et dans d’autres camps.

Au minimum, il faut stopper la planification et la construction de nouveaux camps, et mener une véritable consultation auprès de toutes les familles roms qui vivent à Rome dans des camps et des centres où se pratique la ségrégation ethnique, en vue d’élaborer différentes solutions réalisables, non discriminatoires et adaptées, conformément aux obligations qui incombent à l’Italie en termes de droits humains. Toutes les personnes et familles roms qui ont besoin d’un logement adéquat doivent en bénéficier, et avoir notamment accès aux logements sociaux.

« Depuis trop longtemps, les autorités locales opèrent une discrimination flagrante à l’égard des familles roms et les autorités nationales n’ont pas levé le petit doigt pour les en empêcher. Elles doivent travailler ensemble en vue de fermer les camps, tout en engageant le dialogue avec les habitants pour leur offrir des solutions adaptées, a déclaré Elisa De Pieri.

« Cette décision rappelle qu’il est légalement obligatoire de fournir à tous les citoyens un accès égal à un logement adéquat, indépendamment de leur origine ethnique. Elle constitue un progrès important, mais n’est qu’une première étape.

« L’Italie a jusqu’à présent fermé les yeux sur les mesures discriminatoires mises en place par les institutions locales. Il est temps que cesse cette inaction, clairement identifiée comme un aspect essentiel de ce jugement. La Commission européenne doit saisir l’occasion qu’il représente pour faire pression en faveur de l’ouverture contre l’Italie d’une procédure d’infraction pour son traitement discriminatoire à l’égard des Roms concernant l’accès à un logement convenable, en violation de la législation de l’UE sur la lutte contre les discriminations. »

Pour des informations complémentaires sur cette affaire, veuillez consulter notre rapport publié en 2013 :http://www.amnesty.org/en/documents/EUR30/008/2013/en/

Notes

Amnesty International, qui avait fait campagne avec des ONG locales et internationales pour stopper la construction du camp de La Barbuta et le transfert des familles roms vers ce camp, est intervenue en présentant un mémoire complémentaire destiné à éclairer la cour dans l’affaire intentée par l’Association d’études juridiques sur l’immigration et l’Association 21 Luglio contre la municipalité de Rome en 2012.

Les autorités de Rome ont mis en place deux systèmes parallèles en se fondant sur l’hypothèse que, si d’autres groupes avaient besoin de logements convenables, notamment de logements sociaux, les Roms pouvaient se contenter d’être installés dans des camps.