Ismahane Chouder : La dimension humaniste de l’engagement pour la paix est notre boussole

Rédigé par Ismahane Chouder | Vendredi 15 Janvier 2016

Un an après les premiers attentats qui ont bouleversé la société française, que faut-il retenir de ces funestes événements et de leurs conséquences ? Quels messages promouvoir et que préconiser pour construire une société meilleure ? Le point sur Saphirnews avec Ismahane Chouder, vice-présidente de Islam & Laïcité et membre du Collectif des féministes pour l’égalité.

Ismahane Chouder

Ismahane Chouder est vice-présidente de Islam & Laïcité et membre du Collectif des féministes pour l’égalité.

Funestes et tragiques ont été les événements qui ont inauguré et clôturé 2015 ! D’abord, redire l’émotion, l’indignation, la condamnation face à l’inacceptable.

Redire ensuite que nous devons plus que jamais collectivement défendre l’humanité contre la barbarie. La dimension humaniste et fraternelle de l’engagement pour la paix, la justice et la dignité doit rester notre boussole.

La progression fulgurante des populismes à l’échelle continentale ces dernières années et la désaffection des masses à l’égard des forces dites progressistes témoignent des non-dits et des tensions croissantes qui déchirent nos sociétés, tensions aggravées par la « guerre contre le terrorisme
».

Il en va de notre responsabilité individuelle et collective. Une responsabilité qui doit, plus que jamais et au-delà de nos divergences politiques et idéologiques, nous rassembler et nous permettre de nous organiser face aux stratégies d’instrumentalisation de la peur.

Qui ne souscrirait pas à une telle exigence vitale ?

Se sortir de la guerre, et non pas chercher à gagner la guerre
On nous demande d’accepter que l’état de guerre devienne un principe de gouvernement.

Toute « solution » sur ces bases nous enfonce un peu plus dans la guerre, un peu plus dans la peur, un peu plus dans l’abaissement de la liberté.

Les conséquences de cette incorporation collective dans la guerre sont déjà là. L’état d’urgence banalise la fermeture des frontières, les contrôles au faciès, les assignations à résidence, le fichage généralisé, les perquisitions musclées dans les lieux de vie ou de culte, la déchéance de nationalité (en y soumettant des binationaux nés en France)… On pense à des centres de rétention spécifiques, à un Guantanamo à la française.

Le racisme et l’islamophobie, prenant le prétexte des attentats, redoublent de virulence et s’exercent en toute impunité. Des mosquées vandalisées aux lynchages de personnes désignées comme musulmanes, ces violences s’exercent sans susciter l’indignation unanime de ces mêmes dirigeants qui prétendent pourtant assurer la sécurité de tous.

Un message désastreux, une défaite collective

Nos dirigeants discourent à l’extrême pour nous faire avaler que notre sécurité dépend de notre capacité à renoncer à nos libertés individuelles et nos droits fondamentaux, à renoncer à l’État de droit pour un État d’exception, renoncer à la liberté pour plus de sécurité. Nous habituer à trouver normal qu’il y ait des soldats dans les rues.

Eh bien, il faut pouvoir dire : non, je ne suis pas en guerre ; non, je ne considère pas que le problème islamique est le plus important de l’époque ; non, je n’admets pas une unanimité qui couvrirait une inégalité stupéfiante ; non, je ne pense pas que nous avons besoin de plus de policiers et de prisons.

Parce qu’il n’y a pas de solution réelle à la violence par la spirale sans fin de la contre-violence. Nous ne retrouverons l’unité que quand les inégalités seront réduites. Nous avons besoin de plus d’égalité, de justice sociale, de fraternité, de solidarité… de sens.

« Bien sûr, il faut être un assassin cruel et pervers pour tuer de sang-froid des personnes innocentes et désarmées, mais il faut être hypocrite ou stupide pour fermer les yeux sur les données dans lesquelles s’inscrit cette tragédie », écrivait Schlomo Sand.

Il faut sans cesse le répéter au risque de nous perdre, le seul horizon rationnel, acceptable… tout simplement humain n’est en aucun cas la guerre. C’est la justice. C’est la dignité.
C’est la paix.