La police aux frontières (PAF) traque obstinément ceux qui viennent en aide aux migrants. À Perpignan, cette sinistre besogne a été couronnée par des poursuites pénales engagées par le Procureur de la République à l’encontre d’un dangereux activiste des droits de l’homme.
Des policiers zélés avaient identifié une cible de choix en la personne de Denis L. : il hébergeait à son domicile une famille arménienne (deux enfants de 3 et 6 ans et leurs parents), sous le coup d’une obligation de quitter le territoire et dans l’attente des résultats d’un ultime recours, non suspensif, contre le rejet de leur demande d’asile.
Employant les grands moyens pour le confondre, ils lui ont infligé 36 heures de garde à vue et un long interrogatoire, à la suite de quoi le procureur l’a convoqué devant le tribunal correctionnel : il doit y comparaître le 15 juillet pour aide au séjour irrégulier, délit passible de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros.
Pourtant l’article L 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers exclut toute poursuite lorsque l’hébergement d’un étranger en situation irrégulière « n’a donné lieu à aucune contrepartie et qu’il était destiné à assurer des conditions de vie dignes et décentes ». Autrement dit lorsque l’hébergeant agit par solidarité, comme Denis L. l’a fait à la demande du collectif des sans papiers de Perpignan, qui cherchait à reloger plusieurs familles de demandeurs d’asile en détresse.
Qu’importe : cette exception n’a désarmé ni les policiers ni le procureur de la République. Pour trouver une contrepartie à l’hébergement qu’ils voulaient à tout prix incriminer, ils sont allés chercher au fond de l’évier et du bac à linge sale de Denis L. ! Le procès-verbal de convocation devant le tribunal lui reproche en effet d’avoir demandé à ceux qu’il accueillait « de participer aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».
Un ferme avertissement est ainsi donné à tous ceux qui manifesteraient de dangereux penchants pour une solidarité qui reste encore et toujours suspecte aux autorités policières et judiciaires : si vous accueillez un étranger chez vous, n’allez quand même pas jusqu’à partager quoi que ce soit avec lui, surtout pas la vaisselle ou le ménage ! Et s’il vous parle, faites attention, l’agrément de sa conversation serait une contrepartie évidente au toit que vous lui prêtez. En somme, vous devez faire comme s’il n’était pas là. C’est toujours comme ça avec les étrangers : c’est mieux s’ils ne sont pas là…
La prétendue dépénalisation du délit de solidarité proclamée en 2012 n’est que faux-semblant : il passe encore la porte des palais de justice. Une fois de plus, une fois de trop !
Organisations signataires :
- Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF)
- Collectif Ivryen de vigilance contre le racisme (CIVCR)
- Collectif Si les femmes comptaient
- Ensemble !
- Fédération des associations de solidarité avec tous-te-s les immigré-e-s (FASTI)
- Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s (Gisti)
- Itinérance Cherbourg
- La Cimade
- Ligue des droits de l’Homme (LDH)
- Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
- Parti communiste français (PCF)
- Parti communiste des ouvriers de France PCOF
- Parti de gauche (PG)
- Réseau éducation sans frontière (RESF)
- RESF 51
- Réseau chrétien immigré (RCI)
- Syndicat des avocats de France (SAF)
- Syndicat de la magistrature
- Union Syndicale Solidaires
lire Un monde de camps, sous la direction de Michel Agier
Les autorités auraient dû enfermer le dangeureux activiste “Denis L.”
à Rivesaltes:
“Rivesaltes : son vignoble et son bord de mer.
Perpignan et Port Barcarès sont des lieux courus de villégiature. On connait la réputation des vins de Rivesaltes partout dans l’hexagone.
Et on peut emprunter les routes du département des Pyrénées-Orientales sans qu’aucun panneau indicateur n’attire notre attention sur le Camp de Rivesaltes.
En cherchant bien, on va découvrir un vaste site abandonné auquel on accède par une route non goudronnée bornée d’imposantes éoliennes. Même si le département tente de faire vivre un projet de Musée Mémorial depuis 2000.
Le site reste désespérément pétrifié. Quelques quidams y font courir leur chien.
Nulle librairie ou centre de documentation, nul guide, nulle possibilité de se remémorer l’histoire tragique du camp, des camps d’internement français.
Denis Peschanski nous rappelle que nous avons interné 600 000 personnes dans près de 200 camps. Le premier camp ouvrit ses portes à Rieucros, en Lozère, en février 1939.
Puis la France est confrontée à l’afflux massif (465 000 personnes) des espagnols et des interbrigadistes (volontaires des Brigades internationales) reculant devant les armées franquistes. 350 000 vont être retenues dans des camps !
Dès le déclanchement de la guerre, en septembre 1939, on va aussi interner « les ressortissants des puissances ennemies »,Allemands et Autrichiens, fuyant le nazisme !
Rivesaltes devient « le Drancy de la zone libre », selon l’expression de Serge Klarsfeld, en septembre 1942 : « Centre National de Rassemblement des Israélites qui l’intègre dans le processus de la Solution Finale élaborée en janvier 1942 ».
Vichy a consenti et encouragé la déportation de 10 000 juifs de toute la zone libre.
Il faut savoir que « le carnet anthropométrique » qui permettait de ficher les bohémines fut voté en 1912 ( près d’un siècle avant qu’on ne parlât d’ Edvige) et aboli seulement en 1969.
Le camp ne disparaît pas à la libération .Il sert de lieu de captivité de suspects de collaboration, de civils allemands (femmes en enfants compris) et toujours des Tsiganes.
Claire Auzias nous rappelle que les derniers Tsiganes ne seront libérés en France qu’en mai 1946 !
L’histoire du camp de Rivesaltes ne s’arrête pas là et Anne Boitel, son historienne, nous apprend qu’il devient « camp de transit » pour 35 000 Harkis rapatriés d’ Algérie.
En 1986, un centre de Rétention sur la vingtaine qui compose notre système concentrationnaire y voit le jour.
Curieuse géographie de l’exclusion qui voit se succéder dans le même espace tous les réprouvés d’une société sur 70 ans à peine.
Tout se passe comme si « le Devoir de Mémoire » faisait l’impasse sur le devoir de connaissance de la persistance des mécanismes idéologiques d’exclusion et de stigmatisation.
Tout se passe comme si il était aujourd’hui l’ alibi de la normalité des Pouvoirs !”
G Y Federmann